PERSONNEL D’ADF
La nation insulaire des Seychelles est devenue le premier pays du monde à publier un rapport sur la gestion de son secteur de la pêche grâce à l’Initiative de transparence des pêcheries (FiTI) en avril dernier.
La FiTI, établie en 2017, vise à recueillir et publier des données fiables concernant la pêche. Celles-ci comprennent le nombre de vaisseaux munis de licence de pêche dans les eaux territoriales des pays donnés, les informations de prise, les informations concernant la viabilité des stocks de poissons et la valeur économique de diverses formes de pêche et de transformation des poissons, et plus encore.
Dans l’ensemble de l’Afrique et au-delà, les experts maritimes exhortent depuis longtemps à établir une meilleure transparence dans le secteur de la pêche pour décourager la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU) qui décime les stocks de poissons déjà sujets à une baisse rapide.
Les Seychelles, situées à environ 1.800 km au Nord-Est de Madagascar, ont 115 îles minuscules qui rendent difficile la surveillance de leurs eaux.
La pêche au thon représente une part importante de l’économie du pays et le succès de l’industrie est essentiel pour sa survie et son développement, déclare à SeafoodSource Philippe Michaud, président du groupe seychellois national FiTI à parties prenantes multiples. Il ajoute que l’augmentation de la transparence établira une « participation plus démocratique » aux pêcheries du pays.
« Il est donc clair que ce rapport n’est pas conçu pour les experts des pêcheries dans le gouvernement, l’industrie et la société civile. Au contraire, il est destiné aux Seychellois, déclare M. Michaud à cette publication. Nous devons tous assumer le titre de propriété de notre ressources commune. J’ose espérer qu’un secteur transparent des pêcheries, soutenu par un processus souple de partage des données et des débats réguliers avec le public informé, est à l’horizon pour les Seychelles. »
De tels efforts pourraient être cruciaux pour soutenir les stocks de thon des îles. Le thon jaune de l’océan Indien est surexploité et les stocks pourraient s’effondrer d’ici à 2026, selon le groupe de réflexion sans but lucratif Planet Tracker.
Un mois après la soumission du premier rapport FiTI par les Seychelles, la Mauritanie a publié le deuxième. Ce pays d’Afrique de l’Ouest combat la pêche IUU depuis des décennies. Les contrevenants les plus flagrants de ses eaux territoriales sont les gros chalutiers chinois.
La Chine, qui exploite aussi des usines de farine de poisson en Mauritanie, est le pire contrevenant mondial IUU selon la Global Initiative Against Transnational Organized Crime (Initiative mondiale contre la criminalité organisée transnationale). Le pays exporte annuellement 10.000 tonnes de fruits de mer de Mauritanie, selon SeafoodSource.
Le rapport FiTI de Mauritanie indique que le pays possède un peu plus de 6.800 vaisseaux de pêche artisanaux employant 24.984 petits pêcheurs.
Sven Biermann, directeur exécutif de FiTI, a déclaré à SeafoodSource que l’initiative n’offre pas d’argent aux pays pour émettre les rapports, mais qu’elle les met en contact avec des donneurs externes, comme elle l’a fait pour les Seychelles et la Mauritanie.
La FiTI est aussi en communication avec des officiels de Madagascar, de Maurice et des Comores, déclare M. Biermann à ADF dans un e-mail. La FiTI négocie avec le Cap-Vert, Sao Tomé-et-Principe et le Sénégal en Afrique de l’Ouest.
M. Biermann reconnaît que le manque de transparence d’un gouvernement est souvent considéré comme un effort délibéré visant à protéger les informations du regard public, et que les sociétés qui agissent de façon « opaque », sont en général soupçonnées de pratiques d’affaires douteuses. Mais il dit que d’autres facteurs pourraient exister.
« Lors des recherches sur l’ouverture gouvernementale, un résultat constant est le fait que les agences gouvernementales échouent au test de transparence simplement parce qu’elles manquent de ressources, dit-il à ADF. La liste croissante d’exigences sur ce qui doit être publié et sur la façon dont les agences doivent répondre aux demandes d’information équivaut à un investissement considérable en technologie, expertise et main d’œuvre. On peut bien comprendre que certaines organisations, en particulier celles qui manquent de fonds dès le départ, pourraient ne pas donner priorité à la transparence. »
Il ajoute que la pandémie du Covid-19 a réduit davantage la capacité de nombreux pays à financer de telles ressources.
La Commission de l’océan Indien (IOC) est un grand défenseur des efforts de la FiTI. Financée par l’Union européenne, l’IOC aide depuis les années quatre-vingt les états insulaires africains à améliorer la coopération en matière de mise en application des lois, de partage des renseignements et de coordination transfrontalière pour combattre le crime maritime.
En plus des Seychelles, la commission encouragera chaque état insulaire qu’elle couvre, c’est-à-dire les Comores, Madagascar, Maurice et l’île française de la Réunion, à participer à la FiTI, déclare Raj Mohabeer, responsable de l’IOC, à ADF dans un e-mail.
« Je crois que cette mesure est vraiment nécessaire pour améliorer la transparence dans l’industrie des pêcheries ; le manque de transparence favorise ceux qui contribuent à une gestion non viable des pêcheries », déclare M. Mohabeer.