Mahamadou Issoufou est intervenu lors de l’ouverture du sommet extraordinaire des chefs d’état et de gouvernement de la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest (CDEAO) le 23 avril 2020 par vidéoconférence. Il était à l’époque le président de la République du Niger et le président en exercice de la CEDEAO. Son discours a été modifié pour l’adapter à ce format.
Il y a quelques mois, personne ne pouvait imaginer que tout s’arrêterait brusquement : le travail, l’économie, la vie sociale. Personne ne pouvait imaginer que toutes les frontières terrestres, maritimes et aériennes de tous les pays du monde seraient fermées. Ces mesures n’ont pas été dictées par l’occurrence d’une guerre mondiale mais par un virus, le Covid-19. La crise sanitaire qu’il a créée a des conséquences humaines, sociales et économiques dont on est loin de pouvoir mesurer l’ampleur.
Déjà ébranlée par le défi sécuritaire, notre région, comme toutes les autres régions du monde, n’est pas épargnée par cette pandémie.
Les ripostes nationales que nous avons mises en place doivent être agrégées dans un plan régional de riposte conformément aux principes fondateurs de notre organisation, à savoir :
- solidarité et autosuffisance collective
- coopération inter-états, harmonisation des politiques et intégration des programmes
- règlement pacifique des différends entre les états membres, coopération active entre pays voisins et promotion d’un environnement pacifique comme préalable au développement économique
- répartition juste et équitable des coûts et des avantages de la coopération et de l’intégration économique.
Sur la base de ces principes, le plan de riposte face à la pandémie doit mettre l’accent, entre autres :
- au plan de la santé : sur la production massive et la mise à disposition de masques dont le port doit être obligatoire, sur le renforcement de l’Organisation Ouest-Africaine de la Santé (OOAS), sur l’opérationnalisation des Institutions Nationales de Coordination (INC) en charge du contrôle et de la prévention des maladies dans tous les pays membres, sur l’intensification de la lutte contre les faux médicaments dans notre espace, sur la coopération sanitaire aux frontières des pays membres, sur la gestion harmonisée des lieux de culte.
- au plan socio-économique : sur la mise en place d’un plan de soutien aux personnes et ménages vulnérables permettant un accès aux produits de première nécessité, sur l’adoption de mesures d’accompagnement fiscal pour les entreprises du secteur formel et informel, en particulier les PME, sur la facilitation de la circulation des marchandises, particulièrement les produits de première nécessité, sur les démarches nécessaires à entreprendre en vue de l’annulation de la dette des pays membres et au-delà des pays de l’ensemble de notre continent.
Les différents plans de riposte face à la pandémie doivent être prolongés par des plans post-pandémie. Notre région doit mettre en place un groupe technique de travail pour réfléchir sur l’impact socioéconomique et les conditions de reprise post-crise. Ce groupe doit nous proposer un plan d’investissement communautaire qui doit s’attaquer aux contraintes structurelles pour la nécessaire industrialisation, condition sine qua non pour notre émergence économique à travers notamment :
la maîtrise des facteurs de production : énergie, transport, et NTIC
la création de pôles industriels visant la transformation des avantages comparatifs de chaque pays. À titre illustratif, nous pouvons prospecter les industries du chocolat, du café, de la viande, du riz, du textile, de la pétrochimie.
la modernisation et la transformation de l’agriculture
la création de centres d’enseignement et de santé
la création de champions régionaux dans les domaines de la finance, de la logistique, de l’aviation pour ne citer que ceux-là.
Nous devons donc partager tous équitablement les risques comme les avantages de la globalisation. Voilà pourquoi il faut gérer notre planète avec prudence. Voilà pourquoi est nécessaire un nouveau paradigme pour la gouvernance mondiale. La dignité, l’égalité, la justice et la solidarité : telles sont entre autres les valeurs qui doivent fonder cette gouvernance. J’en appelle donc à la prise en compte de ces valeurs. J’en appelle en particulier à l’annulation de la dette des pays en développement.
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