PERSONNEL D’ADF
Bien au-dessus de la mer, au large des côtes d’Afrique de l’Ouest, les oiseaux marins qui suivent un chalutier de pêche partagent le ciel avec un drone en forme de coin qui, lui aussi, poursuit le bateau.
Le drone appartient à ATLAN Space, société marocaine qui utilise la technologie pour surveiller la pêche loin des côtes du continent. Les drones d’ATLAN remplacent les petites embarcations ou les navires de la Garde côtière qui conduisent habituellement la surveillance, ce qui leur permet d’être affectés à d’autres efforts de police.
L’intelligence artificielle qui anime les drones a fait gagner à Badr Idrissi, PDG et co-fondateur d’ATLAN, une place parmi les 10 finalistes du Prix 2017 de l’innovation africaine. En 2018, ATLAN a gagné le Prix de la protection marine de la National Geographic Society, d’une valeur de 150.000 dollars, qui a financé un projet pilote pour combattre la pêche illégale dans les Seychelles.
« Avec l’intelligence artificielle, nous sommes capables de remplacer le pilote, l’analyste des données, l’équipement de transmission, et grâce à cela nous pouvons réduire les coûts », déclare M. Idrissi, ex-gestionnaire de compte chez Microsoft, à Tech Gist Africa. « Nous considérons que nous sommes des partenaires du gouvernement dans l’élaboration d’une solution durable aux problèmes et aux défis qu’il affronte. »
25 % des poissons attrapés près des côtes africaines le sont illégalement. Les zones riches en poissons du continent font face aux menaces combinées d’un maintien de l’ordre peu performant, des antécédents de corruption et des flottes internationales agressives, dont beaucoup proviennent de Chine ou d’Iran, mais aussi d’ailleurs en Asie ou en Europe, et qui sont actives dans les eaux africaines sans respecter les règles en vigueur.
Un grand nombre de ces flottes souhaitent préserver le secret de leurs activités mais la technologie du 21ème siècle leur cause plus de difficultés.
Pour lutter contre la pêche illégale, les gouvernements et les organisations non gouvernementales utilisent tous les moyens, depuis les satellites jusqu‘aux albatros, pour surveiller les navires de pêche, suivre leur comportement et signaler ceux qui enfreignent les lois. Toute cette technologie a un seul but : obtenir des preuves contre les acteurs malveillants et mettre fin à leurs activités.
« Nous voulons mieux savoir ce qui se passe en mer, quand le navire entre dans un port et qui est son propriétaire », déclare à ADF Michele Kuruc, vice-présidente de politique océanique au Fonds mondial pour la nature. « Il s’agit d’améliorer la trousse à outils pour découvrir comment nous pouvons utiliser ces outils ensemble pour créer des données exploitables. »
La trousse à outils a déjà une énorme variété d’outils et d’utilisateurs :
- Spyglass, base de données développée pour EcoTrust Canada, utilise des archives publiques et des informateurs confidentiels pour relever tous les vaisseaux de pêche connus pour participer à des activités illégales, depuis la pénétration dans les eaux territoriales jusqu’à la traite des êtres humains.
- Skylight utilise les transpondeurs des systèmes d’identification automatique des navires (AIS) pour signaler leurs mouvements en temps réel et identifier les navires qui pourraient enfreindre la loi. Le système est soumis à des essais au large des côtes du Gabon.
- Les petits émetteurs montés sur les albatros utilisent les aptitudes des oiseaux pour voler sur de grandes distances et trouver les bateaux de pêche pour suivre les navires, surveiller leur comportement et identifier les acteurs malveillants.
En plus de la technologie, plusieurs organisations œuvrent pour aider les pays à réprimer la pêche illégale dans leurs eaux territoriales. C4ADS cherche à identifier les propriétaires et les bénéficiaires finaux des navires de pêche. FISH-i Africa réunit 7 pays d’Afrique de l’Est pour faire front commun contre les entreprises pratiquant la pêche illégale. Le Fonds mondial pour la nature (WWF), Trygg Mat Tracking et Stop Illegal Fishing, basé en Afrique, conseillent directement les gouvernements ou développent leurs propres outils en ligne pour suivre à la piste la pêche illégale.
« Nous sommes entrés dans une phase d’améliorations importantes pour le secteur de la pêche, en ce qui concerne la transparence », déclare Mme Kuruc.
Malgré les nombreuses organisations internationales qui travaillent sur ce problème, les pêcheurs locaux peuvent avoir le plus grand impact. Mme Kuruc déclare que son groupe fournit aux pêcheurs locaux des téléphones portables pour documenter les navires qui pêchent illégalement dans la zone près du littoral, qui est réservée aux pêcheurs artisanaux. Ces téléphones peuvent prendre des photos et transmettre les images au WWF et aux agences gouvernementales.
Au Mozambique, Manuel Castiano, coordinateur du programme des pêcheries régionales durables du WWF, travaille avec le ministère de la Mer, des Eaux intérieures et des Pêcheries pour suivre les navires mozambicains qui enfreignent les règlements de pêche, à l’aide du système de surveillance des navires par satellite. Il met à l’essai un système pour suivre les navires plus petits grâce à leur transpondeur AIS.
Le Mozambique se concentre sur les navires locaux parce que ses eaux sont essentiellement dépourvues des flottes internationales qui tourmentent l’Afrique de l’Ouest, déclare M. Castiano à ADF.
Que les pays africains combattent la pêche illégale par les airs, par la mer ou dans le cyberespace, ils partagent un problème commun en ce qui concerne l’utilisation de la technologie pour protéger leurs océans.
« Il existe des défis dus à l’accès libre, aux défaillances du maintien de l’ordre et au manque d’alternatives, déclare M. Castiano. La durabilité du système et la capacité analytique restent un défi. »