PERSONNEL D’ADF
Dans la lutte contre le Covid-19, les mouvements des personnes infectées et des gens qu’elles ont rencontrés sont des informations vitales. Alors que les pays africains étudient comment ralentir la propagation de la maladie, ils se tournent vers un outil important mais invisible : les données provenant des téléphones intelligents.
Ces téléphones sont devenus des outils dans la lutte contre le Covid-19 parce que leurs propriétaires les emmènent de partout et, grâce aux réseaux cellulaires et GPS, ils signalent constamment leur position.
Sur l’ensemble du continent, les experts en technologie développent des applis qui peuvent utiliser les téléphones pour suivre à la piste les mouvements des personnes afin de les avertir, et d’avertir leurs voisins, d’une possibilité d’infection si l’une d’elles, ou une personne à proximité, a été déclarée positive pour le Covid-19.
En Éthiopie par exemple, de jeunes innovateurs ont développé Debo, une appli qui utilise les signaux Bluetooth des téléphones pour avertir les utilisateurs que des personnes confirmées positives pour le Covid-19 sont aux alentours ou l’ont été récemment. L’Afrique du Sud collecte et mémorise les données des téléphones mobiles dans le cadre d’un programme supervisé par un juge de la Cour constitutionnelle. Au début de la pandémie, le Kenya avait forcé toutes les personnes arrivant à son aéroport international d’entrer en quarantaine pendant 14 jours et avait utilisé leur téléphone pour surveiller leur position.
Pour certains, le processus de traçage de la position des personnes et de mémorisation de ces données suscite des réserves liées à la confidentialité. En même temps, l’épidémie d’Ebola de 2014 à 2016 en Afrique de l’Ouest a démontré les limitations des données de téléphone intelligent, en particulier lorsque les gens ont plusieurs téléphones qu’ils prêtent à d’autres personnes.
Les champions du droit à la vie privée avertissent que la collecte et l’analyse de ces données spécifiques rendent les habitants de ces pays sujets au risque d’invasion de leur vie privée.
« En principe, c’est une bonne idée, une alternative aux confinements qui nuisent à l’économie », déclare Jane Duncan, ancienne directrice de l’Institut pour la liberté d’expression d’Afrique du Sud, à Africa Portal. « Mais il existe de graves dangers liés à la recherche numérique des contacts, qui doivent être atténués. »
L’Union africaine a approuvé l’utilisation des données pour surveiller les mouvements des personnes et localiser les points sensibles potentiels alors qu’elle essaie d’enrayer la propagation du Covid-19, qui a infecté plus d’un million de personnes sur le continent en date de début août.
Soutenue par plusieurs organisations transnationales, y compris le Conseil du tourisme africain et l’organisation des zones économiques africaines, l’UA a récemment lancé PanaBIOS, une appli qui peut suivre les foules à la piste et déceler les épidémies potentielles de Covid-19. L’utilisation généralisée de la technologie peut aider les pays à éliminer les restrictions frontalières qui ont suffoqué leur économie en permettant le mouvement des personnes qui ne sont pas infectées.
Albert Muchanga, commissaire de l’UA pour le commerce et l’industrie, a déclaré devant les participants à la Semaine d’intégration africaine à la fin juin que la technologie pourrait être cruciale pour préserver l’économie du continent et l’Accord de libre-échange du continent africain après les obstacles causés par l’épidémie du virus.
Les téléphones intelligents sont devenus un outil qui s’ajoute à la recherche des contacts face à face. La surveillance des contacts basée sur la technologie peut permettre de contrôler les interactions communautaires, en particulier dans le voisinage des points d’accès Wi-Fi publics, déclare Timothy Oriedo, scientifique des données et fondateur du Predictive Analytics Lab du Kenya, à The East African.
« Si on leur dit qu’une personne infectée se trouve dans le voisinage, cela pourrait inspirer un changement de comportement », déclare M. Oriedo.
Le Ghana a lancé l’utilisation de PanaBIOS lorsque son comité électoral a utilisé le logiciel pour réduire la taille des foules, en permettant aux utilisateurs de programmer leur visite de certains lieux de scrutin.
Les Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies et Africa Risk Capacity ont récemment mis à l’essai les « données massives » avec des outils qui permettent aux pays de simuler la propagation du Covid-19 et prédire les résultats potentiels de différents scénarios. Ces outils aideront les leaders à prendre des décisions et atténuer les risques, par exemple ceux liés à la réouverture des frontières.
« Le Covid-19 a provoqué des conséquences socio-économiques sans précédent en réduisant à néant les réussites de développement durement acquises », déclare Mohamed Beavogui, directeur général d’African Risk Capacity, tout en annonçant les nouveaux outils de modélisation. « L’Afrique est sujette à des défis hors du commun dans ses efforts pour gérer le fardeau de la maladie. »