La science forensique aide à identifier les braconniers des pangolins
PERSONNEL D’ADF
En avril 2019, des officiels de Singapour ont intercepté près de 13 tonnes d’écailles de pangolin. Elles avaient été dissimulées dans des douzaines de sacs identiques.
C’était la plus grande saisie de contrebande liée aux pangolins, dans une année où les autorités de douane avaient découvert 70 tonnes d’écailles acheminées secrètement de l’Afrique à l’Asie, en grande mesure pour soutenir le marché de la médecine traditionnelle chinoise (MTC).
Pour mettre fin au commerce des produits du pangolin, il faut déterminer leur provenance et ceux qui pourraient être responsables du braconnage.
Jusqu’à récemment, il était difficile de connaître ces détails.
Mais les chercheurs et les champions de la faune sauvage ont de plus en plus recours à la science forensique pour identifier l’origine des produits du pangolin et intercepter les gens qui les passent en contrebande. Dans bien des cas, ils utilisent des méthodes développées pour arrêter les braconniers de l’ivoire.
Dans les forêts de la réserve naturelle de Lopé-Okanda au Gabon, une équipe d’experts a capturé récemment un pangolin géant insaisissable surnommé le « fantôme ». Ils ont recueilli des échantillons de fluide, de tissu et d’écaille de l’animal.
En analysant les écailles, les chercheurs peuvent déterminer la composition chimique précise de l’environnement natal du pangolin, processus appelé analyse isotopique. Ce faisant, les chercheurs gabonais apportent des innovations à la lutte contre le trafic de la faune sauvage.
« Nous sommes essentiellement seuls à lutter pour le moment. Et nous n’avons toujours pas pu gagner cette guerre », déclare Lee White, ministre gabonais des Forêts, de la Mer, de l’Environnement, chargé du Plan Climat, au Guardian.
Le « rapport mondial sur la criminalité liée aux espèces sauvages » publié en 2020 par l’ONU indique que les saisies de pangolins victimes du trafic illégal ont monté en flèche, allant de moins de 5.000 en 2007 à près de 142.000 en 2018, la dernière année pour laquelle ces chiffres sont disponibles. Entre 2014 et 2018, les agents de douane du monde entier ont découvert l’équivalent de 370.000 pangolins passés en contrebande.
Le Nigeria, le Cameroun et la République démocratique du Congo sont devenus des sources majeures de produits du pangolin pour le commerce MTC. Dans 25 % des cas environ, les écailles de pangolin sont transportées en même temps que l’ivoire des éléphants victimes du braconnage, ce qui indique clairement que des bandes criminelles sont à l’origine du trafic, déclare Sam Wasser, directeur du Centre pour la biologie de conservation à l’Université de Washington.
C’est pour cette raison que la science forensique peut être un outil si important, déclare-t-il.
Lorsque les agents de douane découvrent une pléthore d’écailles mélangées, comme ils l’ont fait à Singapour, les tests génétiques permettant d’analyser l’ADN des écailles peuvent révéler à laquelle des huit sous-espèces elles appartiennent, ce qui permet de déterminer si ces écailles proviennent d’Afrique ou d’Asie.
Des chercheurs du Royaume-Uni ont récemment découvert qu’ils pouvaient recueillir des empreintes digitales réelles sur les écailles de pangolin à l’aide de collecteurs à gélatine, petites feuilles possédant un adhésif sur un côté et utilisées couramment par les enquêteurs de scène de crime. Contrairement aux tests génétiques ou isotopiques, les collecteurs à gélatine sont faciles à utiliser sur le terrain.
« À notre connaissance, personne n’utilise les [collecteurs] à gélatine pour investiguer le crime lié à la faune sauvage », déclare Christian Plowman, ancien détective de Scotland Yard au Royaume-Uni et conseiller en matière d’application des lois pour la société zoologique de Londres, à National Geographic. « C’est la première fois que des empreintes à valeur probatoire ont été obtenues sur des écailles de pangolin. »
Bien que les tests d’ADN puissent identifier l’espèce et que les collecteurs à gélatine recueillent des preuves humaines, l’analyse isotopique s’appuie sur le fait que les poils, les écailles et d’autres produits du corps en kératine enregistrent la composition chimique des détails tels que l’alimentation et l’environnement de l’animal. En examinant la quantité d’oxygène, d’hydrogène et d’autres éléments, les chercheurs peuvent identifier la provenance géographique des écailles de pangolin.
Dans le jeu sans fin du chat et de la souris, la police ferme les routes de trafic et élimine les sources de contrebande, mais les braconniers en trouvent de nouvelles. Les organisations criminelles engagent des spécialistes équipés pour travailler dans les régions reculées, loin de la police, selon Katherine Abernathy, écologiste à l’Université de Stirling en Écosse et chef d’équipe du groupe d’écologie des forêts africaines de l’université.
Mme Abernathy déclare dans ses recherches que le Gabon, qui abrite trois des quatre espèces africaines de pangolin, est vulnérable face à l’exploitation des réseaux criminels.
« Nous recommandons un ajustement des politiques et des actions de conservation pour entraver la croissance additionnelle du commerce illégal au sein du Gabon et vers l’étranger », écrit-elle dans une étude de 2018 publiée dans l’African Journal of Ecology.
Aurélie Flore Koumba Pambo, responsable scientifique de l’Agence nationale gabonaise pour les parcs nationaux, a déclaré à Bloomberg Environment que le commerce illégal de la faune sauvage fait plus que nuire à l’héritage naturel du pays.
« Il sape aussi la bonne gouvernance et réduit les revenus provenant de l’utilisation économique et durable du tourisme basé sur la vie sauvage », a-t-elle dit.
Comments are closed.