PERSONNEL D’ADF
Les pays du monde entier commencent à rouvrir leur économie anéantie, alors que l’épidémie du Covid-19 continue. Beaucoup de leaders ont des questions sur la cause de l’épidémie. Certains ont demandé à la Chine une indemnisation ou l’annulation de leurs dettes à cause du préjudice général que le virus a provoqué.
En Afrique, certains font appel à la solidarité face à la crise, en déclarant qu’elle devrait commencer par le partage du fardeau économique de la reconstruction.
« C’est tout simplement une période apocalyptique, et je ne crois pas que nous la prenions aussi sérieusement qu’il le faudrait », déclare Ken Ofori-Atta, ministre des Finances du Ghana, lors d’une interview avec le Centre pour le développement mondial. « Étant donné la façon dont les pays du monde se sont mobilisés après la Seconde Guerre mondiale, je pense que nous affrontons quelque chose de similaire. »
Les experts de la Chine pensent qu’il est improbable que des concessions majeures concernant l’annulation des dettes se produiront.
« Pour commencer, l’attitude chinoise concernant cette idée consiste à résister complètement », selon la déclaration de Yun Sun, directeur du Programme de Chine au Centre Stimson (groupe de recherche politique), faite à Voice of America. « Cela ne veut pas dire, par exemple, que la Chine ne conduira pas de renégociation, ou de restructuration, ou même de report, concernant les dettes, afin d’accorder une période de grâce plus longue pour le remboursement des dettes des pays africains. Mais je pense qu’une annulation totale des dettes ne sera pas au rendez-vous. »
Les organismes internationaux peuvent être incapables, ou peu désireux, d’exposer la Chine à des pressions économiques, mais les pays africains ont tout de même quelques options. Ceci est vrai en particulier pour le projet de la Nouvelle route de la soie (One Belt, One Road, OBOR), qui assure le financement des routes, des voies ferrées et des ports pour développer le commerce. Les emprunts africains liés à OBOR se sont élevés à environ 146 milliards de dollars entre 2000 et 2017.
Le président tanzanien John Magufuli a récemment annoncé qu’il avait annulé un prêt chinois de 10 milliards de dollars pour construire un port à Bagamoyo. Son prédécesseur, Jakaya Kikwete, avait signé le prêt. Dans une déclaration publiée à grande échelle, M. Magufuli a caractérisé les termes et conditions du prêt comme étant si ridicules que « seulement un ivrogne » les aurait acceptés.
La Chambre des Représentants du Nigeria a exigé l’examen ou l’annulation des derniers emprunts chinois à cause de l’existence d’une « force majeure », c’est-à-dire des circonstances imprévisibles qui empêchent l’exécution d’un contrat.Puisque l’Assemblée nationale avait mal clarifié la façon dont la plupart des prêts avaient été contractés et utilisés, les législateurs veulent qu’un comité d’enquête examine tous les prêts chinois depuis l’an 2000.
D’autres observateurs ont pesé différentes stratégies pour faire pression sur la Chine afin qu’elle négocie avec les pays débiteurs. Elles incluent la fermeture des centres culturels chinois appelés instituts Confucius, les menaces de renouvèlement des relations diplomatiques avec Taïwan, ou l’expulsion des travailleurs chinois.
Jusqu’à présent, les nations africaines ont gardé l’espoir que la Chine se rende à la table de négociation.
« Il s’agit d’une autre imposition venant de l’extérieur, qui exacerbe notre situation », déclare M. Ofori-Atta du Ghana. « Selon moi, la Chine doit se montrer plus résolue. La dette africaine à l’égard de la Chine est d’environ 145 milliards de dollars. Les paiements cette année s’élèveront à 8 milliards de dollars, y compris 3 milliards d’intérêt. Cela doit être examiné. »
La Chine envisage plusieurs réponses aux appels d’allègement des dettes, notamment la suspension des versements d’intérêts sur les prêts accordés par les établissements financiers du pays, selon un reportage du Financial Times.
« Nous reconnaissons qu’un grand nombre de pays souhaitent renégocier les conditions des emprunts », déclare un chercheur de la Banque de développement de Chine, « banque institutionnelle » chinoise qui aide à lancer des emprunts s’élevant à des centaines de milliards de dollars pour les projets OBOR dans le monde. « Mais la conclusion des nouveaux marchés prend du temps, et pour le moment nous ne pouvons même pas voyager à l’étranger », déclare le chercheur, sous réserve de garder l’anonymat. « Ces prêts ne sont pas liés à l’aide à l’étranger. Nous devons au minimum récupérer la somme principale, et des intérêts modérés. »
En avril, le groupe des 20 économies principales (G20), y compris la Chine, a convenu de suspendre les obligations de paiement concernant les dettes bilatérales (accords de prêt entre un seul emprunteur et un seul prêteur) des 77 pays les plus pauvres du monde, jusqu’à la fin de l’année. Le but était de libérer plus de 20 milliards de dollars que les gouvernements des pays pauvres pourraient utiliser pour renforcer leur système de santé.
Le Kenya a refusé cette offre parce que les conditions de l’accord étaient trop restrictives, selon la déclaration du ministre des Finances Ukur Yatani lors d’une interview avec Reuters. Au lieu de cela, le Kenya a engagé des négociations avec les pays créanciers, y compris la Chine, pour obtenir des moratoires d’environ un an sur les paiements liés aux dettes.
« L’initiative d’allègement des dettes du G20 n’offre pas d’avantage optimal, étant donné la structure du portefeuille de créances du Kenya, déclare M. Yatani. Chaque pays s’adapte à la situation en fonction de ses propres circonstances. »