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La Chine œuvre pour promouvoir sa médecine traditionnelle et réduire au silence les sceptiques

PERSONNEL D’ADF

Malgré des preuves accablantes qui démontrent que la médecine traditionnelle chinoise (TCM) n’a aucun effet sur le nouveau coronavirus, la Chine continue à promouvoir l’utilisation de la TCM dans le monde entier. Dans certains cas, la Chine trouve un auditoire réceptif.

Cela ne concorde pas avec ce que pense un grand nombre de professionnels qui pratiquent la médecine traditionnelle. Le Covid-19, maladie provoquée par le coronavirus, a infecté plus de 7 millions de personnes dans le monde entier. Plus de 400.000 ont trouvé la mort.

« Nous avons affaire à une infection grave qui exige un traitement efficace. En ce qui concerne la TCM, il n’y a pas de preuve fiable [qu’elle fonctionne], et son utilisation n’est donc pas seulement injustifiée, elle est dangereuse », déclare Edzard Ernst, professeur émérite de médecine complémentaire à l’université d’Exeter (Royaume-Uni), au journal scientifique britannique Nature.

La TCM utilise souvent des produits animaliers, notamment les écailles de pangolin, les cornes de rhinocéros, les parties du corps des tigres et la bile d’ours. De tels produits nuisent à l’environnement, menacent certaines espèces et peuvent conduire à un accroissement des cas de maladie lorsque les virus passent des animaux aux humains.

Il est estimé que le coronavirus est apparu à la fin de l’an dernier dans un marché humide de Wuhan (Chine), où les animaux sauvages sont vendus et abattus sur place. Alors que le virus se propageait, la Chine a interdit la consommation de nourriture provenant d’animaux sauvages, mais elle a bientôt commencé à vanter les vertus de la TCM pour combattre la maladie. La Commission nationale chinoise sur la santé recommande notamment d’utiliser un médicament contenant de la bile d’ours. La bile est extraite des ours, placés dans des cages très étroites, à l’aide de cathéters connectés à leur vésicule biliaire.

Aron White, défenseur de la faune sauvage et spécialiste de la Chine à l’Environmental Investigation Agency, est sidéré.

« Imposer des restrictions sur la nourriture provenant des animaux sauvages tout en promouvant des médicaments contenant des substances d’animaux sauvages est un exemple des messages contradictoires émis par les autorités chinoises sur le commerce de la faune sauvage », écrit M. White dans un article placé sur le site Web de l’agence.

« Mise à part l’ironie consistant à promouvoir un produit à base de faune sauvage pour traiter une maladie qui provient de la faune sauvage, selon les conclusions universelles de la communauté scientifique, la promotion continuelle de l’utilisation médicinale des animaux sauvages menacés fait preuve d’une énorme irresponsabilité à une époque sans précédent de disparition de biodiversité, y compris à cause du commerce illégal et insoutenable. »

Un nombre record d’espèces menacées, beaucoup d’entre elles provenant de l’Afrique, étaient importées en contrebande vers la Chine avant que la pandémie mortelle ne commence à se propager. L’an dernier, Hong Kong a saisi 8,3 tonnes d’écailles provenant de près de 14.000 pangolins. Elle a aussi enregistré sa plus importante saisie de cornes de rhinocéros, d’une valeur de plus de 1 million de dollars.

« L’une des caractéristiques les plus alarmantes de la contrebande de faune sauvage est le recours croissant aux espèces menacées dans les médicaments traditionnels », déclare le groupe de conservation ADM Capital Foundation dans un rapport. Il identifie l’industrie de la TCM comme étant responsable de plus des trois quarts du commerce des produits dérivés des animaux sauvages menacés depuis 2014 à Hong Kong.

En 2016, la Chine a adopté une loi nationale exigeant que les gouvernements locaux fassent la promotion de la TCM. Le président Xi Jinping est son partisan le plus proéminent et estime que c’est un moyen de propager la culture chinoise dans le monde entier.

À l’étranger, la Chine pousse la vente des remèdes traditionnels en ouvrant des centres de TCM dans plus de deux douzaines de ville, notamment à Barcelone (Espagne), Budapest (Hongrie) et Dubaï (Émirats arabes unis).

La Chine adopte même des mesures à l’intérieur de ses propres frontières pour faire taire toute critique de la TCM. Le gouvernement de la ville de Pékin a proposé un projet de loi pour punir les personnes qui « diffament » la TCM. Ce projet de loi vise à accroître l’utilisation de la médecine chinoise traditionnelle dans le système de soins de santé, depuis le traitement des cancers jusqu’à la prévention des maladies infectieuses.

L’une des clauses proposées interdit aux gens de « discréditer ou de diffamer la médecine chinoise traditionnelle ». Enfreindre cette règle pourrait conduire à des sanctions pénales. Cette promotion pourrait avoir, entre autres, des raisons économiques. La TCM a enregistré une croissance annuelle de plus de 10 % en Chine, de 26 milliards de dollars en 2014 à 44 milliards en 2019, selon un rapport du Council on Foreign Relations (CFR).

« Les leaders chinois, préoccupés par une économie anémique et par le pouvoir du discours populaire, continueront probablement à réprimer les critiques de la TCM dans leur pays tout en investissant des ressources dans sa promotion à l’étranger », écrit Michael Collins, associé de recherche chez CFR.

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