PERSONNEL D’ADF
Le Covid-19 a fait son apparition tardivement en Afrique mais, alors qu’il se propage à travers le continent et provoque d’énormes perturbations et des milliers de décès, une question cruciale se pose : les pays affectés peuvent-ils tenir la Chine légalement responsable ?
Les partisans affirment que, lorsqu’elle a manqué de fermer les marchés humides qui avaient déjà provoqué précédemment une pandémie, lorsqu’elle a nié l’existence du virus, et lorsqu’elle a réduit au silence ceux qui essayaient d’avertir les autorités, la Chine a enfreint ses responsabilités en vertu des règlements internationaux de santé. Ces règlements avaient été instaurés du fait de l’épidémie de SRAS de 2005, qui s’était aussi manifestée dans un marché humide chinois.
« Le marché alimentaire chinois, qui est mal contrôlé, a provoqué une crise de santé après l’autre », écrit Abhishek Kumar, étudiant à l’Université nationale de droit Dr. Ram Manohar Lohiya de Lucknow (Inde) dans jurist.org. « L’incompétence des leaders politiques chinois a aidé à rendre possible la pandémie du coronavirus : elle a amené l’économie mondiale au bord de la faillite et elle a rempli les hôpitaux et les cimetières du monde entier. »
Les infractions de la Chine à l’égard du droit international et des règlements de santé donnent aux pays du monde entier une base juridique pour exiger des indemnités pour les difficultés économiques qui en ont résulté. Ces accusations pourraient être examinées par la Cour internationale de justice ou un autre tribunal international.
Les enjeux sont élevés. Dans toute l’Afrique, les pays sont endettés à l’endroit des banques chinoises à hauteur de plusieurs milliards de dollars, sous forme d’emprunts liés à l’infrastructure qui avaient été accordés par la Chine dans le cadre de son projet d’infrastructure de la « Nouvelle route de la soie ». À mesure que la distanciation sociale et les autres réponses au Covid-19 nuisent aux économies africaines, les gouvernements nationaux sont forcés de faire un choix : prendre soin de leur peuple ou rembourser leurs créances chinoises.
« Le continent doit recevoir des dommages et une indemnité civile de la part de la Chine, pays riche et puissant qui a manqué de gérer de façon transparente et efficace cette catastrophe mondiale », écrit Obiageli « Oby » Ezekwesili, ancienne vice-présidente de la Banque mondiale pour la région d’Afrique et ancienne ministre de l’Éducation du Nigeria, dans The Washington Post.
Au moment même où le G20, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont convenu de renoncer au paiement de leurs prêts sur le continent, la Chine refuse une telle amnistie générale et exige que les pays renégocient cas par cas les conditions de plus de 140 milliards de dollars d’emprunts publics et privés.
Ces pays pourraient-ils simplement refuser de payer dans le cadre de leur réclamation pour une indemnisation de la part de la Chine ?
C’est possible, déclare Mma Amara Ekeruche, associée de recherche au Centre d’étude des économies africaines.
Bien qu’il n’existe pas de loi internationale réglementant la réponse appropriée à une situation telle que l’épidémie de Covid-19, certaines décisions antérieures ont reconnu une responsabilité internationale pour les dommages causés par des dangers qui se propagent d’un pays à l’autre, déclare-t-elle. Un tel précédent est apparu lors d’un litige international sur la contamination de l’air dans les années 30 entre les États-Unis et le Canada, appelé l’arbitrage de la fonderie de Trail. Dans ce cas, le Canada avait été forcé de payer une indemnité aux États-Unis à cause des dommages environnementaux causés par la fonderie canadienne.
Bien qu’il puisse exister des précédents pour intenter des poursuites contre la Chine, les observateurs déclarent que le succès est improbable. Mme Ekeruche, associée de recherche au Centre d’étude des économies africaines, déclare que, dans bien des cas, une telle stratégie mettrait les ressources nationales clés en danger. Dans le cadre du financement de l’infrastructure liée à l’initiative de la Nouvelle route de la soie, les banques chinoises peuvent saisir les ports, les chemins de fer et autres industries nationales si un pays ne rembourse pas son prêt.
« Pour le moment, je ne pense pas que les pays africains adopteront ces mesures, déclare Mme Ekeruche. Puisque les Chinois gèrent les projets d’infrastructure qui ont été financés avec les emprunts, et puisque certains emprunts sont sécurisés par des actifs souverains, leur non-remboursement pourrait provoquer l’abandon des actifs des gouvernements. »
Les leaders africains peuvent simplement considérer l’exemple du Sri Lanka, qui a perdu le contrôle de son port de Hambantota et de milliers d’hectares voisins en échange de l’annulation de sa dette par la Chine.
Guo Shaochun, ambassadeur de Chine au Zimbabwe, a refusé toute réclamation selon laquelle la Chine n’avait pas agi de façon responsable pour conduire une investigation et prendre des mesures contre le virus, dans un article publié dans le Daily News du Zimbabwe.
Exiger que la Chine paie une indemnité quelconque serait difficile à cause du principe de l’immunité souveraine, selon Robert Williams, directeur exécutif du Paul Tsai China Center à l’École de droit de Yale. En tant que pays souverain, la Chine ne peut pas être traduite en justice pour des crimes devant les tribunaux d’autres pays. Il existe peu de précédents pour forcer les pays à rembourser les dommages causés par les pandémies, écrit le professeur Sreeram Chaulia de l’École des affaires internationales Jindal, en Inde, dans la Nikkei Asian Review.
Mme Ekeruche déclare que les pays africains pourraient demander un dédommagement auprès de la Cour internationale de justice.
« Toutefois, ajoute-t-elle, la Chine a prouvé qu’elle n’observait pas les règles internationales. »