PERSONNEL D’ADF
Au Cameroun, des rumeurs ont commencé à faire rage sur les réseaux sociaux. Selon elles, les hôpitaux fonctionneraient au-delà de leurs capacités et les tests de dépistage du Covid-19 seraient disponibles uniquement au prix fort. Mais rien de cela n’était vrai. Les hôpitaux ont de la place et le dépistage est gratuit.
Le pays, qui affronte une vague de désinformation, met á l’essai un certain nombre de stratégies pour y répondre. L’une d’elles s’appelle « Smart Click Africa » (Cliquez intelligemment en Afrique), site qui réfute les rumeurs et les mensonges.
« Il est important que nos citoyens sur le Web se demandent si les informations qu’ils vont partager sont de bonnes informations provenant de sources et de journaux fiables », déclare Beaugas-Orain Djoyum, président de la Smart Click Africa Association, à la CRTV du Cameroun.
Le Dr Bell Bitjoka, autre expert camerounais de la technologie de l’information, voit dans le virus une opportunité idéale pour « ceux qui créent des informations fallacieuses ». Il déclare que leur but consiste à ce que « nous ne puissions pas mettre en œuvre la stratégie ou le but de lutter contre le Covid-19 ».
Des sources diverses
Alors que le Covid-19 se propage dans le monde entier, il s’accompagne d’informations incorrectes et trompeuses. La propagation à petite échelle est conduite par des escrocs ou des gens qui souhaitent promouvoir leur agenda politique. Dans d’autres cas, les nouvelles sont diffusées sur une échelle plus vaste. Certaines informations trompeuses ont été promues par les autorités chinoises afin de nier responsabilité pour l’épidémie et détourner les reproches vers d’autres pays.
En Afrique, les médias chinois ont un grand auditoire. Ils incluent CGTN (China Global Television Network, anciennement CCTV Africa), basé à Nairobi, qui est un réseau africain de diffusion de base disponible en six langues sur l’ensemble du continent. La Chine cible aussi des millions d’Africains sur les chaînes de réseaux sociaux telles que Facebook et Twitter.
Quelle est la portée de la Chine sur les réseaux sociaux ? En date de décembre 2019, la chaîne en anglais de CGTN comptait 90 millions d’adhérents, soit le plus grand organe de presse de Facebook. La chaîne en français de CGTN avait 20,3 millions d’adhérents, celle en espagnol 15,7 millions et celle en langue arabe 14,4 millions, selon une analyse effectuée par Freedom House.
La Chine fait aussi la promotion de son message dans le journal China Daily, qui appartient à l’état et publie une édition africaine hebdomadaire, et elle influence les prises de décision des sociétés médiatiques africaines telles que l’Independent Media d’Afrique du Sud, qui est en partie détenue par des investisseurs soutenus par l’état, selon Quartz Africa.
Les pays africains devraient s’attendre à ce que la Chine investisse encore plus dans les médias gérés par l’état sur le continent, ou en association avec les médias locaux, de façon à renforcer sa réputation et à restaurer une perception positive, déclare Daniel Byman sur lawfareblog.com.
Le suivi de l’information
Il peut toutefois être difficile de savoir quels sont les médias qui sont influencés par la Chine. L’examen par Freedom House de plusieurs comptes médiatiques majeurs de la Chine indique qu’aucun d’eux n’a révélé qu’il était détenu ou contrôlé par l’état ou par le Parti communiste chinois.
La campagne de désinformation chinoise est devenue si convaincante que le 10 juin la Commission européenne a déclaré que la Chine et la Russie organisaient « des opérations d’influence ciblées et des campagnes de désinformation sur le Covid-19 dans l’UE, dans ses voisins et dans le monde entier ».
« Je pense que, si nous avons des preuves, il ne faut pas avoir peur de dénoncer et de faire honte », déclare Vĕra Jourová, vice-présidente de la Commission européenne, à propos des opérations de propagande ».
Dans son rapport adressé à l’UE, Mme Jourová note que les experts de l’UE ont déclaré qu’ils avaient enregistré une « onde massive » de duperies sur les soins de santé, d’allégations fallacieuses, d’escroqueries en ligne, de discours haineux et de théories du complot liées au Covid-19, qui circulent sur les plateformes des réseaux sociaux, ainsi que des tentatives menées par des agents étrangers pour s’insérer dans les questions européennes intérieures.
La stratégie chinoise de désinformation reflète les techniques russes classiques de désinformation, déclare à Vox Jessica Brandt, experte de la désinformation chinoise au German Marshall Fund. Plutôt que de proposer une nouvelle hypothèse reposant sur les faits, déclare-t-elle, les autorités chinoises poussent les allégations fallacieuses jusqu’à ce que les gens aient des doutes sur ce qui est vrai.
Mme Brandt note aussi que le nombre de responsables chinois sur Twitter a quadruplé au cours de l’an dernier, très probablement pour propager la désinformation le plus possible, selon elle.
En réponse à la campagne de désinformation de la Chine, Twitter a annoncé le 12 juin qu’il avait éliminé 170.000 comptes qui, selon lui, faisaient partie d’une opération chinoise d’influence. Certains d’entre eux avaient envoyé des messages sur le Covid-19. Le réseau avait 23.750 comptes noyaux actifs et 150.000 comptes « amplificateurs », qui étaient conçus pour renforcer artificiellement les impressions des comptes noyaux, a déclaré Twitter dans un article de blog annonçant le retrait.
Matt Brittin, président du commerce et des opérations de Google pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique, a déclaré au nom de ce géant des médias : « Nous nous sommes engagés envers le code de pratique, et à travailler ensemble pour rechercher des façons nouvelles et créatives de continuer la lutte contre la désinformation ». Pour l’avenir, les commissaires européens ont demandé à Google, Facebook et Twitter de conduire des examens mensuels de leur trafic à titre bénévole pour éliminer la désinformation, en particulier celle qui concerne le Covid-19. Ils ont tous les trois convenu de le faire, selon The Verge.
« La désinformation dans l’ère du coronavirus est meurtrière », déclare Josep Borrell, haut-représentant/vice-président de l’Union européenne. « Nous avons le devoir de protéger nos citoyens en les sensibilisant aux fausses informations et en exposant les acteurs responsables qui prennent part à de telles pratiques. »