PERSONNEL D’ADF
Les pays du monde entier avertissent qu’ils font face à un choix difficile : prendre soin de leur peuple, ou rembourser leurs dettes internationales.
Le G20, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont convenu d’une mesure très attendue : renoncer au remboursement des créances sur une période pouvant aller de huit mois à deux ans. Mais la Chine, qui a récemment dépassé la Banque mondiale comme plus grand créancier d’Afrique, résiste à cela.
Jusqu’à présent, les prêteurs chinois ont convenu de renoncer au recouvrement des petits prêts sans intérêt liés à l’aide extérieure. Mais ils ont refusé de prendre des mesures similaires pour les gros emprunts qui financent les projets majeurs.
Les fonds chinois ont financé le Standard Gauge Railway, projet de train de passagers entre Nairobi et Naivasha, parmi d’autres efforts majeurs de travaux publics sur le continent. Étant donné que les prêts chinois sont fréquemment liés aux ressources nationales clés, les experts s’inquiètent que la Chine pourrait profiter de ce moment pour pratiquer la « diplomatie du piège de l’endettement », en menaçant effectivement de saisir les ressources telles que les ports et les chemins de fer si les pays ne peuvent pas continuer à payer, selon la déclaration de Leonard Wanyama, coordinateur du réseau fiscal et gouvernemental d’Afrique de l’Est, au journal kényan Daily Nation.
Les autorités africaines sont préoccupées par l’exemple du Sri Lanka de l’autre côté de l’océan Indien. La Chine a récemment pris le contrôle du port de Hambantota et de plusieurs milliers d’hectares de territoire avoisinant au Sri Lanka, en échange de l’annulation des dettes de ce pays.
« Si la Chine offre une remise de dette additionnelle, cela aidera à réfuter la notion de la “diplomatie de l’endettement” », déclare M. Wanyama.
Jubilee Debt Campaign, organisme caritatif basé au Royaume-Uni qui milite pour l’annulation des dettes des pays pauvres, indique que la Chine détient près de 20 % de la dette extérieure des pays africains, selon Observer Research Foundation. Ceci équivaut à des paiements de dette d’environ 8 milliards de dollars cette année, y compris 3 milliards de dollars d’intérêt, selon la déclaration de Ken Ofori-Atta, ministre des Finances du Ghana, au Comité de développement mondial qu’il préside.
Une grande partie de cette somme est liée à des créances commerciales des banques chinoises, plutôt qu’à l’aide extérieure.
Le net repli des prix des marchandises (notamment le pétrole), du tourisme et du commerce a laissé beaucoup de pays africains dans une situation financière difficile. En même temps, les investisseurs ont commencé à se retirer des placements risqués, ce qui a provoqué l’augmentation des coûts d’emprunt.
Bien que les États-Unis et les pays européens aient injecté des billions de dollars dans leur économie pour contrer la crise financière causée par les confinements liés au Covid-19, les pays africains n’ont pu réaliser qu’environ le dixième de ce stimulus économique, selon la déclaration de Ngozi Okonjo-Iweala, ancien ministre des Finances du Nigeria, à Channels Television.
« Nous n‘avons pas les latitudes fiscales pour faire davantage, déclare Mme Okonjo-Iweala. C’est pourquoi il est important de pouvoir trouver des ressources additionnelles à l’extérieur du continent. »
Mme Okonjo-Iweala fait partie d’une délégation de l’Union africaine demandant aux principaux prêteurs mondiaux d’instituer un moratoire des créances sur une période de deux ans pour les nations africaines endettées, « ce qui leur permettra d’utiliser leurs ressources pour nourrir leurs habitants », déclare-t-elle. En avril, le G20 a convenu de suspendre les paiements des dettes dues aux pays membres jusqu’en 2022.
Bien que d’autres acteurs aient convenu d’une dispense générale, la Chine préfère renégocier les conditions d’une nation à l’autre, d’une créance à l’autre. Il faut faire davantage, selon Mme Okonjo-Iweala.
« Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas que la Chine examine un cas après l’autre, c’est que nous obtenions un accord généralisé », a-t-elle déclaré au site d’actualités Politico.
En tant que pays africain enregistrant la plus forte croissance économique, l’Éthiopie a conduit les efforts demandant à la Chine d’annuler une partie des créances des pays africains. Il est estimé que les dettes commencent à hauteur de 20 % du produit national brut pour l’Éthiopie, et atteignent jusqu’à 80 % pour le pays voisin de Djibouti.
Le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed décrit dans un article du New York Times le dilemme auquel fait face un grand nombre de pays en ce qui concerne leurs dettes envers la Chine : « Allons-nous continuer à payer la dette, ou allons-nous réorienter nos ressources pour sauver les vies et les revenus des gens ? Les vies perdues pendant la pandémie ne pourront pas être récupérées ; les revenus menacés coûteront davantage et prendront plus longtemps à être restaurés. »
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