Africa Defense Forum

DES CŒURS CHALEUREUX DANS UNE TERRE FROIDE

Les gardiennes de la paix du Malawi gagnent la confiance des habitants en s’occupant de leurs besoins fondamentaux

Les efforts internationaux de maintien de la paix dans la République démocratique du Congo (RDC) entament leur troisième décennie après de nombreuses années de conflit régional et deux guerres multinationales. Ces troubles ont instauré une instabilité exacerbée par un amalgame de groupes violents, en particulier dans la région orientale de la RDC et dans les pays voisins.

Le pays est aujourd’hui l’hôte de la mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO), force de maintien de la paix de 21.000 personnes qui s’efforce d’assurer la paix dans la région en utilisant « tous les moyens nécessaires » pour protéger les civils, les intervenants humanitaires et les autres personnes qui vivent sous la menace de la violence.

À cet effort participent les hommes et les femmes des Forces de défense du Malawi, qui forment le bataillon du Malawi appelé couramment MALBATT. Ce bataillon de 850 personnes offre une approche d’engagement chaleureux, ancrée dans la tradition ubuntu d’Afrique australe, qui met l’accent sur les relations humaines, en particulier sur le fait que tous les gens s’appartiennent mutuellement selon une perspective humanitaire partagée. Les soldats du Malawi ne sont pas en RDC uniquement pour protéger les civils, mais aussi pour répondre à leurs besoins.

La guerre a ravagé les sociétés de la RDC et a forcé un grand nombre de personnes à devenir déplacées ou à s’enfuir vers d’autres pays. Ces troubles ont été accompagnés d’anarchie, laquelle cause les souffrances et les douleurs des civils, en particulier des femmes et des enfants. La guerre soutenue a laissé son empreinte sur le peuple. La pauvreté, la famine et la carence des soins médicaux sont le visage du conflit en RDC.

Le sergent Miriam Gapala, leader d’une équipe féminine d’intervention du MALBATT, accueille les gens au marché d’Oïcha (RDC).

DES ÉQUIPES FÉMININES D’INTERVENTION

La violence sexuelle et sexiste constitue aussi un problème de longue date en RDC. La violence contre les femmes et les jeunes filles inspire la peur et peut être utilisée pour forcer la coopération avec les groupes armés. Parfois, les femmes ou les jeunes filles sont violées, tuées, prises comme épouses ou recrutées comme soldats. Parfois, les forces de sécurité du gouvernement ou les leaders locaux en profitent et participent aux abus. En 2018 seulement, les Nations unies ont documenté 1.049 cas de violence sexuelle associés au conflit en RDC, bien que la majorité des incidents n’aient pas été signalés.

Le MALBATT 5 a été déployé en RDC orientale dans le cadre de la brigade de la force d’intervention de la MONUSCO en mai 2017 après un entraînement conduit par des formateurs militaires du Royaume-Uni. L’affectation du bataillon a pris fin en août 2018. Ce bataillon inclut une cinquantaine de femmes. Parmi celles-ci, deux équipes féminines d’intervention, chacune constituée de 10 personnes, ont été créées.

Chaque équipe possédait une infirmière, un médecin et une assistante sociale. Une équipe était basée à Sake (Sud-Kivu). L’autre était localisée à Beni et Mavivi (région du Nord-Kivu) et se concentrait sur les villes de Mayi-Moya, Oïcha et Eringeti.

Les équipes féminines d’intervention du MALBATT, sous les ordres du colonel Luke Yetala, ont répondu à l’appel des Nations unies pour le déploiement d’un plus grand nombre de femmes afin de satisfaire aux besoins des femmes et des enfants affectés par le conflit. L’importance de la participation des femmes aux opérations internationales de maintien de la paix est encouragée et soutenue aux plus hauts niveaux de l’ONU.

« Le personnel féminin est un élément clé du succès des missions de maintien de la paix de l’ONU, car il accroît les aptitudes disponibles sur le terrain », déclare Bintou Keita, secrétaire générale adjointe pour les opérations de maintien de la paix de l’ONU, lors d’une interview avec Medium U.N. Peacekeeping. « Leur présence sur le terrain habilite les femmes dans les communautés d’accueil, permet à nos opérations de répondre aux besoins spécifiques des anciennes combattantes pendant le processus de démobilisation et de réintégration dans la vie civile, et contribue à faire des gardiens de la paix une force avec laquelle les femmes et les jeunes de la communauté peuvent communiquer. »

UN ENGAGEMENT FACE À FACE

C’est dans cette perspective que les équipes féminines d’intervention du Malawi travaillent avec les communautés de la RDC orientale pour gagner les cœurs et les esprits des civils. Avant leur déploiement, les membres de ces équipes avaient suivi une formation dans les domaines de la coopération civilo-militaire, des opérations d’influence et de la langue swahilie.

Ensuite, les femmes se sont réunies avec les chefs importants des zones de déploiement pour se familiariser avec les questions locales. C’est grâce à ces chefs que les membres des équipes ont évalué les problèmes éprouvés par les habitantes de façon à créer des programmes d’aide appropriés. Elles ont conduit une analyse des besoins en fournissant des soins médicaux et grâce à d’autres programmes.

Les habitantes des zones de conflit se sentent souvent plus à l’aise à proximité d’autres femmes, et il est plus probable qu’elles leur feront confiance pour parler de leurs préoccupations et de leurs besoins. Depuis que les équipes féminines d’intervention sont actives, des informations plus détaillées ont été obtenues sur la souffrance des femmes et des enfants de la RDC.

« Elles peuvent fournir des détails et expliquer comment elles ont été violées et harcelées sexuellement, et même comment leurs amies ou leurs sœurs ont été victimes de viols collectifs avant d’être tuées », déclare le caporal Chipiliro Banda, membre d’une équipe féminine d’intervention du MALBATT. « Ces femmes font face à de nombreux problèmes. En plus du viol et du harcèlement sexuel, l’environnement est en général dangereux pour la vie des femmes et des enfants. »

Les menaces de violence ne représentent pas la seule préoccupation des habitantes des zones de conflit. La nourriture et l’eau propre sont limitées parce que les rebelles volent souvent le peu de vivres disponibles. « L’eau qu’elles boivent est insalubre », déclare le sergent Mercy Dzalani, leader d’une équipe féminine d’intervention du MALBATT. « Les sources d’eau potable sont très éloignées des zones sécurisées et dès qu’elles s’y rendent pour aller chercher de l’eau, elles sont sujettes au viol et à d’autres abus des droits humains. »

« Nous faisons de notre mieux pour les sensibiliser aux droits humains et à la façon de signaler les abus, poursuit le sergent Dzalani. Nous conduisons aussi des évaluations des besoins de base et proposons des façons de les adresser. Certaines victimes ont reçu des soins médicaux et nous continuerons à leur fournir des informations appropriées sur la façon d’éviter et de signaler la violence. »

Le sergent Miriam Gapala, leader d’une équipe féminine d’intervention du MALBATT, accueille les gens au marché d’Oïcha (RDC).

D’autres soldats du MALBATT identifient les groupes vulnérables qui doivent être contactés par les équipes féminines d’intervention en conduisant des patrouilles agressives et vigoureuses ; ils assurent aussi la sécurité des membres féminins du MALBATT qui mènent à bien leur mission. Les membres des équipes féminines sont intervenues pour le bénéfice des habitants des villes de Mavivi, Oïcha, Mayi-Moya, Eringeti, Sake, Goma et Luwindi dans la province du Nord-Kivu.

Les membres des équipes féminines d’intervention forment des liens de confiance et de bonne volonté avec les résidents en rendant visite aux chefs de village, aux groupes de femmes et aux hôpitaux locaux, où elles travaillent dans les sections de maternité. Elles interfacent aussi avec les groupes religieux, y compris les chorales et les guildes de femmes. Le succès de leur mission dépend de la foi et de la confiance que leur accordent les chefs locaux. Du fait de leur travail important, elles peuvent alors rencontrer les femmes vulnérables, identifier leurs besoins et y répondre grâce à des efforts d’aide médicale mobile et au partage des informations sur la violence sexiste et la violence sexuelle liées au conflit.

Dans certains cas, les membres des équipes achètent des uniformes pour les groupes de chorale religieuse et des chaises pour les églises, et elles invitent les femmes à participer aux services religieux et aux services d’encouragement dans les bases voisines du MALBATT.

Malgré les nombreux défis et dangers présents à l’Est de la RDC, les membres des équipes féminines d’intervention offrent la paix et l’espoir aux civils en répondant à leurs besoins, avec ténacité et une attitude positive. Elles font une grande différence et les habitants locaux le reconnaissent.

« Auparavant, nous ne pouvions pas aller dans notre jardin, aller travailler ou conduire une activité commerciale quelconque à cause de la violence causée par le Front démocratique allié », déclare Pascal Muhindo, gestionnaire de Radio Motto à Oïcha, en mentionnant l’un des nombreux groupes actifs d’insurgés armés. « Mais depuis que le MALBATT et ses unités associées sont déployés dans l’axe Beni – Eringeti, la situation s’est bien améliorée. »

« Nous voyons les habitants dans leur jardin, je me rends au travail tous les jours, les femmes et les enfants sont pris en charge et nous obtenons au moins un suivi médical de la part du MALBATT. » 


AU SUJET DE L’AUTEUR

Le capitaine Wilned Kalizgamangwere Chawinga est un officier d’état-major dans les Forces de défense du Malawi. Après avoir rejoint les forces en 1996, il suit une formation militaire de base au Collège des Forces armées du Malawi (MAFCO) et obtient son diplôme en 1997. De 2000 à 2004, il reçoit une formation de journaliste et il est déployé en République démocratique du Congo, puis en Côte d’Ivoire, comme adjoint aux affaires publiques. Il est nommé officier avec le grade de lieutenant en 2013 après avoir dirigé la formation des élèves officiers à MAFCO. En 2015 et 2016, puis à nouveau en 2017 et 2018, il est déployé en RDC et y travaille en tant que responsable de l’information publique. Il est marié et il a trois enfants.


UNE VIE SACRIFIÉE AU NOM DE LA PAIX

Le soldat Chancy Chitete NATIONS UNIES

Les Nations unies rendent hommage à un gardien de la paix du Malawi qui est mort en sauvant la vie d’un camarade en RDC

PERSONNEL D’ADF

Des rebelles armés des Forces démocratiques alliées étaient implantés près de la ville de Beni dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). À partir de là, cette milice meurtrière lançait des attaques, notamment contre les centres de traitement de l’Ebola.

Le 13 novembre 2018, un effort combiné des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et des gardiens de la paix des Nations unies vise à éradiquer les rebelles à Kididiwe, à environ 20 kilomètres de Beni (province du Nord-Kivu), lors de l’opération Usalama.

Un combat féroce fait rage lorsque les gardiens de la paix du Malawi déclenchent une fusillade pour couvrir les Tanzaniens afin qu’ils puissent avancer vers un terrain plus sûr. Le caporal Ali Khamis Omary, gardien de la paix tanzanien, est blessé par balle. Chancy Chitete, soldat du Malawi affecté à la mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC, voit que le caporal Omary reste exposé aux tirs ennemis. En un instant, il décide d’agir.

Alors qu’il amène son camarade en lieu sûr et lui fournit les premiers soins, Chancy Chitete est mortellement blessé. Pour son héroïsme, les Nations unies ont décerné à Chancy Chitete la Médaille du capitaine Mbaye Diagne pour courage exceptionnel le 24 mai 2019, lors de la cérémonie de la journée internationale des Casques bleus des Nations unies au siège de l’ONU à New York.

Les Nations unies ont créé la Médaille Diagne en 2014 « pour rendre hommage aux personnes en uniforme et aux personnes civiles qui démontrent un courage exceptionnel ». La médaille porte le nom d’un gardien de la paix sénégalais de l’ONU qui sauva des centaines de personnes en 1994 lors du génocide du Rwanda avant d’être tué.

Lachel Chitete Mwenechanya, veuve de M. Chitete, ainsi que d’autres membres de sa famille ont accepté la médaille lors de la cérémonie du 24 mai.

Lachel Chitete Mwenechanya, veuve du gardien de la paix Chancy Chitete du Malawi, écoute l’allocution du secrétaire général des Nations unies António Guterres lors d’une cérémonie rendant hommage aux gardiens de la paix morts au combat. NATIONS UNIES

Chancy Chitete est seulement la deuxième personne à recevoir cette médaille. La première avait été présentée à titre posthume à la famille du capitaine Diagne lors de l’inauguration du prix en mai 2016.

La bataille de Kididiwe a causé la mort de huit gardiens de la paix, sept du Malawi et un de Tanzanie, selon l’Associated Press. Dix autres gardiens de la paix ont été tués ; au moins une douzaine de soldats des FARDC ont perdu la vie. Plusieurs rebelles ont été capturés.

Le caporal Omary, gardien de la paix tanzanien qui avait été blessé, fut évacué en toute sécurité. Plus tard, il fit l’éloge de son camarade défunt. « Chancy Chitete vit que j’étais en difficulté. J’étais exposé et, à la vitesse à laquelle les rebelles se rapprochaient, j’étais en danger et je risquais d’être tué. Il décida alors de quitter son poste pour venir me chercher et m’amener dans un lieu plus sécurisé, écrit le caporal Omary. Je dois beaucoup à Chancy Chitete pour avoir risqué sa vie afin de me sauver. »

Pendant la cérémonie, le secrétaire général des Nations unies António Guterres déclara que le « monde ne possède pas beaucoup de vrais héros », mais que Chancy Chitete « était vraiment l’un d’entre eux ».

« L’héroïsme et le sacrifice altruistes de Chancy Chitete ont aidé les gardiens de la paix à atteindre leur objectif et à déloger la milice de son bastion, et cela était crucial pour poursuivre la lutte contre l’Ebola, a déclaré M. Guterres. Il a fait lui-même la différence. Une différence profonde. »

« Nous n’aurions pas pu trouver de médaillé plus méritoire. »

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