LA PUISSANCE AÉRIENNE EST UN OUTIL CRUCIAL POUR ARRÊTER BOKO HARAM
PERSONNEL D’ADF
Le vendredi 1er septembre 2017 est un jour de fête pour les extrémistes de Boko Haram, qui font la pause dans la conduite de leur guerre. Des centaines de combattants se réunissent sous les arbres de la forêt de Sambisa dans l’État de Borno au Nord-Est du Nigeria.
Les services de surveillance du Nigeria les repèrent.
L’Armée de l’air du Nigeria (NAF) envoie des avions de chasse.
Un Alpha Jet commence l’attaque avec des bombes, en « neutralisant » des centaines de combattants, selon un reportage du quotidien nigérian Daily Post. Un deuxième jet lance une attaque à la bombe et un troisième avion de chasse utilise des roquettes pour mitrailler les insurgés en fuite. « Après les attaques, on vit quelques survivants de Boko Haram s’enfuir de l’endroit en courant », selon le reportage du journal. Quelques jours seulement avant le raid, le maréchal de l’air Sadique Abubakar, chef d’état-major de l’Armée de l’air, avait déclaré à ses troupes sur la base de la NAF à Yola que l’expérience générale « montre que la puissance aérienne est cruciale pour gagner les guerres asymétriques telles que l’insurrection de Boko Haram ».
« Tous les effectifs doivent donc être prêts à agir pour assurer une projection efficace de la puissance aérienne afin de relever avec un succès complet le défi posé par Boko Haram », avait-il déclaré.
L’Armée de l’air du Nigeria a du pain sur la planche. Boko Haram a été fondé dans le Nord du Nigeria mais il rôde aussi dans les régions des pays voisins du Burkina Faso, du Cameroun, du Tchad et du Niger. Parmi les pays de la région, le Nigeria est de loin la plus grande puissance aérienne.
Selon globalfirepower.com, l’Armée de l’air du Nigeria est la plus importante de la région. Sa flotte aérienne a environ la taille des flottes combinées des 3 pays voisins, le Cameroun, le Tchad et le Niger. On estime que le Nigeria possède au total 110 aéronefs, y compris des chasseurs, des avions de transport, des hélicoptères et des aéronefs d’entraînement. De tels chiffres sont rarement exacts puisque les aéronefs sont mis en service et hors service pendant de longues périodes, ou sont même retirés du service sans notification.
Les aéronefs obsolètes ou retirés du service signalent les efforts déployés pour maintenir les flottes aériennes sur le continent. Le maréchal Abubakar souligne que la NAF améliore la maintenance des aéronefs et de l’équipement, ce qui lui permit d’enregistrer plus de 9.000 heures de vol en 2015 et 2016 dans les opérations anti-insurrectionnelles.
L’AMÉLIORATION DE L’ARMÉE DE L’AIR
Selon le portail d’actualités defenceWeb, le Nigeria commence à moderniser son Armée de l’air en 1999, lorsqu’un nouveau gouvernement démocratique succède à 16 années de régimes militaires. Les responsables nigérians commencent à examiner les capacités de l’Armée de l’air et lancent des programmes pour rénover ou remplacer les anciens équipements. Au cours des dernières années, l’accent est remis sur l’amélioration de la maintenance. Depuis 2016, la NAF semble avoir adopté le principe visant à « employer du mieux possible les ressources disponibles », en limitant les coûts et en achetant des avions d’attaque plus petits qui peuvent être mieux adaptés aux conflits asymétriques. Elle a eu quelques succès pour remettre en service des équipements qui avaient été retirés du service.
En 2016, l’Armée de l’air reconfigure deux Alpha Jets de ses stocks, qui avaient été achetés sans capacité d’armement. Ces deux jets étaient parmi les quatre achetés auprès des États-Unis en 2015. Les quatre jets avaient été achetés spécifiquement pour la lutte contre Boko Haram. Jusqu’à l’intégration de l’armement, les jets étaient limités à l’entraînement des pilotes. L’Armée de l’air souhaitait que les jets soient reconfigurés à l’étranger mais le fabricant avait depuis longtemps clôturé la production. En fin de compte, les ingénieurs nigérians proposèrent des options pour effectuer les travaux au Nigeria. Bright Mountain Media déclare que ces adaptations ont coûté environ 13.000 dollars. Certains rapports indiquent un coût aussi bas que 2.000 dollars. « Étant donné le coût des équipements militaires, ceci représente une réussite remarquable, précise Bright Mountain. Des sociétés étrangères avaient demandé jusqu’à 30.000 dollars simplement pour estimer le coût de la rénovation. »
En décembre 2016, l’Armée de l’air commence à recevoir quatre avions à hélice Kamra Super Mushshak fabriqués au Pakistan, qui seront utilisés comme aéronefs d’entraînement. Le maréchal Abubakar déclare que ces avions ont été offerts, selon Jane’s Information Group. Des formateurs et techniciens de maintenance pakistanais aident à intégrer les avions dans la flotte nigériane, alors que des mécaniciens et employés de maintenance nigérians sont formés au Pakistan. Les responsables de l’Armée de l’air déclarent qu’ils espèrent obtenir finalement 10 de ces aéronefs d’entraînement. Le maréchal Abubakar déclare que 56 nouveaux pilotes formés rejoindront la NAF à la fin du premier trimestre 2017. Le Nigeria déclare qu’il prévoit de former tous les nouveaux pilotes sur les Super Mushshak et de les transférer à des jets ou des multimoteurs pour un entraînement poussé et spécialisé. La NAF déclare en avril 2016 que les Super Mushshak remplaceront ses anciens aéronefs d’entraînement fabriqués en Autriche, qui ne sont plus considérés adéquats à cause de leur inaptitude aux acrobaties aériennes.
Au début 2017, l’Armée de l’air commence à rénover d’anciens camions de pompiers détériorés dans toutes ses bases du pays. Dès octobre 2017, elle a réparé et restauré 17 camions sur 24. Quelques-uns de ces camions étaient immobilisés depuis plus de 20 ans et identifiés comme étant « impossibles à réparer économiquement ». Des entreprises locales effectuent les travaux en utilisant principalement des pièces et des matériaux fournis sur place.
En février 2017, l’Armée de l’air annonce qu’elle va obtenir trois turbopropulseurs Super Tucano Embraer de l’Armée de l’air brésilienne. Ces petits avions hautement maniables sont particulièrement adaptés aux opérations anti-insurrectionnelles et aux missions qui emploient des munitions à guidage de précision. En août 2017, les États-Unis approuvent la vente de 12 Super Tucano supplémentaires au Nigeria, à un coût de 593 millions de dollars.
En avril 2017, l’Armée de l’air met en service deux hélicoptères de combat Mil Mi-35M pour soutenir les efforts de lutte anti-insurrectionnelle, selon un rapport de Jane’s. L’Armée de l’air avait commandé 12 de ces aéronefs russes, qui peuvent être modifiés pour les attaques, les assauts terrestres contre les cibles blindées, les évacuations médicales et le transport. Le maréchal Abubakar déclare qu’ils seront utilisés contre Boko Haram. L’Armée de l’air met en service les deux hélicoptères lors d’un événement marquant son 53ème anniversaire. Pendant la célébration, l’Armée de l’air présente aussi son drone Gulma, conçu et développé localement, qui a une envergure d’environ 3 mètres. Les officiels ont déclaré que le coût total de la conception des drones et de la formation de 15 pilotes de drone était d’environ 3,5 millions de dollars. En 2006, le Nigeria avait acheté des drones fabriqués en Israël mais ceux-ci furent finalement mis hors service à cause du manque de pièces de rechange et de l’impossibilité d’effectuer correctement leur maintenance.
En juillet 2017, l’Armée de l’air annonce qu’elle a réactivé deux véhicules aériens sans humain à bord (UAV) qui étaient hors service. Les drones étaient utilisés pour la formation des pilotes et des opérateurs d’UAV. Les deux aéronefs, basés à l’école de pilotage Kaduna, avaient été mis hors service en début d’année à cause du manque de pièces de rechange. La NAF avait essayé d’obtenir des places de formation dans les écoles des autres pays pour ses opérateurs d’UAV mais elle décida de développer une « solution locale », selon Jane’s. Neuf officiers furent formés au Nigeria pour les opérations d’UAV grâce au Centre de recherche et développement de l’Armée de l’air du Nigeria.
En juillet 2007, l’Armée de l’air annonce qu’elle renforçait sa formation pour satisfaire aux exigences de sa mission et sa flotte aérienne étendues. Selon un rapport de Jane’s, cette expansion est due en partie à la réactivation de certains de ses aéronefs.
L’ÉRADICATION DE BOKO HARAM
Dès la fin 2017, Boko Haram était chancelant et s’était divisé en deux groupes. Le maréchal de l’air Abubakar déclare lors d’une conférence de collège en septembre 2017 que l’Armée de l’air nigériane avait éliminé certains des plus importants leaders de Boko Haram, ainsi que plusieurs bases logistiques du groupe terroriste.
« Les frappes aériennes de l’Armée de l’air nigériane au Nord-Est ont dévasté et diminué les insurgés en limitant leur liberté d’agir de manière ouverte et massive, comme ils le faisaient auparavant, déclare-t-il. De même, ces frappes punitives ont anéanti le leadership de “première ligne” et les bases logistiques des insurgés, en réduisant ainsi leur capacité opérationnelle. »
Il ajoute que « l’affrètement et le maintien d’une force aérienne équilibrée » est l’un des plus grands défis que confronte le Nigeria. « Étant donné la situation actuelle précaire dans laquelle se trouve le Nigeria, et les cas de conflit endémiques, les Forces armées doivent se préparer à faire la guerre et à gagner des victoires militaires jusqu’à ce que la paix soit rétablie politiquement, déclare-t-il. C’est en fait la mission de guerre d’une force armée qui détermine comment celle-ci est organisée, équipée et formée. »
Les Alpha Jets vieillissants connaissent une seconde vie dans la lutte contre Boko Haram
PERSONNEL D’ADF
Dans les années 90, le Nigeria est devenu l’acteur principal d’une mission d’Afrique occidentale visant à rétablir l’ordre au Liberia déchiré par la guerre. Deux factions rebelles du Front patriotique national du Liberia (NPFL) s’opposaient au régime corrompu de Samuel Doe, et grâce à l’argent provenant de la vente des diamants, elles ont attaqué Monrovia, capitale du Liberia. Elles ont terrorisé la capitale en utilisant des enfants soldats, dans une orgie de viols et de meurtres.
Une coalition de pays d’Afrique de l’Ouest crée une force de maintien de la paix de 3.000 personnes appelée l’ECOMOG (Economic Community of West African States Monitoring Group, Groupe de surveillance de la communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest) pour arrêter les rebelles. Avant que l’ECOMOG ne puisse rétablir l’ordre, il devait d’abord soumettre les rebelles par la force. Au cours des derniers mois de 1990, quatre Alpha Jets nigérians conduisent de multiples attaques contre les emplacements d’armes, les convois d’approvisionnement et le quartier général des rebelles.
Le monde prend note de l’utilisation des petits chasseurs Alpha Jets par le Nigeria. Le magazine Time déclare : « La puissance de feu des avions de chasse de l’Armée de l’air nigériane a finalement porté un coup incalculable à l’effort de guerre du chef du NPLF ».
En 1992, le commandement de l’ECOMOG reçoit en prêt six Alpha Jets nigérians qui seront utilisés pour ses frappes aériennes, ses bombardements des filières d’approvisionnement et ses raids nocturnes. L’opération ECOMOG enregistre un total de 3.000 missions aériennes de combat. Aucun des six avions n’est perdu. Le Nigeria continue à bien employer ses Alpha Jets vieillissants. Ce ne sont certainement pas des aéronefs de pointe : leur date de conception remonte à 1973. Mais ils sont rapides et maniables, au point que les pilotes qui ont été formés sur eux se plaignent qu’ils n’ont pas été préparés aux plus grandes difficultés liées au pilotage des jets plus grands.
Le Cameroun utilise aussi des Alpha Jets dans ses combats contre Boko Haram. En décembre 2014, les combattants de Boko Haram prennent d’assaut une base militaire à Assighasia au Cameroun. L’Armée de l’air du Cameroun répond par des frappes aériennes avec les Alpha Jets, en tuant 14 insurgés. En date de 2017, le Cameroun utilise toujours au moins quatre des 27 Alpha Jets qu’il avait achetés à l’origine. Les Alpha Jets du Nigeria furent largement abandonnés pendant plusieurs années, jusqu’à ce que l’Armée de l’air commence à les remettre en service en 2013 pour lutter contre Boko Haram. Des 24 aéronefs d’origine, il est estimé que 13 ont été remis en service.
Un incident en juin 2016 montre leur efficacité. La Force multinationale mixte avait récemment chassé les combattants de Boko Haram de leurs camps dans la forêt de Sambisa. Les insurgés arment sept camions, dont deux avec des mitrailleuses lourdes, et attendent pour embusquer les forces ennemies près de Daira Noro dans l’État de Borno. Alors que les combattants de Boko Haram préparent leur attaque, un avion civil non armé les survole et communique par radio la position des insurgés au pilote d’un Alpha Jet proche. Selon le reportage de Bright Mountain Media, « l’Alpha Jet déclenche une rafale de tir de roquette sur l’embuscade dissimulée, suivie par des bombes de 110 kg et des mitraillages ».
Tous les camions sont détruits. Les troupes nigérianes arrivent et chassent les survivants. Ces troupes découvrent 15 cadavres et deux lance-roquettes abandonnés.
Bref historique de l’Armée de l’air du Nigeria
1960 Octobre — Le Nigeria obtient son indépendance du Royaume-Uni.
1962 Février — Le pays commence à examiner la nécessité d’une armée de l’air. Dix cadets sont envoyés pour être formés avec l’Armée de l’air éthiopienne.
1963 Février — Seize cadets sont envoyés pour suivre une formation avec l’Aviation royale canadienne et six autres avec l’Armée de l’air indienne. L’Allemagne ouvre une base aérienne de courte durée en 1966.
1964 Avril — L’Assemblée nationale adopte la Loi sur l’Armée de l’air, qui crée officiellement l’Armée de l’air du Nigeria (NAF). Elle commence comme unité de transport, comme la plupart des armées de l’air africaines.
1966 Janvier — Le gouvernement est renversé par un coup d’état militaire, suivi par un contrecoup.
1967 Juillet — La guerre civile éclate et le Nigeria a besoin d’aéronefs de combat véritables. Le pays acquiert des avions de chasse MiG-15 et MiG-17 pour aider à mettre fin à la guerre en 1970.
1970 Après la guerre civile, l’Armée de l’air est restructurée selon le modèle des armées de l’air britannique et américaine.
1971 Juillet — L’Institut pour les études stratégiques estime que l’Armée de l’air du Nigeria a des effectifs de 7.000 personnes et une flotte aérienne de 66 avions et hélicoptères. Au cours de la décennie suivante, l’Armée de l’air acquiert d’autres aéronefs, y compris six avions cargo C-130 polyvalents.
1986 Janvier — Le Nigeria commence à acheter 24 aéronefs d’entraînement Aero L-39 armés, les jets de formation les plus utilisés dans le monde.
1989 La NAF révèle son premier aéronef d’entraînement fabriqué localement, appelé Air Beetle. L’avion est construit à partir d’une trousse. L’Armée de l’air commande 60 trousses.
1999 Mai — Un nouveau gouvernement démocratique met fin à 16 ans de régimes militaires. Le Nigeria, qui entre dans l’ère actuelle, commence à revitaliser son Armée de l’air, en réactivant certains aéronefs et en modernisant sa flotte.
2002 Le groupe extrémiste Boko Haram est créé.
2009 Juillet — Le leader de Boko Haram est tué, ce qui déclenche une vague de violence qui se révèle être le plus grand défi affronté par l’Armée de l’air nigériane moderne.
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