Africa Defense Forum

UN RÉSEAU DE SOUFFRANCE

LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS EST UN PROBLÈME MONDIAL, MAIS UN PROGRAMME DONNE DE L’ESPOIR

PERSONNEL D’ADF

Lorsque les pluies saisonnières tombent dans le petit village nigérian de Gloria Erobaga, dans l’État d’Edo, les routes de terre rudimentaires deviennent molles et disparaissent, ce qui rend l’accès presque impossible. Ces pluies forment des mares sur le plancher de son école délabrée, à une distance de marche de 90 minutes. Les petites maisons en briques de boue n’ont pas d’électricité et les familles y vivent à l’étroit.

Aussi, lorsque quelqu’un leur rend visite en leur promettant qu’une jeune fille peut voyager en Europe et obtenir un travail garanti et une éducation universitaire, certaines familles acceptent tout de suite. Elles pensent que, finalement, leur enfant va obtenir quelque chose qu’elle ne pourrait pas obtenir ici.

Mais, comme l’a déclaré Mme Erobaga à l’émission People & Power d’Al Jazeera en 2013, ces promesses sont vides. Les seules opportunités sont la souffrance de la prostitution et l’endettement sans espoir. « Je rêvais d’aller à l’école et de me marier, mais ce n’est pas facile », déclare Mme Erobaga. « Un ami de la famille est venu voir mes parents en disant qu’ils avaient besoin d’une jeune fille. Mes parents ont beaucoup d’enfants et ils leur ont dit qu’ils voulaient simplement aider mes parents en m’amenant à l’étranger. Ils ont dit à mon père de ne pas s’inquiéter : lorsque j’arriverai là-bas, j’irai à l’école, je continuerai mon éducation, j’irai à l’université et j’aurai un bon travail. Alors j’ai dit OK. »

Une femme nigériane qui a été forcée à se prostituer séjourne dans un centre de soutien social pour jeunes filles victimes de la traite humaine près de Catania, Italie, en 2016. Des milliers de jeunes filles nigérianes sont transportées vers l’Italie et d’autres pays d’Europe comme victimes de la traite humaine. [REUTERS]
Une fois qu’elle arriva en Italie, elle rencontra l’homme qui avait parlé à sa famille. Il lui déclara qu’elle devait payer 35.000 dollars à une maquerelle pour rembourser sa dette. « Alors j’ai dit OK, que vais-je faire pour obtenir ces 35.000 dollars américains ? Ils ont répondu que le seul travail qu’il y avait ici, c’était la prostitution. »

L’Organisation des Nations unies estime que 10.000 jeunes filles nigérianes travaillent comme prostituées en Italie. Beaucoup d’autres finissent par être dispersées dans toute l’Europe : Espagne, Grèce, Belgique et ailleurs. Parfois, les jeunes Nigérianes se retrouvent en Amérique du Nord.

Les criminels forcent les jeunes femmes comme Mme Erobaga à rembourser leurs dettes de voyage en travaillant dans la rue. Ces dettes peuvent atteindre jusqu’à 80.000 dollars. En outre, le travail place les jeunes filles sous le contrôle de bandes criminelles meurtrières, notamment celles basées en Afrique qui se sont propagées en Europe et ailleurs. « J’avais tellement peur », déclare Mme Erobaga. « Parce que les mafieux courent les rues avec leurs armes pour chercher ceux qu’ils vont tuer, pour obtenir de l’argent et du sang. Ils les tuent ; ils les abattent et les jettent simplement aux ordures. Tout simplement. Ils nous traitent comme des esclaves. »

UNE ENTREPRISE CRIMINELLE

Les autorités italiennes finirent par déporter Mme Erobaga : elle retourna dans sa ville natale de Benin City au Nigeria, épicentre de l’industrie de la traite des personnes en Afrique de l’Ouest. La plupart des femmes nigérianes qui se retrouvent dans les rues d’Europe viennent de Benin City, dans l’État d’Edo. Beaucoup d’histoires détaillant comment les trafiquants les approchent et les attirent dans les réseaux de prostitution sont similaires.

Un officier des renseignements de la NAPTIP (National Agency for the Prohibition of Trafficking in Persons, Agence nationale pour la prohibition de la traite des personnes) a déclaré à Al Jazeera que le processus implique typiquement des gens qui travaillent à trois niveaux différents :

  • Un agent recrute les jeunes filles. Il a des informations sur la victime, il sait où elle habite et qui est sa famille.
  • Un trolley, parfois appelé coyote, s’occupe du transport des personnes victimes de la traite.
  • Une maquerelle supervise les jeunes filles lorsqu’elles atteignent leur destination. Parfois, ces maquerelles avaient été elles-mêmes victimes de la traite. Elles collectent l’argent et paient les gangsters nigérians.

Une fois que la jeune fille est identifiée pour être transportée à l’étranger, des agents l’amènent chez un prêtre du « juju » qui collecte des poils du pubis, du sang et des rognures d’ongle pour effectuer un rituel qui la liera à un serment. On lui dit que toute tentative de fuite ou refus de rembourser sa dette pourrait conduire à sa mort ou la mort des membres de sa famille. La menace psychologique du serment du juju est tellement puissante que les officiels de la NAPTIP emploient parfois ces mêmes prêtres pour une cérémonie qui libère les jeunes filles de leur serment afin qu’elles coopèrent au cours des poursuites judiciaires.

Des femmes apprennent à cuisiner à Idia Renaissance, Benin City, Nigeria en 2016. Cette organisation non gouvernementale travaille avec les victimes de la traite des personnes dans une région notoire pour ce crime. [AFP/GETTY IMAGES]
LA PARTICIPATION DES BANDES AFRICAINES

Les trafiquants d’êtres humains gagnent un profit annuel de 150 milliards de dollars, dont près des deux tiers proviennent de l’exploitation sexuelle commerciale, selon l’Organisation internationale du travail.

C’est sans surprise que l’on constate que les réseaux criminels sont souvent impliqués à tous les niveaux du processus. Parmi les groupes les plus notoires et dangereux du Nigeria, on compte Black Axe, qui est issu du mouvement « Néo Black » d’Afrique. Ce dernier, et d’autres bandes nigérianes, se sont répandus récemment au-delà de l’Afrique, vers l’Europe et l’Amérique du Nord.

Dix-sept membres de la mafia Black Axe ont été arrêtés fin 2016 en Italie, selon un rapport du Los Angeles Times. « Notre investigation a montré comment les bandes telles que Black Axe dirigent l’ensemble de la filière de la prostitution, qui transporte les femmes victimes de la traite du Nigeria en Italie ». déclare un investigateur de Palerme.

Selon Reuters, cela fait plus de 10 ans que les bandes nigérianes sont actives en Italie. Elles deviennent de plus en plus violentes et développent des liens plus étroits avec les groupes italiens mafieux tels que Cosa Nostra et Camorra.

Reuters signale que les groupes ont aussi pris racine en Espagne. Le crime organisé contrôle pratiquement toute la prostitution en Catalogne, « et elle est contrôlée en grande partie par un groupe criminel nigérian dominant connu sous le nom de Supreme Eiye Confraternity ou Air Lords ».

Charlotte Baarda, étudiante au doctorat à l’Université d’Oxford en Angleterre, spécialisée dans l’étude de la traite des personnes entre le Nigeria et l’Europe, a déclaré à ADF que les bandes nigérianes comme Black Axe sont actives au départ et à l’arrivée de la route de la traite, mais de façon différente.

Au Nigeria, qui est le point de départ, des groupes plus importants peuvent exploiter une agence de voyage, recruter les personnes pour le transport et les préparer au voyage en Europe. Mais en Europe, il est plus probable que les criminels réduiront les risques en décomposant les tâches en éléments plus petits. En fait, les trafiquants sous-traitent certains travaux aux coyotes qui peuvent ne pas même savoir qu’ils ont affaire à un réseau criminel.

« Ainsi, on demande aux amis des amis d’héberger deux femmes pour quelques nuits, jusqu’à ce qu’on puisse les amener à la maquerelle ou qu’on leur demande de se rendre à un centre d’accueil et de ramasser deux ou trois personnes », déclare Mme Baarda. « Comme cela, les gens qui accomplissent ce genre de travail ne font pas nécessairement partie du groupe criminel ; ils le rejoignent simplement de façon ponctuelle. »

Pour être fructueuse, il n’est pas nécessaire que la traite humaine soit organisée par de grands réseaux criminels transnationaux. Un rapport de 2014 de l’ONUDC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime) montre que la traite humaine peut être effectuée par une ou deux personnes. Par exemple, le propriétaire d’un magasin pourrait facilement duper une jeune fille et l’offrir à ses clients pour être sexuellement exploitée. Ce genre de traite humaine « non organisée » est fréquent dans le monde. Les risques sont faibles car il n’est pas nécessaire que les victimes franchissent des frontières.

Les criminels peuvent aussi conduire la traite dans une sous-région. Une affaire en Lituanie concernait cinq résidents locaux qui avaient recruté des filles mineures des pays baltiques et les avaient vendues à d’autres bandes de l’Europe de l’Ouest, où elles avaient été exploitées. Le crime est donc perpétré à plusieurs niveaux, chacun nécessitant une coordination différente et s’accompagnant d’un risque différent.

UN PROGRAMME S’EFFORCE DE DÉVELOPPER LA CAPACITÉ

La traite des êtres humains et le problème superposé, mais distinct, du trafic des migrants défient les nations et les officiels des forces de l’ordre dans le monde entier. Mais en 2015, des travaux ont commencé sur un nouveau programme pour combattre le problème dans son ensemble. Ces efforts se sont accélérés en janvier 2017.

La GLO.ACT (Global Action to Prevent and Address Trafficking in Persons and the Smuggling of Migrants, Action mondiale pour prévenir et affronter la traite des personnes et le trafic des migrants) est financée conjointement par l’Union européenne et l’ONUDC et sera active jusqu’en 2019. La GLO.ACT travaille aussi en partenariat avec l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) et l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance).

La GLO.ACT travaille dans 13 pays du monde, y compris cinq pays africains : l’Égypte, le Mali, le Maroc, le Niger et l’Afrique du Sud. Les autres pays sont la Biélorussie, le Brésil, la Colombie, le Kirghizistan, le Laos, le Népal, le Pakistan et l’Ukraine.

Margaret Akullo, coordinatrice de projet pour GLO.ACT dans le bureau de Vienne de l’ONUDC, a déclaré à ADF que le programme vise à développer les capacités et améliorer les connaissances parmi les officiels de la justice criminelle et autres personnes qui font face à la traite humaine, au crime organisé et au trafic des migrants, tout en assistant aussi les victimes. On espère que le nombre d’investigations et de poursuites judiciaires pourra augmenter et que les lois nationales pourront atteindre le niveau des normes internationales, tout en sensibilisant et en assistant les victimes. Le programme vise ces buts grâce à six objectifs :

  • Développement des stratégies et des politiques : L’ONUDC travaillera avec les pays pour développer des stratégies et des politiques afin d’affronter le traite humaine et le trafic des migrants.
  • Assistance législative : L’ONUDC travaillera avec les gouvernements pour assurer que les lois, politiques et stratégies nationales se conforment aux normes internationales afin de criminaliser la traite humaine et le trafic des migrants.
  • Développement des capacités : Les autorités gouvernementales et l’ONUDC développeront les capacités et les connaissances des professionnels de la justice criminelle pour combattre la traite humaine et le trafic des migrants, et aussi pour aider et protéger les victimes.
  • Coopération régionale et transrégionale : L’ONUDC encouragera la coopération et le partage des informations avec les forces de l’ordre concernant l’identification, l’investigation et les poursuites des crimes liés à la traite humaine et au trafic des migrants.
  • Protection et assistance pour les victimes de la traite et du trafic : L’OIM travaillera avec les gouvernements et la société civile pour développer des programmes d’assistance et de soutien pour les victimes.
  • Aide aux enfants victimes de la traite et du trafic : L’Unicef et l’OIM travailleront avec les services de soutien aux victimes et les autorités gouvernementales pertinentes pour aider à développer des moyens de protéger les enfants.

Aimée Comrie, officier de prévention du crime et de justice criminelle de l’ONUDC et responsable de la politique de GLO.ACT, déclare que « d’énormes progrès » ont été réalisés pour lutter contre la traite des personnes. La plupart des pays ont des lois pour lutter contre le crime, « mais nous ne voyons pas le nombre correspondant d’affaires criminelles ; nous ne voyons pas les victimes identifiées ou les affaires poursuivies et menées à bien », déclare Mme Comrie. « Il est donc nécessaire d’utiliser cette structure qui existe déjà et d’essayer de personnaliser nos travaux pour chaque pays, chaque contexte, et voir comment nous pouvons être plus efficaces dans ce pays. »

Le programme a déjà pu enregistrer quelques succès précoces. En novembre 2016, le Maroc a adopté une nouvelle loi sur la traite humaine, et la GLO.ACT a organisé un atelier de développement des capacités sur la traite des personnes à Rabat pour 23 assistants sociaux et autres employés du système de justice correctionnelle. Au Caire, la GLO.ACT et des officiels du gouvernement ont organisé un événement en décembre 2016 pour conduire une sensibilisation du public sur une nouvelle loi contre la migration illégale et le trafic des migrants.

LE RÔLE DES FORCES ARMÉES

La GLO.ACT est principalement guidée par des consultations en cours avec les gouvernements nationaux, aussi la participation des militaires et des gendarmes dans les travaux du projet dépend des besoins et des souhaits des pays individuels, déclare Mme Akullo.

Une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, en date du 20 décembre 2016, demande aux pays membres de travailler ensemble pour combattre la traite humaine, notamment dans les zones de conflit où des missions de maintien de la paix existent. Les conflits créent les migrants et la dégradation de l’état de droit. Il est donc probable que les soldats feront face à la traite des personnes à un moment ou à un autre. Les militaires sont aussi placés aux postes frontières et assurent la sécurité côtière, où il est probable qu’ils détecteront le trafic des migrants et la traite des personnes.

Les victimes de la traite humaine se mélangeront aux demandeurs d’asile, aux migrants clandestins et aux migrants en situation irrégulière ; cela veut dire que la formation avant le déploiement sera cruciale.

Les militaires des pays peuvent aussi faire face à la traite humaine dans d’autres circonstances, notamment lors des activités d’achat et de chaîne d’approvisionnement. La traite humaine et le travail forcé existent dans divers secteurs tels que l’industrie manufacturière, la pêche, la construction, l’industrie textile et les travaux domestiques. Les achats militaires à grande échelle devront éviter de soutenir la traite.

« Je pense que tout le monde a un rôle à jouer », déclare Mme Comrie. « C’est un crime qui affecte tous les secteurs de la société, toutes les régions du monde, tous les pays du monde ; aucun endroit n’est exempté du problème. »


LA TRAITE HUMAINE : UNE DÉFINITION

PERSONNEL D’ADF

La traite humaine est une pratique insidieuse qui prend de nombreuses formes et affecte les gens de tous les âges, hommes et femmes. Selon le Protocole de 2000 des Nations unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, cette expression désigne « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes » par la menace de recours ou le recours à la force, par fraude, contrainte, enlèvement, abus d’autorité ou exploitation d’une situation de vulnérabilité, ou par fourniture de paiements ou d’avantages aux fins d’exploitation.

Malgré son nom, cette condition n’exige pas de déplacement. Une personne née dans un état de servitude peut être considérée victime de la traite, et les personnes peuvent être exploitées sans jamais quitter leur ville natale.

La traite des personnes peut aussi prendre de nombreuses formes, en fonction de l’intention de l’entreprise criminelle qui conduit cette traite. Interpol indique certaines façons dont ce crime se manifeste en Afrique et ailleurs :

  • Traite en vue du travail forcé : Ces victimes sont pour la plupart originaires de pays en voie de développement et sont recrutées par contrainte et tromperie. Les criminels les maintiennent dans un état semblable à l’esclavage alors qu’elles travaillent comme domestiques ou dans les secteurs de la construction, la pêche et l’agriculture.
  • Traite des femmes en vue de leur exploitation sexuelle : Ce fléau mondial attire les femmes et les enfants en leur promettant de bons emplois dans une autre région ou un autre pays, par exemple les milliers de femmes qui partent de l’Afrique pour se rendre en Europe. Lorsqu’elles y arrivent, elles se retrouvent désespérément endettées et prisonnières de l’esclavage sexuel par prostitution.
  • Exploitation sexuelle commerciale des enfants dans le secteur du tourisme : Ce crime est fréquent en Asie depuis un grand nombre d’années, mais il s’est développé en Afrique et en Amérique centrale et du Sud. Il prospère à cause du « risque relativement faible d’interdiction et de poursuites dans ces destinations pour ceux qui recherchent des relations sexuelles avec les mineurs ».
  • Trafic des tissus, cellules et organes : Le trafic des organes, notamment des reins, est un crime croissant selon lequel les trafiquants exploitent les patients désespérés et les donneurs potentiels alors que les listes d’attente pour les transplantations sont longues. Les interventions chirurgicales sont souvent conduites sans suivi médical.

Le trafic des migrants est étroitement lié à la traite des personnes. Les réseaux criminels profitent des flux migratoires vers ou à travers la région méditerranéenne à des fins lucratives.

Toutefois, il existe quatre différences entre la traite des personnes et le trafic des migrants, selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime. Le trafic implique le consentement et concerne les migrants qui arrivent à leur destination. Les victimes de la traite sont exploitées sans y consentir. Le trafic des migrants est toujours transnational mais la traite des personnes peut ne pas l’être. Finalement, ils sont différents en matière de sources de profit. Dans le trafic des migrants, les profits sont dus au transport, à l’entrée ou au séjour illégal dans un autre pays. Les profits de la traite des personnes proviennent de l’exploitation.


AGADEZ, NIGER, CENTRE DU TRAFIC DES PERSONNES

PERSONNEL D’ADF

Agadez, ville ancienne de la région centrale du Niger, a été pendant des siècles une plaque tournante pour les routes commerciales de la région du Sahel et du Sahara. Ceux qui s’engagent dans le trafic des migrants utilisent toujours la ville comme point de départ d’un voyage périlleux à travers les sables chauds du désert, à destination de la Libye et, finalement, la Méditerranée. Sur la côte commence un périple dangereux vers l’Europe, souvent frappé par la tragédie et la mort.

Des gens de toute l’Afrique de l’Ouest arrivent à Agadez, où les trafiquants les placent dans des camionnettes, souvent avec des articles de contrebande cachés. Les hommes et les femmes enveloppent leur visage pour se protéger du soleil et du sable, puis ils chevauchent des bâtons en bois introduits dans la plate-forme de la camionnette pour ne pas être éjectés et laissés en arrière. Dans de telles conditions, ceux qui acceptent de payer les trafiquants peuvent être involontairement pris au piège de la traite humaine.

Des migrants partant d’Agadez vont traverser le Sahara pour se rendre en Libye. [REUTERS]
En 2016, plus de 300 000 personnes sont passées par Agadez à destination de l’Algérie ou de la Libye, selon un article du New York Times. Beaucoup d’entre elles ont continué vers l’Europe, et beaucoup provenaient du Niger et du Mali. Les migrants paient environ 600 dollars aux trafiquants pour aller d’Agadez à la Libye. Le trafic auquel se soumettent volontairement les migrants peut facilement se transformer en traite des personnes, car les migrants sont vulnérables à l’exploitation au cours de leur voyage. Parfois, les migrants arrivent à leur destination finale ou dans un lieu intermédiaire et découvrent que des dettes fictives leur sont imposées.

« Nous constatons même des liens entre les organisations de trafic illégal des migrants et les organismes de traite des personnes », déclare Aimée Comrie, responsable de la politique pour l’Action mondiale pour prévenir et affronter la traite des personnes et le trafic des migrants de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime. « Parfois même, ils se partagent le travail. » Il est important de noter que le consentement préalable d’un migrant n’absolve pas le trafiquant d’une responsabilité pénale.

À Agadez, qui est souvent la première étape des trafiquants nigérians de l’industrie du sexe, les femmes sont parfois sujettes à de multiples viols commis par les trafiquants et d’autres personnes, selon la déclaration faite à Huffington Post par un officiel de l’Organisation internationale pour les migrations. Les femmes gagnent 3 dollars par acte sexuel et l’argent est perçu par le souteneur, à qui elles doivent rembourser leurs « frais de voyage ». Puis elles sont amenées en Libye où elles sont victimes de violences sexuelles supplémentaires jusqu’à ce qu’elles montent dans des navires à destination des bordels européens.

En octobre 2016, l’Allemagne s’est engagée à donner son appui au Niger. La chancelière Angela Merkel a déclaré que son pays enverrait 86 millions de dollars, des véhicules militaires et autres équipements au Niger pour l’aider à combattre les trafiquants de personnes et les Islamistes militants, selon un reportage de Reuters.

Le président Mahamadou Issoufou a bien accueilli cette aide, mais il a déclaré que les besoins financiers du Niger s’élevaient à environ 1 milliard de dollars, selon Reuters. « Nous avons besoin d’une aide beaucoup plus importante », a-t-il déclaré.

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