Africa Defense Forum

LES ARMÉES ADOPTENT LA SIMULATION POUR L’ENTRAÎNEMENT

Les nouvelles technologies sont économiques et épargnent les soldats et les équipements

Prenez un tank type utilisé au combat. Les tanks sont un élément clé de la guerre moderne au sol, mais leur utilisation est onéreuse. Leur achat et leur utilisation sont coûteux. Ils engloutissent du carburant. Leurs chenilles s’usent. Leur utilisation n’est pas fiable et ils sont difficiles à réparer. Et un entraînement avec un tank est destructeur.

« Si vous utilisez un tank pendant une semaine sur le terrain, vous savez à quoi vous en tenir », a expliqué un spécialiste de l’entraînement militaire de Saab, l’entreprise suédoise active dans le secteur de l’aérospatiale et de la défense. « Un tank aplatit tout ce qui se trouve sur son passage ».

C’est là qu’intervient l’entraînement simulé. Connu également sous le nom de modélisation ou M&S, il permet aux armées d’entraîner leur personnel sans usure mécanique et humaine. Il permet également de minimiser les coûts.

Lorsque l’on parle d’entraînement simulé, on imagine généralement des simulateurs de vol, des jeux de guerre vidéo et des stands de tir sophistiqués. Mais l’entraînement simulé remonte à 5.000 ans, lorsque les chefs militaires utilisaient des pierres de couleurs et des quadrillages pour illustrer leurs stratégies.

Les avantages des exercices simulés sont bien documentés. Il y a un gain de temps. Les nouveaux équipements et les tactiques peuvent être testés sur le terrain. Les armées peuvent collaborer dans des opérations conjointes, aplanissant les problèmes avant d’entrer sur le terrain. L’environnement est préservé et la sécurité de tout le personnel est garantie. Les coûts sont considérablement réduits et, ce qui est peut-être le plus important, les objectifs d’entraînement peuvent être mesurés avec précision.

Le caporal Ashraf Plaatjies, des forces de la défense nationale sud-africaine, fournit une assistance médicale simulée lors de Shared Accord 13, en Afrique du Sud. PHOTO ADF
Le caporal Ashraf Plaatjies, des forces de la défense nationale sud-africaine, fournit une assistance médicale simulée lors de Shared Accord 13, en Afrique du Sud. PHOTO ADF

Les chefs militaires considèrent aujourd’hui la simulation comme une nécessité, bien qu’elle ne remplace pas la formation pratique. Un responsable sud-africain a estimé que 30 exercices militaires simulés coûtent aussi cher qu’un exercice de brigade traditionnel.

Le Centre sud-africain pour la simulation des conflits mène entre 25 et 35 simulations par an, dont la moitié concerne la guerre, et un tiers des opérations de maintien de la paix. Environ 10 pour cent concernent la gestion des calamités, et le reste la formation générale.

Pour les pays africains, les simulations modernes sont relativement nouvelles, y compris les simulateurs de vol les plus récents. Un recensement des simulateurs effectué en 2015 par le magazine Military Simulation & Training a montré que seulement deux pays africains possédaient un nombre significatif de simulateurs de vol entièrement équipés : l’Afrique du Sud en avait 11 et l’Algérie 10.

Les simulateurs de vol modernes ne doivent pas être confondus avec un ordinateur sur lequel tourne la dernière version de Microsoft Flight. Les simulateurs de vol « en environnement » sont d’immenses appareils permettant d’entraîner simultanément des équipages de vol entiers. Le portail d’informations defenceWeb décrit l’un de ces appareils à la base aérienne d’Ysterplaat, en Afrique du Sud, qui reproduit le fuselage d’un aéronef pour l’entraînement d’opérateurs de systèmes, de navigateurs et d’autres membres de l’équipage. Il peut accueillir huit étudiants à la fois.

« Le simulateur fournit un entraînement complet depuis le briefing jusqu’au débriefing de fin de mission », a rapporté defenceWeb. « L’utilisation du simulateur au lieu de voler réellement a permis de réduire de 60 pour cent les heures de vol, entraînant de réelles économies de coûts ».

Les simulateurs avec restitution de l’environnement sont utilisés pour entraîner les équipages de sous-marins, d’hélicoptères, d’avions de chasse, de tanks et de véhicules blindés.

LES TROIS TYPES DE SIMULATIONS

Les simulations instrumentées comportent des personnes réelles, des armes réelles ou factices et des munitions à blanc. Un scénario typique consistera à envoyer des soldats sur le terrain équipés de capteurs sur leurs épaules ou leurs casques, de sorte à pouvoir suivre leur position exacte. Ce type de simulation fournit un environnement d’apprentissage aussi proche que possible de la réalité.

Les simulations instrumentées ont des avantages évidents, comme par exemple habituer les soldats sur le terrain à porter et à voyager avec leur équipement. C’est une excellente manière pour les soldats de fournir à leurs formateurs des informations en retour. Les soldats entraînés dans le cadre de simulations instrumentées ont tendance à retenir leurs expériences plus longtemps qu’avec d’autres types de simulation.

Les simulations virtuelles placent des personnes réelles dans des environnements simulés. Les simulateurs de vol qui remontent à la Seconde Guerre mondiale sont peut-être les premiers simulateurs virtuels. La simulation virtuelle peut utiliser des composants du commerce qui ont aussi un usage industriel et civil.

La simulation virtuelle est acceptée, voire saluée, par les jeunes soldats qui ont grandi avec les jeux vidéo. Elle est très adaptable. Les armées utilisent la simulation virtuelle pour entraîner des soldats individuels et des équipes. Une équipe entière peut être entraînée en même temps dans un seul centre. Comme l’a décrit un formateur : « Dans certains types de simulation virtuelle les gens jouent, en fait à des jeux vidéo ». La simulation virtuelle fournit aux instructeurs le meilleur scénario possible pour donner à leurs étudiants un retour d’information immédiat sur leurs performances.

Un soldat cap-verdien sécurise un prisonnier pendant un exercice d’entraînement simulé, au large de la côte du Cap Vert. MAÎTRE DE 1re CLASSE FELICITO RUSTIQUE/MARINE AMÉRICAINE
Un soldat cap-verdien sécurise un prisonnier pendant un exercice d’entraînement simulé, au large de la côte du Cap Vert.
MAÎTRE DE 1re CLASSE FELICITO RUSTIQUE/MARINE AMÉRICAINE

Les simulations constructives, ou simulations théoriques, sont purement hypothétiques permettant l’utilisation de plusieurs éventualités. Les chefs militaires susmentionnés d’il y a 5.000 ans pratiquaient la simulation constructive avec leurs pierres et leurs plans.

Dans le cadre des simulations constructives, tout est simulé – les gens, les équipements et le terrain. Les simulations constructives sont utilisées pour de vrais jeux de guerre – utilisant la modélisation informatique pour déplacer des soldats imaginaires à travers différents scénarios de terrain, y compris le combat.

Les simulations constructives modernes sont de plus en plus sophistiquées, les ordinateurs traitant des données telles que les types de troupes et leur nombre, les conditions météorologiques, les positions des troupes ennemies, la puissance et le type des armements, et les conditions du terrain. Les invasions, les opérations de sauvetage et d’autres manœuvres de terrain sont alors « jouées » à plusieurs reprises pour déterminer quelles approches donnent les meilleurs résultats.

Quel que soit le type de simulation, les concepteurs divisent ces entraînements militaires en trois niveaux.

Le niveau tactique est utilisé pour développer, améliorer et évaluer les plans et manœuvres militaires de base.

Le niveau tactique supérieur est utilisé pour évaluer l’efficacité des plans déjà développés. Les participants peuvent dresser un tableau du renseignement et évaluer les plans d’urgence.

Le niveau opérationnel aligne les objectifs stratégiques selon des calendriers réalistes. À ce niveau, les opérateurs peuvent attribuer des nombres et types de forces correctes pour des tâches spécifiques, en temps réel et sur des terrains soigneusement cartographiés.

CONFÉRENCES DE PRESSE FICTIVES

Le lieutenant-colonel Hugh Evans, des forces armées britanniques, a déclaré à ADF que les simulations modernes sont tellement subtiles qu’elles peuvent inclure des éléments tels que des conférences de presse fictives, où certains participants jouent le rôle de journalistes.

Le lieutenant-colonel Evans a travaillé avec le Botswana, l’Afrique du Sud et la Zambie pour mettre en place des simulations théoriques. Ces simulations mettent en scène un pays africain fictif qui vient de signer un cessez-le-feu et dans lequel des troupes de maintien de la paix sont envoyées. Les variables comprennent les conditions météorologiques, la malnutrition, la maladie, des groupuscules terroristes n’ayant pas encore signé l’accord de paix, des personnes déplacées à l’intérieur du pays et des réfugiés.

« Les étudiants ont un manuel dans lequel ils trouvent tout sur le pays lui-même, où sont les ports, les forces en présence, le contexte ethnique et les différentes religions », a expliqué le lieutenant-colonel Evans.

Bien que l’exercice soit informatisé, il comporte, en grande partie, des discussions et des négociations.

« L’exercice est divisé entre une cellule de planification civile dans les différentes disciplines, une cellule de planification militaire, qui est délibérément assez petite, et une cellule de soutien de mission, comprenant la police et [des organisations non gouvernementales] », a précisé le lieutenant-colonel Evans. « Les soldats jouant le rôle de civils sont en tenue civile. Une année, ils se sont tous présentés en uniforme, ce qui n’a pas marché. S’ils jouent le rôle de civils, ils doivent s’habiller en civil s’ils veulent penser comme des civils ».

L’exercice dure une semaine. À la fin de la semaine, les participants présentent un plan détaillé de maintien de la paix.

« Vous essayez d’amener les gens à considérer un problème sous un angle différent », a déclaré le lieutenant-colonel Evans.

L’adjudant-chef nigérien Moussa M. Maiguizo explique les grandes lignes d’un programme d’assistance médicale à Agadez, au Niger, pendant l’exercice Flintlock en 2014. De tels exercices remontent à 5 000 ans lorsque les chefs militaires utilisaient des pierres et des quadrillages pour illustrer leurs stratégies. PHOTO ADF
L’adjudant-chef nigérien Moussa M. Maiguizo explique les grandes lignes d’un programme d’assistance médicale à Agadez, au Niger, pendant l’exercice Flintlock en 2014. De tels exercices remontent à 5 000 ans lorsque les chefs militaires utilisaient des pierres et des quadrillages pour illustrer leurs stratégies. PHOTO ADF

DES JEUX POUR L’ENTRAÎNEMENT

Certains pays ont mis en place des programmes de        « jeux pour l’entraînement ». Virtual Battlespace est une plate-forme populaire qui fournit un grand théâtre d’opérations simulées. Les batailles peuvent être observées de n’importe quelle perspective et les mouvements enregistrés peuvent être visionnés à nouveau plus tard. Les utilisateurs de ces jeux peuvent créer des modèles et des objets sur mesure. Le programme peut être mis en réseau pour permettre la participation de plusieurs joueurs. Virtual Battlespace, par exemple, peut relier jusqu’à 256 joueurs en même temps. Il est particulièrement utile pour la formation d’observateurs avancés et de contrôleurs aériens avancés.

Les programmes modulables tels que Virtual Battlespace ont pour avantage supplémentaire d’être abordables pour à peu près toutes les organisations.    « L’utilisation croissante d’équipements commerciaux rend la simulation beaucoup moins chère. Le coût de la simulation est en forte baisse », a indiqué un responsable de Saab à defenceWeb.

L’entraînement simulé présente toutefois certains inconvénients. Parfois, la technologie dépasse les capacités de ses utilisateurs, et les participants oublient ce qu’ils ont appris plus vite que les soldats qui ont participé à un entraînement sur le terrain.

Certaines armées étudient la technologie de la réalité augmentée – une méthode de superposition d’images simulées sur le monde réel, à l’aide de lunettes ou d’une tablette pour créer un environnement d’entraînement détaillé. Selon le magazine National Defence, un système de ce type comprend un micro-ordinateur, un logiciel, un bloc piles et un visiocasque. Les Marines ont commencé à tester l’équipement en 2015.

« Au lieu de n’utiliser que leur imagination pour voir ce qui peut se passer, ils peuvent maintenant utiliser la simulation et voir réellement les événements et les effets qui se produisent en plus de l’environnement réel », a expliqué au magazine Peter Squire du Bureau américain de la recherche navale. La technologie est tellement innovante que les chercheurs se penchent sur des aspects tels que le mal des transports chez les participants et le réalisme des simulations.

Des soldats et des policiers du Botswana, d’Afrique du Sud et de Zambie ont participé un exercice africain combiné et conjoint d’une semaine de simulation par ordinateur. ENGAGEMENT DE LA DÉFENSE, DÉVELOPPEMENT DES FORCES CONJOINTES ET ACADÉMIE
Des soldats et des policiers du Botswana, d’Afrique du Sud et de Zambie ont participé un exercice africain combiné et conjoint d’une semaine de simulation par ordinateur.
ENGAGEMENT DE LA DÉFENSE, DÉVELOPPEMENT DES FORCES CONJOINTES ET ACADÉMIE

L’un des tests de la nouvelle technologie consistait en l’attaque de tanks virtuels par des avions de chasse virtuels avec des armes simulées. Un environnement virtuel peut être créé pratiquement n’importe où, même sur un parking.

Un autre développement relativement nouveau est les robots autonomes utilisés pour l’entraînement au maniement des armes. Le magazine Military Simulation & Training a rapporté, en 2015, que les robots cibles, montés sur roues, « ressemblent à de vraies personnes et se déplacent et se comportent comme elles », ce qui améliore grandement la formation au tir. Les « cibles intelligentes » coûtent moins cher que la construction d’un stand de tir avec des cibles mouvantes. Tout stand de tir peut être converti en un centre de tir de pointe, avec cibles mouvantes, en une journée. Un opérateur peut manipuler simultanément 20 robots ou plus.

La gamme des robots comprend des robots « civils » pour apprendre aux soldats à faire preuve de discernement dans leur tir. Les responsables estiment que l’utilisation de « civils » est devenue un élément essentiel de l’entraînement, permettant de réduire les pertes civiles sur le terrain.

Les robots peuvent être programmés pour effectuer des tâches spécifiques. Dans un scénario, les robots « attaquent » une position de tir, sans grande participation de l’opérateur. Le degré d’agression de l’attaque peut-être ajusté et peut changer automatiquement à mesure que les cibles sont touchées. Comme l’a fait remarquer un opérateur, les robots peuvent même « opérer un retrait ordonné ou fuir en déroute ».

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