Africa Defense Forum

La sécurité et l’assainissement sont imbriqués

BENJAMIN AWUVAFOGE/CENTRE INTERNATIONAL KOFI ANNAN DE FORMATION AU MAINTIEN DE LA PAIX

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Benjamin Awuvafoge

La compréhension de la sécurité se limite souvent aux conflits armés ou aux situations violentes. De ce fait, l’essentiel de la planification de la sécurité par les gouvernements est axé sur l’armée et la police, au détriment de secteurs importants tels que la santé et l’assainissement. Cette conception étroite de la sécurité a compliqué la lutte contre la maladie en Afrique.

Selon le chercheur Mohammed Ayoob, la sécurité est définie par rapport à des vulnérabilités internes et externes pouvant sensiblement affaiblir les structures et systèmes étatiques sur le plan territorial et institutionnel. Cela signifie que tout ce qui constitue une menace envers la survie et la vie d’une personne est un enjeu de sécurité.

L’insuffisance de l’assainissement de base, ajoutée aux effets d’un conflit tels que la destruction de l’infrastructure et des systèmes de santé d’un pays, entrave les tentatives de lutter efficacement contre les flambées épidémiques. Il n’est pas étonnant que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ait observé que nombre des pays les plus gravement affectés par la récente épidémie d’Ebola ont des systèmes de santé inférieurs et manquent de ressources humaines et infrastructurelles, après de longues périodes de conflit et d’instabilité.

Le contrôle infectieux et l’hygiène sont des problèmes majeurs. Le savon et l’eau salubre ne sont pas disponibles dans certaines zones. On note l’insuffisance à grande échelle de désinfectants pour les mains à base d’alcool. Les installations d’isolement sont cruciales pour contenir Ebola, tout comme le sont les laboratoires de tests en raison de l’importance d’un diagnostic rapide. Dans certains endroits, l’isolement n’est rien de plus qu’un endroit derrière un rideau.

Les déficiences d’assainissement compromettent également la santé publique. Le Département OMS Santé publique et environnement indique que même si environ 1,8 milliard de personnes ont pu accéder à des installations élémentaires d’assainissement depuis 1990, plus de 2,5 milliards de personnes, soit 37 pour cent de la population mondiale, sont encore dépourvues d’un tel accès.

Le Ghana, comme de nombreux pays africains, est affecté par un problème de déchets et d’élimination des ordures, en particulier autour de la capitale, Accra. Les conteneurs de collecte des déchets débordent souvent dans les stations de transport en commun urbaines, et il n’est pas rare de voir des gens uriner et déféquer en plein air. Les flambées de choléra surviennent régulièrement durant la saison des pluies au Ghana et ailleurs, soulignant l’importance d’une gestion et d’une élimination des déchets appropriées. En 2014, la flambée de choléra au Ghana a infecté plus de 27.900 personnes et a fait 217 victimes, selon les Centres de prévention et de contrôle des maladies infectieuses des États-Unis. La maladie se propage lorsque l’eau est contaminée par les déchets humains. Alors que la flambée de choléra se propageait, le président John Dramani Mahama a lancé un appel aux autorités municipales et aux citoyens, leur demandant de participer aux opérations régulières de nettoyage. Il a également insisté sur la nécessité de se laver les mains et s’est engagé à distribuer des poubelles gratuites à tous les foyers, de telle sorte que les déchets ne finissent pas dans les rigoles.

On dit qu’il vaut mieux prévenir que guérir, et c’est effectivement le cas dans la lutte contre la maladie. La nature d’Ebola, qui est une maladie infectieuse ne se propageant pas par voie aérienne, en fait une cible idéale pour la prévention. Les mécanismes de prévention sont économiques et incluent le port de vêtements de protection et le lavage des mains avec des produits tels que le savon et du chlore. En revanche, le traitement nécessite des ressources considérables et est souvent infructueux. Par exemple, la construction d’un centre de traitement d’Ebola de 70 lits à Bong County, au Liberia, coûte 170.000 dollars et son exploitation revient à environ 1 million de dollars par mois.

Bien que le début de l’année 2015 ait montré des signes prometteurs dans la lutte contre Ebola, les dirigeants africains doivent tirer d’importants enseignements de cette flambée épidémique. Le moment est venu pour eux de réexaminer leur perception des questions de sécurité, en particulier pour réorienter les dépenses publiques vers d’autres secteurs importants et pourtant élémentaires tels que la santé et l’assainissement. La mission du secteur de la sécurité est d’éviter la perte de vies humaines. Si les dirigeants nationaux pouvaient réorienter les priorités dans les prochaines années et approfondir leur compréhension de la sécurité, davantage de vies pourraient être sauvées.

Benjamin Awuvafoge a achevé sa maîtrise en genre, paix et sécurité en mars 2015 au Centre international Kofi Annan de formation au maintien de la paix à Accra.

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