PERSONNEL D’ADF
Il est de plus en plus courant de voir des chalutiers de 50 mètres de long au port de Monrovia (Liberia). L’arrivée de six de ces navires, appartenant à la Chine, en juin dernier a fait craindre aux pêcheurs artisanaux que les stocks précieux de poissons diminueraient encore plus.
Cela fait des années que les chalutiers chinois pêchent dans les eaux d’Afrique de l’Ouest, en privant les habitants locaux de nourriture et de revenus. Au Liberia, environ 37.000 personnes travaillent dans l’industrie de la pêche, à temps plein ou partiel, et 80 % de la population dépend des protéines provenant du poisson.
Mais les gros chalutiers sont plus grands que tout autre navire de pêche jamais vu au Liberia et ils utilisent un équipement élaboré pour suivre la piste des poissons et échapper aux autorités. Les gros chalutiers attrapent le poisson en traînant d’énormes filets derrière eux. Certains filets ont une longueur de plus de 1 kilomètre et attrapent des centaines de tonnes de poisson par jour.
Un grand nombre de Libériens gagnent leur vie en pêchant à bord de canoës en bois.
Puisque les permis chinois autorisant les navires à pêcher hors de la zone économique exclusive de la Chine ont expiré, les gros chalutiers ne sont pas encore homologués par le gouvernement du Liberia. Jerry Blamo, président de l’Association des pêcheurs artisanaux du Liberia, espère qu’ils ne le seront jamais.
L’Autorité nationale des pêcheries et de l’aquaculture (NaFAA) du Liberia devrait « respecter le droit libérien et protéger les intérêts des communautés côtières locales et notre environnement marin partagé », dit M. Blamo dans une déclaration conjointe avec la Fondation pour la justice environnementale (EJF). « Nos eaux soutiennent les emplois locaux et fournissent de la nourriture de bonne qualité, mais l’octroi de permis de pêche à ces gros chalutiers massifs détruirait cela. »
Les gros chalutiers sont bien connus pour maltraiter leur équipage, épuiser les stocks locaux de poissons et saboter les efforts des pêcheurs artisanaux locaux, au Liberia et dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest.
Les experts déclarent que ces chalutiers essaient souvent d’éviter les amendes par la ruse, par exemple en déclarant une capacité de pêche inférieure à celle du navire pour pouvoir attraper une plus grosse prise.
L’une des raisons pour lesquelles les pêcheurs illégaux enregistrent des succès au Liberia est le fait que le pays n’a pas les moyens de patrouiller correctement ses eaux territoriales, et les efforts dans ce but sont « absolument guidés par les donateurs », déclare Steve Trent, directeur exécutif de l’EJF, dans un e-mail à ADF.
« Le Liberia possède actuellement un seul navire patrouilleur, qui n’est pas apte à la pleine mer et ne possède pas d’équipage qualifié, déclare M. Trent. Toutefois, [l’EJF] a récemment lancé un projet qui pourrait aider. Le projet “Communautés pour la pêche” se concentre sur la “cogestion”, selon laquelle les communautés de pêche et les autorités gouvernementales travaillent ensemble pour éradiquer la pêche illégale et assurer une industrie de pêche durable.
« Dans le cadre du projet, les habitants locaux obtiendront les aptitudes et le matériel nécessaires pour recueillir des preuves, par exemple prendre des photos géolocalisées de bonne qualité des chalutiers qui pratiquent une pêche illégale. Ceci leur permettra de créer une ligne de défense efficace pour les populations de poissons du Liberia. Une fois que ces preuves sont collationnées, le gouvernement pourra intenter efficacement des poursuites contre les auteurs, ce qui les dissuadera de pêcher illégalement à l’avenir. »
Une assistance supplémentaire est fournie par la Sea Shepherd Conservation Society, avec laquelle les autorités libériennes ont formé un partenariat en 2017. Cette organisation mondiale à but non lucratif œuvre aussi pour combattre la pêche et les autres crimes maritimes au Bénin, au Gabon, en Gambie et au Ghana.
La Sea Shepherd et la Garde côtière du Liberia ont effectué des arrestations à bord de 15 navires pour pêche illégale, et la Sea Shepherd a un navire qui aide à patrouiller dans les eaux libériennes, déclare le capitaine Peter Hammarstedt, directeur des campagnes de cette organisation, à ADF dans un e-mail.
Au Liberia, les stocks épuisés de poissons, notamment la sardinelle, le marlin, le pagre, l’ombrine et le poisson-chat marin, se sont essentiellement rétablis à la suite de la décision gouvernementale, promulguée en 2010, interdisant aux chalutiers industriels de pêcher dans une zone de 6 milles marins. Mais le gouvernement a récemment réduit de moitié la zone interdite pour certains navires, ce qui pourrait permettre aux navires plus grands de pêcher dans les zones aujourd’hui limitées aux pêcheurs artisanaux et d’anéantir les progrès concernant les stocks de poissons constatés après les restrictions de 2010.
Malgré les risques liés à l’épuisement des précieux stocks de poissons par les gros chalutiers, au Liberia et dans tout le golfe de Guinée, les responsables des pêcheries du Liberia déclarent que les navires chinois pourraient obtenir des permis de pêche commerciaux une fois qu’ils possèdent l’approbation correcte de la Chine. Six chalutiers de fond chinois sont aujourd’hui homologués au Liberia. Ils sont plus petits que les gros chalutiers mais leurs filets alourdis sont traînés au fond de la mer, ce qui déplace les espèces aquatiques et mélangent des contaminants dans leur chaîne alimentaire. Ils pêchent sans discernement, ce qui peut rapidement épuiser les stocks.
Lorsque les gros chalutiers obtiendront l’approbation chinoise, le Liberia émettra un « permis d’essai pour un ou deux navires », pour une période de deux ou trois mois, « uniquement pour le chalut de fond », dans le but de déterminer leur taux de prise, déclare Emma Metieh Glassco, directrice générale de la NaFAA, dans un article publié sur chinadialogue.net. Les filets du chalut de fond sont placés au niveau du fond marin, ou juste au-dessus.