PERSONNEL D’ADF
Constance avait quitté son foyer dans la province du Nord-Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo, à l’âge de treize ans pour rejoindre la milice appelée « Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain ».
Les enfants soldats sont appelés « kadogos » en swahili, ce qui veut dire « les tout-petits ». Malgré sa petite taille, elle transportait des grenades tirées à la roquette et soutenait les combattants du champ de bataille contre les rebelles du M23.
Dans un camp pour personnes déplacées près de la capitale provinciale de Goma, elle déclare au Guardian : « Je suis allée à la guerre. C’était un cauchemar. »
Les experts disent que le recrutement des enfants est en hausse depuis que la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda a repris en 2022. Dans le cas de Constance, qui a demandé l’anonymat, la pauvreté l’a poussée dans cette direction. Mais des enfants innombrables ont été enlevés ou forcés à rejoindre les milices par les deux parties au combat.
La journaliste sud-africaine Patricia Huon a écrit dans le magazine The New Humanitarian au mois d’août : « Les milices, appelées collectivement “wazalendo” (ou “patriotes” en swahili), sont utilisées à cause d’une mauvaise motivation et d’un dysfonctionnement dans les rangs de l’armée de la RDC. Des dizaines de ses soldats et officiers ont été traduits en justice pour cause de désertion sur le champ de bataille. Mais les groupes wazalendo, dont certains s’étaient mutuellement combattus auparavant, ont commis des abus graves des droits de l’homme et ont amené un vaste nombre d’enfants soldats en première ligne, ce qui contrecarre les efforts de longue date visant à empêcher leur recrutement. »
Marie Soudnie Rivette, directrice de l’organisme caritatif War Child en RDC, déclare qu’il est impossible d’estimer combien d’enfants sont engagés dans les combats, mais elle pense que le chiffre réel est bien supérieur à celui des reportages. Elle dit au Guardian pour un article du 11 novembre : « Il est clair que le nombre augmente. Les enfants aujourd’hui sont de la chair à canon. »
La majorité des quatorze enfants interviewés par le Guardian dans un camp pour personnes déplacées de Goma s’étaient récemment échappés des groupes armés. Ils ont dit que la seule façon de partir est de déserter, certains affirmant qu’on leur avait tiré dessus lorsqu’ils s’enfuyaient.
Onesphore Sematumba, analyste du Crisis Group en RDC, déclare que les milices qui enrôlent de force les enfants mineurs dans leurs rangs ont souvent des idées vagues sur ce qu’est un enfant.
« Ils le déterminent en fonction de la taille ou la faculté de transporter des poids lourds », dit-il au Guardian.
Un panel d’experts des Nations unies a expliqué en détail l’ampleur du recrutement des enfants dans un reportage de juillet, en déclarant que « tous les acteurs armés ont recruté et employé des enfants dans les hostilités à une échelle sans précédent ». Les experts écrivent que le M23 enlève « systématiquement » les enfants à partir de 10 ans « dans les zones rurales lorsqu’ils travaillent dans les champs, individuellement ou en vastes groupes, comme le confirment plusieurs ex-combattants du M23 qui avaient été recrutés dans de telles circonstances ». Le M23 prend aussi comme cibles de recrutement les enfants des Congolais dans les camps de réfugiés du Rwanda et de l’Ouganda. Dans un camp d’entraînement du M23, au moins 20 % du nombre de recrues estimé à 1.000 étaient des enfants.
Le rapport déclare : « Ceux qui ne l’acceptaient pas ont été pris de force. Les recrues qui essayaient de s’échapper ont fait face à l’exécution. »
Les recrues de quinze ans ou plus ont été entraînées pour le combat, y compris dans des sites du Rwanda, avant d’être déployées en première ligne pour se battre. Elles ont aussi été sujettes à des travaux forcés, notamment le creusement des tunnels et des tranchées.
« Les plus jeunes enfants, en général ceux de moins de quinze ans, n’ont pas reçu de formation tactique complète mais ils effectuaient des tâches et jouaient le rôle d’escortes ou de serviteurs des commandants jusqu’à ce qu’ils deviennent bons pour le combat. »
Un certain nombre de sources ont déclaré aux experts de l’ONU que presque toutes les milices wazalendo utilisent des enfants, et que les rencontres avec des enfants armés ont été généralement signalées près de Goma, dans ou près des postes militaires et des camps pour déplacés internes.
Mme Huon écrit : « L’une des plus grandes préoccupations concernant les wazalendo concerne leur emploi massif des enfants soldats, ce qui entravera pendant de nombreuses années les efforts visant à empêcher leur recrutement. »