PERSONNEL D’ADF
Des étincelles ont jailli lors d’une récente réunion de l’Assemblée nationale du Nigeria.
La raison pour ce fracas ? L’investigation des prêts chinois octroyés depuis l’an 2000 et la question de savoir si la souveraineté du Nigeria était menacée en cas de non-paiement.
La Chine est accusée depuis longtemps de pratiquer la « diplomatie de l’endettement », selon laquelle elle attribue aux pays en voie de développement un lourd fardeau de dette, seulement pour extorquer ultérieurement des concessions. La question est devenue beaucoup plus urgente et a provoqué une angoisse économique généralisée au Nigeria, la plus grande économie du continent, à cause du double assaut de la pandémie du Covid-19 et de la chute du cours du pétrole.
La révision du budget nigérian de 2010 a déclenché un tollé général contre la dette parce que le remboursement des prêts exigera environ 27 % des fonds alloués. Le pays anticipe une baisse de revenus pétroliers de 40 % à cause de la réduction de la demande mondiale. La production de pétrole représente environ 70 % des revenus du Nigeria.
La Chine est le plus grand créancier étranger du Nigeria, avec environ 3,1 milliards de dollars, soit 11,28 % de sa dette extérieure totale, selon le Bureau de gestion des dettes du pays.
La Chambre des représentants a ordonné l’investigation des prêts chinois en mai, et un grand nombre de responsables des ministères ont fait l’objet d’un examen minutieux.
Les esprits se sont échauffés le 17 août lorsque les parlementaires ont interpellé Chibuike Rotimi Amaechi, ministre des Transports, au sujet des milliards de dollars de prêts accordés par la Banque d’importation et d’importation, une société chinoise.
Selon The Premium Times, M. Amaechi dit au comité de « détourner leurs regards » s’ils ne voulaient pas risquer de perdre les prêts chinois liés à un grand nombre de projets d’infrastructure. Cette menace perçue aux fins de stopper l’investigation a suscité un outrage qui s’est propagé dans de nombreuses réunions de la Chambre.
L’économiste nigérian éminent Kingsley Moghalu a protesté contre l’exclusion d’un débat public et a vivement conseillé la transparence.
« Il n’y a pas de soumission concurrentielle pour les projets financés avec les emprunts chinois, déclare-t-il sur Twitter. Les projets tels que les chemins de fer et les terminaux d’aéroport sont attribués aux entreprises chinoises, les fournitures viennent de Chine, la main d’œuvre est chinoise. »
« C’est une escroquerie. Ce n’est pas un prêt. C’est beaucoup plus que ça. Le Nigeria subventionne la stratégie d’exportation chinoise financée par la Banque d’importation et d’exportation de ce pays. »
Le manque de transparence des prêts chinois a été souligné dans un reportage du journal The Sun selon lequel un contrat de 2018, d’une valeur de 500 millions de dollars, pour financer un projet ferroviaire aurait été écrit en mandarin. L’anglais est la langue officielle du Nigeria, en particulier aux fins commerciales.
Lorsque les détails de ce contrat ont été publiés, une clause a suscité des inquiétudes particulières parmi les responsables élus, les médias et le grand public. Elle précise que « l’emprunteur renonce irrévocablement par la présente à toute immunité basée sur le concept de souveraineté ou autrement, pour lui-même ou pour ses biens, en rapport avec un arbitrage quelconque… ».
Un parlementaire reprocha à M. Amaechi d’avoir permis que la ville de Hong Kong contrôlée par la Chine soit désignée comme centre d’arbitrage pour ces prêts.
- Amaechi fit retomber l’accusation sur l’administration nigériane précédente.
« Ce sont des clauses standards que vous devez accepter avant d’obtenir le prêt », a-t-il déclaré selon le journal Vanguard. « 80 % de ces prêts ont été conclu avant que nous arrivions. »
Ossai Nicholas Ossai, président du comité de la Chambre des représentants conduisant l’investigation, a rejeté vigoureusement les assertions de M. Amaechi, en définissant les clauses d’immunité comme ambiguës et obscures.
« Il est pratique courante dans la plupart des accords de prêt internationaux d’adopter une “garantie souveraine” et un centre d‘arbitrage international neutre au lieu de renoncer à notre souveraineté nationale de façon généralisée », a-t-il déclaré selon Vanguard. « Ceci est particulièrement le cas pour traiter avec des pays comme la Chine, bien connus pour avoir un statut d’état absolu avec leurs institutions et leurs entreprises. »
Lors d’une interview sur Channels Television, le Dr Bongo Adi, directeur du Centre pour la réglementation et l’avancée des politiques d’infrastructure de l’École de commerce de Lagos, a exprimé son inquiétude concernant le recours croissant du Nigeria aux prêts chinois.
« Sur les 64 pays qui abritent les projets de l’initiative chinoise de la Nouvelle route de la soie, 20 sont en détresse et 8 seraient sur le point de perdre leur capacité de maintenance de leur dette souveraine s’ils acceptaient des prêts additionnels, déclare-t-il. Nous avons vu ce cycle chinois et nous devons être prudents. »
« Ce qui se produit en général, c’est que les Chinois commencent à prendre le contrôle des éléments d’infrastructure, déclare le Dr Adi. Les Chinois lient de façon stratégique les prêts à l’infrastructure, dans l’intention de prendre possession de l’infrastructure en cas de non-paiement, puisque cette infrastructure devient alors un collatéral. »