PERSONNEL D’ADF
Lors d’une réunion récente du block régional qu’il dirige, le président Umaro Sissoco Embaló de Guinée-Bissau a encouragé l’adoption d’une nouvelle réponse à la série de coups d’État en Afrique de l’Ouest.
Il tirait profit de sa propre expérience, ayant lui-même échappé à un coup d’État qui avait échoué en provoquant la mort de 11 personnes le 1er février 2022.
À l’occasion de la conférence au sommet annuelle à Abuja (Nigeria) le 4 décembre 2022, les leaders de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont décidé d’établir une nouvelle force régionale de maintien de la paix pour aider à restaurer la démocratie et l’état de droit en cas de coup d’État.
« Il existe un besoin urgent d’endiguer les changements anticonstitutionnels infligés aux gouvernements démocratiquement élus d’Afrique de l’Ouest tout en affrontant de façon holistique les causes fondamentales de l’agitation et des troubles », a déclaré le président Embaló.
La force proposée de la CEDEAO serait aussi chargée de combattre les organisations extrémistes violentes de la région telles que le Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin (JNIM) lié à al-Qaïda et l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS). Les groupes extrémistes sont déterminés à se propager depuis le Sahel vers les pays côtiers tels que le Bénin, le Togo et le Ghana.
L’analyste politique Rotimi Olawale basé à Abuja déclare que la restauration de la paix et de l’ordre ne sera pas facile, bien que la nouvelle force de la CEDEAO soit la bienvenue.
Il dit à Voice of America : « Je vois [que] cette force de maintien de la paix pourrait créer des difficultés car on anticipe qu’elle relèvera deux défis en même temps. Il y a eu des cas où les gouvernements dans certains de ces pays ont contrecarré leur propre constitution pour prolonger le mandat du personnel sortant. »
« L’opinion publique de certains pays soutient l’emploi de la force pour assurer un nouveau départ. »
Il prédit que la force régionale proposée pourrait être sujette à des risques en cas de soulèvement populaire.
« Je pense que la CEDEAO devrait être très prudente sur la façon de répondre aux coups d’État. Il y aura beaucoup de problèmes s’il n’existe pas de consentement populaire, en particulier parmi les citoyens des pays. »
La CEDEAO n’a pas fourni de détails, notamment sur la constitution ou le financement de la force.
Les ministres de la défense de la région prévoient de se réunir en janvier pour considérer la structure de la force. Omar Alieu Touray de Gambie, président de la Commission de la CEDEAO, déclare que les ministres pensent développer un plan au second semestre 2023 pour créer la force.
Il dit que le mécanisme de financement ne pourra pas dépendre uniquement des contributions bénévoles.
La CEDEAO possède déjà une force en attente basée à Abuja. Il y a aussi plusieurs opérations de soutien de la paix de la CEDEAO, y compris deux qui existent actuellement en Gambie et en Guinée-Bissau.
La CEDEAO a soutenu de telles missions auparavant.
Quelques jours à peine après la tentative de coup d’État de février 2022 en Guinée-Bissau, les responsables de la CEDEAO avaient décidé d’envoyer une force de stabilisation.
À l’époque, le président ghanéen Nana Akufo Addo avait lancé une claire mise en garde et utilisé le mot « contagion » pour décrire l’épidémie de coups d’État dans la région.
Lors d’une réunion d’urgence au sommet convoquée pour discuter du problème en février 2022, il avait déclaré : « La recrudescence des coups d’État dans la région est l’objet de graves préoccupations. »
« Cette évolution défie le mode de vie démocratique que nous avons choisi. Confrontons cette tendance dangereuse collectivement et résolument avant qu’elle ne dévaste la région entière. »
Le professeur de sciences politiques et auteur Emmanuel Balogun déclare que la CEDEAO doit être patiente et engager d’autres parties prenantes de la paix et la sécurité, notamment les groupes de la société civile.
« Ce qu’il y a d’unique à propos des organisations régionales africaines, et de la CEDEAO en particulier, c’est qu’elles sont actives dans l’une des seules régions au monde pour établir des mécanismes visant à faciliter la démocratie et la bonne gouvernance, et à faciliter une réponse régionale aux événements comme les coups d’État », dit-il au Washington Post.
« Je me demande comment ce tout dernier effort sera différent de ce qui existe déjà, et pourquoi à ce stade il est nécessaire de créer une nouvelle force plutôt que d’employer la force en attente ou d’autres mécanismes existants. »
Toutefois, les chefs d’état d’Afrique de l’Ouest reconnaissent clairement le besoin de renforcer l’ordre constitutionnel.
Embaló a déclaré lors d’un briefing en juillet 2022 : « Pour devenir président, il y a un processus, et c’est le peuple qui décide. Cela ne se fait pas par une prise de pouvoir militaire. »