PERSONNEL D’ADF
Les protestataires déclarent que le nouvel accord du Soudan, conçu pour faire redémarrer la transition vers un régime civil, ne limite pas suffisamment le pouvoir des forces armées.
La junte militaire du pays a conclu cet accord au début décembre avec un ensemble de groupes politiques et commerciaux de Khartoum. L’accord fait appel à la nomination d’un nouveau premier ministre, au retrait de l’engagement des forces armées dans la politique et de vastes secteurs de l’économie, et au démarrage d’une nouvelle transition de deux ans vers un régime civil.
« Les objectifs de l’accord incluent l’établissement d’une autorité civile complète, la création d’un climat politique libre et la conclusion d’une entente finale avec la plus grande participation politique », a déclaré à la BBC en décembre Al-Wathiq al-Barir, porte-parole de l’Alliance pour la liberté et le changement (FFC), l’un des signataires de l’accord.
Alaaeldin Awad Mohamed Nogoud, porte-parole de l’Association des professionnels soudanais, autre signataire, a déclaré à Al Jazeera que l’accord offre la meilleure voie vers le retour à un régime civil, plus d’un an après la saisie du pouvoir par la junte dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan.
Toutefois, les manifestants critiquent la durée de la transition et le manque de prise de responsabilité par les leaders du coup d’État.
« Le problème majeur est le fait que les leaders du coup d’État, Burhan et Hemidti, restent au pouvoir. Des gens ont été tués, blessés, détenus [pour avoir manifesté] et ils continuent sans assumer la responsabilité », déclare le cinéaste soudanais Hajooj Kuka à la BBC.
Le coup d’État a provoqué le désarroi politique et économique au Soudan, avec des manifestations quasi-hebdomadaires au cours desquelles les forces de l’ordre ont tué plus de 120 protestataires.
Il a aussi causé la suspension de plusieurs milliards de dollars en assistance internationale et de l’accès aux marchés financiers. Les chefs de la junte ont essayé d’atténuer ces pertes en triplant les impôts, en augmentant les charges pour les services gouvernementaux tels que l’émission des passeports, et en faisant grimper le coût du carburant.
Dans le pays, l’inflation de base est passée de 160 % avant le coup d’État à plus de 440 % un an plus tard.
L’accord fournit la preuve de l’échec du coup d’État militaire, déclare M. Nogoud.
Il ajoute que « l’armée n’est plus capable de diriger le pays ».
L’accord de décembre crée une certaine structure. Les détails de la transition (quand et comment elle se produira) doivent toujours être négociés. Ces négociations étaient censées débuter le 9 janvier.
Lors d’une allocution nationale le 1er janvier, le général al-Burhan a déclaré qu’il s’est engagé à élargir le consensus lorsque les négociations avanceront, selon Radio Dabanga.
L’accord manque toujours de fournir de nombreux détails et il ignore les nombreux problèmes hors de la capitale, selon la déclaration d’Alan Boswell, directeur du projet de la Corne de l’Afrique pour l’International Crisis Group, à Al Jazeera.
« Cet accord n’est pas un plug and play ; il y a toujours du travail à faire », dit-il.
Bien que l’accord n’inclue pas de nombreux détails cruciaux, Kholood Khair, fondatrice du groupe de réflexion soudanais Confluence Advisory, déclare qu’une chose est claire : il place la responsabilité pour faire sortir le Soudan de son bourbier actuel carrément sur les épaules des leaders civils futurs.
Elle dit à Al Jazeera : « Les généraux ont le plus à gagner avec cet accord. Il exerce très peu de pression sur les généraux pour qu’ils concèdent leur pouvoir ou leur actif. »
L’armée soudanaise est fortement impliquée dans l’économie du pays, depuis les cultures jusqu’aux champs de pétrole et aux contrats du secteur de la défense. Bien que la structure de l’accord exige le retrait de l’influence militaire dans les secteurs non militaires de l’économie, le mécanisme de ce retrait demeure vague.
Pendant ce temps, l’armée continue à recevoir la part du lion dans le budget national du pays : 28 %, comparé à 3 % pour la combinaison des secteurs de la santé et de l’éducation.
Puisqu’un certain nombre de groupes, en faveur de la junte aussi bien que de la démocratie, ont été exclus des négociations qui ont établies la structure de l’accord de décembre, la mise en œuvre de l’accord demeure incertaine, selon M. Boswell.
« Les gens qui ont signé cet accord ne représentent pas très bien les groupes hors de la capitale ou dans les zones de conflit », déclare-t-il à Al Jazeera.
Les critiques craignent que l’exclusion des groupes militants signataires de l’accord de paix de Juba en octobre 2020 n’enflamme de nouveau le conflit auquel ces accords ont mis fin.