LA DÉCOUVERTE DE PÉTROLE ENTRAÎNE LA NÉCESSITÉ D’ASSURER LA SÉCURITÉ MARITIME
MUTARU MUMUNI MUQTHAR
Mutaru Mumuni Muqthar est directeur exécutif du Centre de l’Afrique de l’Ouest pour la lutte contre l’extrémisme, une organisation indépendante de la société civile pour la recherche antiterroriste. Il possède une maîtrise de terrorisme international, criminalité mondiale et sécurité internationale de l’université de Coventry, au Royaume-Uni, et une licence d’administration des affaires de l’université d’Ashesi, au Ghana.
Alors que la piraterie dans la Corne de l’Afrique est en régression, l’accent se déplace vers le golfe de Guinée, une côte qui s’étend sur 2.500 kilomètres du Cap Lopez, au Gabon, au sud, au Cap des Trois Pointes à l’ouest du Ghana, au nord. En 2007, le Ghana a découvert environ 5 milliards de barils de réserves de pétrole, avec pour corollaire les problèmes de sécurité liés à la piraterie, au terrorisme, à la contrebande et aux litiges relatifs au plateau continental avec les pays voisins. Dans aucun autre domaine la menace n’a été plus inquiétante que dans la piraterie maritime. Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en 2012 et 2013, les actes de piraterie rapportés pour le golfe de Guinée ont dépassé ceux enregistrés dans la Corne de l’Afrique.
L’essor d’un marché noir de carburant en Afrique de l’Ouest rend ces eaux attrayantes pour les pirates. Le pétrole est le principal produit des échanges économiques transporté principalement par la mer dans la région de l’Afrique de l’Ouest. Plus de 90 pour cent de tout le transport de cargaisons se fait par la mer et le commerce est organisé de telle manière qu’il permet largement au marché noir de prospérer.
La vulnérabilité du Ghana ne fait aucun doute. Comme l’explique David Asante-Apeatu, commissaire de la police maritime : « La totalité du Ghana est exposée à la piraterie, et c’est d’autant plus vrai depuis la découverte de pétrole ». Selon James Agalga, vice-ministre ghanéen de l’Intérieur, la piraterie maritime est une menace imminente, mais elle n’est pas l’apanage du Ghana. En fait, il y a eu deux actes de piraterie liés au Ghana en 2014. Ces pirates sont principalement originaires du Nigeria, un petit nombre d’entre eux vient du Bénin et du Togo. Selon l’ONUDC, les victimes de piraterie au large de la côte béninoise ont signalé que des pirates anglophones et francophones travaillaient ensemble, ce qui prouve l’existence d’un réseau criminel transfrontière. Selon l’ONUDC, le Nigeria a enregistré 57 des 73 incidents rapportés en 2013. Il n’est pas difficile de s’imaginer que la prochaine cible sera le Ghana.
James Agalga en est parfaitement conscient, mais il affirme que les eaux du Ghana sont devenues extrêmement dangereuses pour les pirates, compte tenu de l’état de préparation du pays. « Après le rééquipement de la marine et de l’armée, la principale étape suivante sera de donner la priorité à la collaboration inter-agences et de renforcer l’échange d’informations, a-t-il précisé. Ce qui importe, à l’heure actuelle, c’est d’accroître la capacité de surveillance à la fois des eaux territoriales et des eaux internationales par des équipes de patrouille conjointes avec des pays voisins, quand et où cela est possible ».
Le Ghana est naturellement mis sous pression pour éviter les situations que connaissent les autres pays d’Afrique de l’Ouest. Mais, selon les autorités, le Ghana est bien loin de rencontrer les mêmes problèmes que ceux auxquels le Nigeria a fait face. L’argument le plus souvent avancé est qu’il y a des différences majeures entre les deux domaines. Bien que les voleurs de pétrole réalisent annuellement un bénéfice brut d’environ 1 milliard de dollars, il y a moins de possibilités de percer des pipelines pour siphonner le pétrole au Ghana parce que la majorité du pétrole se trouve en mer. Joana Ama Osei-Tutu du Centre international Kofi Annan de formation au maintien de la paix, au Ghana, explique les différences fondamentales : « Le Ghana a une côte plus dégagée, il n’y a pas d’anses, il y a une bonne visibilité et elle est sûre », a-t-elle précisé, citant le fait que le littoral du Nigeria est ponctué de nombreux points d’accès par des voies d’eau pouvant être utilisées par les pirates et les trafiquants.
PRÉPARATION ET CAPACITÉ
Selon James Agalga, le Ghana ne compte pas seulement sur la bienveillance de pays partenaires. L’Autorité maritime du Ghana (GMA) a lancé un Système d’information et de gestion du trafic des navires (VTMIS). Ce système intégré est destiné à la surveillance électronique permanente de l’espace maritime du Ghana et dispose de capteurs à distance pour détecter et identifier les bateaux et navires en haute mer. Il possède des tours de communication équipées de radars maritimes, de systèmes d’identification automatiques et de systèmes de télévision en circuit fermé pour surveiller les navires et les activités à bord à une très grande distance.
Le projet se compose de huit sites de capteurs à distance à Tema, Winneba, Keta, Axim, Big Ada, Half Assini, Takoradi et Cape Coast, ainsi que de trois stations de base à Keta Krachi, Yeji et Anum. Le Centre de contrôle national se trouve à l’état-major de la GMA à Accra. Les navires sont équipés d’un système d’identification automatique des navires et embarcations opérant sur le lac Volta, ainsi que d’une fonction d’identification et de suivi des navires à grande distance et de capteurs météorologiques. Le VTMIS, déployé par la société finlandaise ELTEL Networks Corp., peut suivre des navires dans un rayon de 1.000 milles nautiques.
Néanmoins, beaucoup de problèmes subsistent. Le VTMIS à lui seul est insuffisant pour éliminer la menace de piraterie. La capacité de déjouer les attaques est aussi importante que celle de les déceler, sinon plus. Bien que les plateformes flottantes d’extraction, de stockage et de déchargement se trouvent à environ 200 milles nautiques, les petites embarcations du Ghana sont incapables de s’éloigner au-delà de 100 milles nautiques de la côte. De plus grandes embarcations sont nécessaires pour fournir une couverture adéquate afin de maîtriser ou de combattre les pirates. « Nous avons besoin de logistique pour couvrir nos eaux territoriales ; nous avons besoin de patrouilleurs pour surveiller nos eaux », a affirmé David Asante-Apeatu.
On croit discerner une certaine friction entre les agences impliquées dans le secteur. Selon Joana Ama Osei-Tutu, le dispositif sécuritaire se caractérise par un morcellement d’agences, telles que la police maritime, la GMA, la Marine, et l’Autorité portuaire. Elles travaillent toutes pour des ministères et instances différents, ce qui entraîne une duplication des tâches et risque de gâcher la bonne volonté nécessaire pour contrecarrer la piraterie. Toutefois, David Asante-Apeatu estime que : « Nous sommes capables de mener des patrouilles conjointes, et de nous porter mutuellement assistance de manière adéquate : la police maritime, la Marine, l’Autorité maritime. La relation entre les agences de sécurité est plutôt cordiale ».
IMPLICATIONS POUR LE COMMERCE MARITIME AVEC LE GHANA
La piraterie a des conséquences économiques majeures. Elle accroît le niveau de risques et amène les compagnies d’assurances à augmenter leurs tarifs. Une montée de la piraterie au large des côtes du Ghana aurait un effet non négligeable sur les tarifs d’assurances internationaux pour les importateurs et les exportateurs et augmenterait le coût du commerce dans les ports du pays. L’ONUDC observe qu’au Bénin, à la suite d’une recrudescence des attaques en 2011, les experts des assurances ont placé les eaux territoriales du Bénin au même niveau de risque que celles du Nigeria. Cela a fait considérablement augmenter le coût du transport de marchandises vers le Bénin. L’augmentation des coûts d’importation fait diminuer les recettes, augmenter le coût de la vie et entraîne une baisse de compétitivité des importations.
CONCLUSION
Le Ghana peut éviter de subir le même sort. Pour stabiliser et sécuriser les eaux territoriales, il faudra établir une structure sécuritaire globale et délibérée qui implique la Marine, la police maritime, la GMA, l’Armée, le ministère de l’Intérieur et d’autres instances similaires. Le renforcement des capacités des forces de sécurité pour accroître les patrouilles et la surveillance constituera un important moyen de dissuasion.
Les sociétés exploitant des navires devront posséder un plan directeur de sécurité prévoyant des mesures défensives embarquées, une présence obligatoire d’équipes de sécurité armées à bord des navires, un système de localisation utilisant les technologies modernes et des dispositifs de surveillance tels que le VTMIS. La discipline au sein des forces et la volonté d’éliminer la corruption sont essentielles pour apporter la sécurité et l’ordre dans le secteur.
Enfin, il y a une corrélation entre les problèmes économiques et sociaux à terre et le taux de criminalité en mer. Le pays doit s’attaquer aux problèmes économiques et sociaux sous-jacents susceptibles d’engendrer des menaces sécuritaires. Parmi les pêcheurs artisanaux, les agriculteurs et les jeunes, certains pourraient être séduits par des pirates étrangers et par l’appât du gain et se livrer à la contrebande. Des recruteurs pourraient exploiter le mécontentement local contre les autorités en persuadant les jeunes de se livrer à la piraterie, au pillage en mer, ou aux deux. Une vision à long terme nécessiterait que le Ghana mette en place une Autorité de développement côtier pour surveiller la sécurité et le développement de la vie et des ressources côtières.
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