PERSONNEL D’ADF
Malgré les efforts des pays côtiers africains visant à réprimer la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (IUU), un poisson sur quatre est toujours pêché illégalement alors que les stocks de poissons du continent s’effondrent.
Le commerce maritime illégal fait perdre à la région d’Afrique de l’Ouest près de 1,95 milliard de dollars dans la chaîne de valeur des poissons et fait perdre aux foyers 593 millions de dollars de revenus annuels.
Les meilleures méthodes pour faire face à la pêche IUU incluent l’amélioration de la coopération internationale et du partage de l’information, la mise en œuvre des contrôles portuaires existants et l’utilisation d’une technologie économique de traque de vaisseau, selon un article de recherche préparé l’an dernier pour le Panel de haut niveau pour une économie océanique durable.
Un incident en mai 2020 impliquant un navire de pêche chinois a souligné comment certaines de ces stratégies fonctionnent. Des pirates s’étaient emparé du Hai Lu Feng 11 et avaient enlevé son équipage de 11 personnes dans les eaux de la Côte d’Ivoire. Le chalutier avait traversé les zones économiques exclusives du Ghana, du Togo et du Bénin avant d’être arrêté au large des côtes du Nigeria.
Le partage des informations dans la région et la collaboration entre les marines béninoise et nigériane ont conduit à la libération réussie du navire et des otages, écrit Ian Ralby, expert en sécurité et en droit maritime, dans une histoire publiée par le Centre pour la sécurité maritime internationale.
Toute une série d’efforts collaboratifs, combinés et régulateurs visant à dissuader la pêche IUU existe déjà en Afrique, notamment les organisations de gestion des pêcheries régionales et le Code de conduite de Yaoundé, une architecture de sécurité maritime régionale.
Mais la protection des pêcheries peut être compliquée parce qu’elle nécessite que les pays enregistrent la quantité de poissons attrapée et le lieu, qu’ils déterminent si les chalutiers détiennent des licences correctes, s’ils signalent leur prise avec exactitude et s’ils utilisent un équipement légal.
M. Ralby, PDG d’I.R. Consilium, a déclaré à ADF dans un e-mail : « Les forces de l’ordre considèrent [aussi] d’autres choses, telles que les crimes des pêcheries, lorsque le secteur de la pêche est utilisé pour une autre activité illicite, notamment le trafic de drogues, le trafic d’armes, la contrebande et le trafic des personnes, et d’autres crimes plus abstraits tels que le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme. Vous avez les deux côtés de l’équation qui recherchent des efforts collaboratifs dans la région. »
« Une question profonde de souveraineté »
Les efforts régionaux visant à dissuader la pêche IUU ne fonctionnent pas aussi bien qu’ils le devraient parce que les pêcheries sont « une question profonde de souveraineté » selon laquelle des pays voisins peuvent gouverner leurs eaux territoriales différemment, déclare M. Ralby, en ajoutant que la corruption parmi les responsables des pêcheries est « généralisée » dans beaucoup de régions du monde.
« Il y a des responsables dont la fonction consiste à protéger les ressources de l’état, et ils permettent à ces ressources d’être volées alors qu’ils se remplissent les poches, déclare M. Ralby. Il y a aussi des gens dans le secteur de la pêche qui sont parfaitement contents de prendre des libertés, d’éviter leurs responsabilités et de ne pas suivre les règles du jeu. Ces gens peuvent être des agents nationaux ou étrangers. »
Une étude publiée l’an dernier par le World Resources Institute proposait que la pêche IUU pourrait être mieux combattue en conduisant une meilleure surveillance des ports. L’Accord relatif aux mesures du ressort de l’état du port conclu en 2016, seul accord contraignant axé sur la pêche IUU, a établi des normes minimales auxquelles les ports doivent se conformer lorsque des navires cherchent à entrer. Les vaisseaux soupçonnés de pêche IUU peuvent être inspectés ou l’accès au port peut leur être refusé.
M. Ralby convient que la visibilité des autorités aux ports est essentielle pour combattre les crimes maritimes.
« Nous constatons qu’un certain nombre d’états ont commencé à travailler en inter-agences, multi-agences, afin de mettre en lumière les pêcheries et l’ensemble des domaines de préoccupation », déclare-t-il.
Un aspect crucial de l’application des lois dans les ports concerne la création d’un contexte juridique pour utiliser les données satellitaires et les informations des plateformes de sensibilisation au domaine maritime comme raisons suffisantes pour conduire des fouilles ou des arrestations au port.
« Le facteur le plus important pour obtenir un succès avec ce type d’approche est de développer la volonté politique, déclare M. Ralby. Ceci exige que les responsables de haut rang surmontent ce que j’appelle la “cécité de la richesse maritime”, selon laquelle ils constatent que le domaine maritime est précieux mais ils ne comprennent pas quelle est sa valeur. Pas pour eux personnellement, mais pour le pays. [Les responsables qui possèdent ces connaissances] seraient moins désireux de s’engager dans des pratiques corrompues. »