PERSONNEL D’ADF
Les mâchoires du piège de l’endettement commencent à se serrer à la gorge du Kenya, maintenant que les paiements sont dus pour un projet d’infrastructure financé par d’énormes emprunts chinois.
Lorsque le Standard Gauge Railway (chemin de fer à écartement normal) entre Nairobi (capitale du Kenya) et la ville portuaire de Mombasa a été inauguré avec une avalanche de confettis et de serpentins en 2017, il représentait un symbole scintillant des vastes plans chinois pour relier l’Asie à l’Afrique, au Moyen-Orient et à l’Europe grâce à l’initiative de la Nouvelle route de la soie (BRI).
Aujourd’hui, c’est un autre exemple du prix caché d’un projet d’infrastructure qui ne peut pas se maintenir de lui-même.
L’économiste kényan David Ndii a déclaré le 12 janvier lors d’une interview sur la chaîne de télévision KTN News : « Cela fait plusieurs années que le pays se dirige vers ce type de surendettement. Lorsque vous commencez à emprunter pour payer les intérêts, votre trajet d’endettement devient explosif. »
« Vous pouvez très rapidement constater qu’il va éclater sous forme de crise. »
Le Kenya a accepté un prêt de 1,48 milliard de dollars de la Banque chinoise d’importation et d’exportation en 2015 pour construire une extension du chemin de fer entre Nairobi et Naivasha, ville située au centre de la vallée du Rift.
Lorsque l’extension a été mise en service en 2019, le président Uhuru Kenyatta a brandi le drapeau kényan avant le départ du premier train. Les manchettes d’un journal local ont appelé le projet un « chemin de fer qui ne mène nulle part ». M. Ndii l’a appelé « un puzzle économique ».
Après une période de grâce de cinq ans, ce pays d’Afrique de l’Est doit à la Chine plus de 4,7 milliards de dollars et a des difficultés pour verser les paiements sur cette dette, laquelle a grimpé à 69,2 % de son produit national brut. En même temps, les revenus ont chuté à cause de la pandémie du Covid-19.
Le 20 janvier 2021, un jour avant l’échéance du premier versement sur le prêt lié à l’extension de Naivasha, la Chine a accordé au Kenya un moratoire de six mois pour rembourser la dette. Le ministre des Finances Ukur Yatani a reconnu que la somme économisée, d’un montant de 245,23 millions de dollars, sera maintenant payable à la fin juin.
Il a déclaré sur la chaîne de radio FM Spice : « Nous n’allons pas maintenant payer immédiatement. Mais nous allons payer plus tard. »
Le Covid-19 avait forcé la suspension du service de passagers du chemin de fer pendant trois mois. Les membres du comité des transports du parlement l’ont mentionné dans un rapport publié à la fin septembre 2020 pour faire appel à une réduction des coûts opérationnels de 50 % et une renégociation de la dette du pays envers les banques chinoises.
Une condition de la suspension des paiements du Kenya à la Chine concerne l’application des économies correspondantes à la lutte contre la pandémie.
Les critiques déclarent qu’une simple suspension du remboursement n’est pas la même chose qu’une annulation ou même un allègement des dettes.
Le Covid-19 a accéléré la tendance selon laquelle les pays en voie de développement cherchent à obtenir un allègement de leurs dettes. Cela force la main de la Chine, selon Martyn Davies, directeur général des marchés émergents et de l’Afrique à l’institution financière Deloitte.
« La Chine souhaitera récupérer cet argent de façon bilatérale, mais elle est un créancier très timide. [Elle] cherchera donc à adopter un comportement attentiste » plutôt que de permettre de manquer aux remboursements, déclare-t-il au magazineEuromoney.
La société de recherche new-yorkaise Rhodium Group déclare que la Chine a accepté de nouvelles conditions concernant des dettes de 50 milliards de dollars liées à la BRI pour 24 pays du monde. Mais une annulation totale n’est pas anticipée, en partie à cause de l’énorme volume d’endettement qui devrait être renégocié.
Ndii prédit que le Kenya va souffrir beaucoup et que son trajet vers la solvabilité sera long. Mais le pays n’est pas seul.
« La façon dont la Chine gère sa dette est tout à fait secrète, déclare M. Ndii. La question de la Chine reste donc mystérieuse. »
« Mais la Chine a ses propres problèmes, parce qu’elle a dépassé ses capacités avec tous ces emprunts BRI, cette énorme incursion dans des emprunts qui sont devenus irrécouvrables. »