PERSONNEL D’ADF
Au cours de deux journées de la mi-juillet, les responsables des douanes de l’aéroport international O. R. Tambo près de Johannesbourg (Afrique du Sud) ont saisi deux grosses cargaisons de cornes de rhinocéros. L’une était dissimulée sous forme d’œuvre d’art et l’autre sous forme d’équipement d’échafaudage.
Ces cargaisons illicites, à destination de la Malaisie, avaient une valeur estimée à 115,7 millions de rands sud-africains, soit plus de 6,8 millions de dollars.
La population de rhinocéros africains fait face à une menace grave. Il s’agit de la médecine traditionnelle chinoise (MTC), industrie gigantesque qui vante agressivement les bienfaits des cornes de rhinocéros comme traitement contre le Covid-19, la maladie causée par le coronavirus originaire de la Chine.
Au début du vingtième siècle, l’Afrique et l’Asie hébergeaient environ 500.000 rhinocéros. Aujourd’hui, seulement 29.000 restent dans la nature, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF).
En Afrique, le rhinocéros noir est classé comme étant « en danger de disparition » avec environ 5.000 dans le Sud du continent. Le rhinocéros blanc est considéré comme espèce « quasi menacée », avec une population aussi basse que 17.000. Les sous-espèces du rhinocéros noir d’Afrique de l’Ouest et du rhinocéros blanc du Nord ont maintenant disparu dans la nature.
Le plus grand danger affronté par les rhinocéros est le braconnage. Interpol estime que la valeur du commerce illégal de la faune sauvage s’élève entre 10 et 20 milliards de dollars par an.
Les consommateurs chinois « sont une source principale de demande pour de nombreuses espèces, qui sont gravement menacées par l’abattage et le trafic illégaux », écrit Aron White, spécialiste de la Chine pour l’Environmental Investigation Agency (EIA), dans un rapport pour le groupe de réflexion britannique sur la sécurité Royal United Services Institute (Institut royal des services unis). « Dans bien des cas, un facteur incontournable de cette demande se trouve dans les politiques officielles qui justifient l’exploitation commerciale des animaux sauvages menacés. »
« Le soutien fourni à la commercialisation de la faune sauvage menacée est omniprésent au sein des institutions gouvernementales clés qui sont censées se charger de la protection des animaux sauvages. »
Les cornes de rhinocéros consistent principalement de kératine, une protéine que l’on trouve dans les ongles et les cheveux humains. Depuis des siècles, elles sont un ingrédient principal de la MTC, malgré les nombreuses études scientifiques qui démontrent qu’elles n’ont aucune valeur médicale.
« Les cornes de rhinocéros n’ont aucune utilité pour qui que ce soit, sauf pour leur propriétaire initial », écrit le Dr Arne Schiotz dans une étude pour WWF. « Vous obtenez les mêmes effets si vous mastiquez vos ongles. »
Pourtant, la Commission nationale chinoise sur la santé a recommandé en janvier dernier les traitements approuvés contre le Covid-19 qui incluent l’Angong Niuhuang Wan comme moyen de faire tomber la fièvre.
Ce produit est fourni sous forme de petites boules médicamenteuses contenant des herbes, des minéraux et, traditionnellement, de la poudre de corne de rhinocéros. Les cornes de rhinocéros sont une substance interdite à la vente, aussi les lois chinoises exigent que ces comprimés contiennent de la corne de buffle.
Mais les vendeurs chinois ont récemment fait la publicité du produit sur la plateforme de réseau social WeChat avec la corne de rhinocéros comme ingrédient, selon l’EIA.
« Les consommateurs préfèrent constamment le produit à base d’animaux sauvages, qui est souvent considéré plus efficace ou comme étant le vrai produit », déclare M. White à National Geographic, en ajoutant que « cela ne fait que promouvoir la demande qui cause le braconnage. »
Depuis la découverte du Covid-19 à Wuhan (Chine), plus de 20 millions de cas positifs ont été signalés dans le monde, et plus de 750.000 personnes ont trouvé la mort en date de la mi-août, selon l’outil de suivi de la Johns Hopkins University.
La Chine a interdit la consommation et le commerce des animaux sauvages en février pour enrayer la propagation du virus. Mais il existe un grand nombre de vides juridiques, notamment pour la MTC et la recherche biomédicale.
« Imposer des restrictions sur la nourriture provenant des animaux sauvages tout en promouvant des médicaments contenant des substances d’animaux sauvages est un exemple des messages contradictoires émis par les autorités chinoises sur le commerce de la faune sauvage », écrit M. White sur le site Web de l’EIA.
« Mise à part l’ironie consistant à promouvoir un produit à base de faune sauvage pour traiter une maladie qui, selon les conclusions universelles de la communauté scientifique, provient de la faune sauvage, la promotion continuelle de l’utilisation des animaux sauvages menacés pour la médecine fait preuve d’une énorme irresponsabilité à une époque de perte sans précédent de biodiversité, y compris le commerce illégal et insoutenable. »