Les anciens terroristes qui sont emprisonnés ont une meilleure chance de se réintégrer dans la société si leurs efforts de réhabilitation sont jugés sincères, selon une nouvelle étude conduite auprès des Nigérians. L’étude montre aussi que le gravité du crime et les circonstances de leur recrutement initial sont des facteurs importants.
Amélie Godefroidt, chercheuse principale à la KU Leuven (Belgique), a décrit les résultats initiaux de l’étude conduite auprès de 2.000 jeunes Nigérians dans un article d’octobre 2025 pour The Conversation. Les enquêteurs ont effectué la recherche au Nigeria, où le groupe terroriste Boko Haram lance des attaques depuis plus de vingt ans. Alors que le groupe a été affaibli et des milliers de combattants se sont rendus, le gouvernement du Nigeria a utilisé des programmes de réhabilitation pour les réintégrer dans la société civile. Le Dr Godefroidt signale que les initiatives « ont enregistré un succès limité jusqu’à présent, car de nombreux citoyens restent préoccupés et hésitants au sujet de leur retour. »
Son rapport note que la réintégration des ex-combattants après une condamnation appropriée est une nécessité « parce que les alternatives telles que la détention perpétuelle, la peine de mort ou l’abandon ne sont pas soutenables et risquent d’alimenter des cycles futurs de violence ». Les résultats de l’étude énumèrent trois modes de perception publique de la réhabilitation des ex-terroristes :
Il est important de savoir pourquoi ils s’étaient enrôlés. Les gens sont plus ouverts à la réintégration des combattants qui ont été recrutés de force ou lorsqu’ils étaient enfants, plutôt que ceux qui avaient voulu s’enrôler, en particulier pour des raisons idéologiques. « Les jeunes combattants avaient peu d’orientation ou de connaissances des problèmes qu’ils rencontreraient », a dit l’une des personnes sondées.
Ce qu’ils font après avoir quitté les groupes terroristes est encore plus important. Les anciens combattants qui sont partis volontairement et ont participé aux efforts de réconciliation, notamment en œuvrant avec les autorités dans la lutte contre les terroristes, reçoivent un soutien robuste du public.
Certains crimes sont plus difficiles à pardonner. Un participant a dit : « La seule précondition, c’est qu’ils n’aient jamais tué personne. Aucun assassin ne mérite d’être libre, encore moins de recevoir une amnistie. »
Dans le Nord-Est du Nigeria, certaines communes disent qu’un nombre croissant d’ex-terroristes de Boko Haram et de la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique (PAOEI) rentrent chez eux sans avoir suivi de programme de réhabilitation officiel. Le Pulitzer Center indique que les terroristes nigérians qui se rendent participent en général à l’opération Safe Corridor, processus officiel de réhabilitation nationale pour les terroristes qui se soumettent. On signale qu’environ 50.000 personnes se sont rendues aux autorités par le biais de ce programme.
Ahmad Salkida, fondateur de l’agence nigériane de presse HumAngle, déclare que les raisons pour lesquelles les combattants quittent les groupes terroristes varient considérablement, et sont définies par les circonstances personnelles, les stratégies de survie et la dynamique organisationnelle.
« Pour un grand nombre d’entre eux, c’est la faim et la famine, car les gouvernements de la région du lac Tchad continuent à exercer une pression et établir des blocus dans la région, dit-il. Pour d’autres, les affrontements constants de leadership et les différences entre les combattants de Boko Haram et ceux de la PAOEI font de leur présence au combat dans la forêt un exercice futile. »
L’État nigérian de Borno est devenu un chef de file dans la réintégration des anciens terroristes, grâce à un programme appelé le modèle de Borno. Il commence avec l’emploi du dialogue pour persuader les combattants de rendre leurs armes dans des centres d’amnistie désignés et de s’engager à mener une existence pacifique. Les anciens combattants suivent des consultations psychologiques et religieuses, une formation professionnelle et des programmes de réorientation. Certains sont réintégrés dans les communautés civiles alors que d’autres sont transférés aux autorités fédérales.
« Ce cadre offre une voie structurée pour que les anciens combattants et leurs associés ayant mené une vie de violence et d’extrémisme transitionnent à une vie de productivité et d’acceptation sociale », selon le Pulitzer Center. Dans son budget de 2025, le gouvernement de Borno a alloué 7,46 milliards de nairas, soit plus de 5 millions de dollars, à la réintégration des anciens terroristes, selon la fondation nigériane pour le journalisme investigateur.
Un nombre croissant de Nigérians craignent que les anciens membres de Boko Haram ne contournent les programmes de réhabilitation officiels pour se réintégrer directement dans les communautés locales, selon HumAngle. L’agence de presse note que certains résidents déclarent qu’ils ont observé le récidivisme, la résistance aux autorités et « des explosions émotionnelles soudaines » chez les terroristes réformés.
« Nous les voyons chaque jour ; ils nous rejoignent au marché et essaient de s’intégrer, déclare un villageois. Certains d’entre nous ont peur. Nous ne savons pas s’ils se repentent réellement. Nous avons besoin de transparence. Qui sont ces gens et pourquoi n’ont-ils pas suivi le programme comme les autres ? Le gouvernement doit étudier ce point pour notre tranquillité d’esprit. »
Ardo Musa, éleveur qui a perdu des animaux lors d’une attaque de Boko Haram dans la localité de Konduga à Borno, déclare que les programmes de réformation ne font pas un bon travail de communication. « Les autorités doivent nous engager, écouter nos inquiétudes et nous faire participer au processus », dit-il.
L’étude nigériane déclare que les programmes de réhabilitation peuvent réussir uniquement lorsque des conditions claires sont établies, la réintégration est liée à un comportement de réconciliation et les citoyens restent informés du progrès des ex-terroristes. La réconciliation doit être « rendue visible ».
« La leçon à tirer est simple mais souvent ignorée : préparer la société au retour des ex-combattants est aussi important que de préparer les combattants eux-mêmes, écrit le Dr Godefroidt. Sans l’acceptation de la communauté, la réintégration risque d’approfondir les divisions au lieu de les cicatriser. »
