Au moins quatre vaisseaux appartenant à la flotte de pêche chinoise en eaux distantes Liao Dong Yu pêchent illégalement dans les eaux somaliennes depuis 2019, en ciblant le thon albacore de façon intensive.
Aujourd’hui, les stocks de l’une des espèces de poissons les plus commercialement prisées du monde sont au bord de l’effondrement, ce qui pourrait dévaster l’économie somalienne, affecter la sécurité alimentaire et menacer les moyens de subsistance de quelque 90.000 pêcheurs artisanaux. La Chine est le pire contrevenant mondial de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), selon l’indice des risques de pêche INN.
Comme dans d’autres régions du littoral africain, la pêche INN pratiquée par les chalutiers étrangers industriels et semi-industriels force les pêcheurs artisanaux somaliens à partir plus loin en mer pour attraper le poisson. Ceci coûte plus cher et c’est plus dangereux, mais les pêcheurs locaux rentrent souvent avec peu de poissons, ou pas du tout.
Un pêcheur du Pount appelé Abdi a déclaré dans un rapport publié par l’organisme sans but lucratif Global Voices : « Nous ramenions auparavant du poisson tous les matins. Aujourd’hui, nous n’avons rien à ramener. »
La Chine n’est pas le seul pays pratiquant la pêche illégale dans les eaux somaliennes. De nombreux vaisseaux étrangers se font concurrence pour pêcher les poissons somaliens, ce qui conduit à la surexploitation, la chute des stocks de poissons et la destruction des écosystèmes marins à cause de la pratique du chalut de fond, lorsque d’énormes filets sont traînés sur le sol océanique et ramassent sans discrimination toute la faune marine.
Le 14 mai, les forces de sécurité du Pount ont arrêté 27 pêcheurs du Yémen après l’interception de leur vaisseau par la Garde côtière locale. Les responsables déclarent que l’équipage utilisait une méthode de pêche interdite appelée « hawi », qui utilise des filets illégaux, et qu’il n’avait pas de représentant enregistré au Pount, selon Somali Magazine. Le ministère des Pêches et des Ressources marines du Pount, région somalienne semi-autonome, déclare que le hawi est interdit parce qu’il nuit à la faune et à l’environnement aquatique.
La participation de la Chine semble s’être accélérée lorsque le ministre somalien des Pêches Abdillahi Bidhan a conclu en décembre 2018 un accord d’un million de dollars permettant aux sociétés chinoises de pêcher à une distance de moins de 24 milles marins du littoral du pays. L’accord ne permet pas aux chalutiers chinois de pêcher aux explosifs, d’employer des filets inappropriés, d’attraper des espèces interdites ou de transborder illégalement le poisson en mer, pratiques courantes des chalutiers chinois dans le monde entier.
Le ministère somalien des Pêches et de l’Économie des océans a déclaré à l’Institut d’études de sécurité que l’accord serait renouvelé en fonction des évaluations annuelles indépendantes des stocks de poissons. L’accord est toujours en vigueur et les résidents locaux déclarent qu’ils ont vu des chalutiers chinois qui ne respectent pas les lois locales.
« Les chalutiers viennent ici et prennent tout ce qu’ils peuvent dans notre océan. Les poissons, les homards, rien n’est épargné », déclare à Al Jazeera un pêcheur local empruntant le pseudonyme de Liban, en disant que les navires sont visibles depuis le littoral d’Eyl.
M. Liban fait partie de la bande de pêcheurs somaliens, armés et mécontents, qui ont saisi en novembre 2024 un chalutier de pêche chinois appartenant à la flotte Liao Dong Yu, qui pêchait en vertu de licences de pêche octroyées par les autorités du Pount. Les pirates ont libéré le vaisseau et son équipage de 18 vers la mi-janvier 2025 contre une rançon déclarée de 2 millions de dollars.
Pour réprimer la pêche illégale, le ministère somalien des Pêches et de l’Économie des océans a actualisé ses règles de licence de navire pour améliorer la transparence et identifier les activités illégales. Mogadiscio a conclu avec la Turquie un accord de défense qui inclut des patrouilles conduites par la Marine turque et le Pount continue à renforcer sa force de police maritime, selon la société danoise Risk Intelligence qui offre des services consultatifs indépendants de sécurité axés sur le renseignement.
Le panorama politique fractionné de la Somalie entrave ses capacités de répression de la pêche INN. Bien qu’un accord de 2018 ait donné au gouvernement central des droits exclusifs de vente des permis de pêche, un rapport publié en 2021 par la Global Initiative Against Transnational Organized Crime révèle que le Pount continue à vendre ses propres permis. Cette fragmentation rend difficile la collaboration et la coopération visant à combattre ce fléau.
Le Bureau des Nations unies sur les drogues et le crime (ONUDC) a aidé la Somalie à réprimer la pêche INN par une formation de visite, fouille, abordage et saisie (VBSS) et de gestion du partage des informations dans le but d’éduquer les autorités somaliennes. Le gouvernement du Danemark, l’ONUDC et le Bureau américain des affaires internationales des narcotiques et de la mise en application des lois ont aussi donné des bateaux patrouilleurs à l’unité de police maritime du port de Bossasso au Nord-Est du Pount.
« Sans le soutien vital et les conseils de l’ONUDC et des donateurs, nous n’aurions pas été capables de lancer nos opérations de mise en application des lois maritimes pour combattre les crimes en mer, en particulier dans le golfe d’Aden, couloir essentiel du commerce international », déclare un responsable VBSS somalien de haut rang appelé Salad sur le site web de l’ONUDC.