L’Est de la République démocratique du Congo est l’une des pires zones de conflit sur la planète, avec plus de 100 groupes armés qui y sont actifs. L’offensive des rebelles du M23 lancée à la fin janvier a intensifié encore plus la violence et le chaos.
À mesure que le M23 accroissait rapidement ses territoires au Nord et au de Goma, un chef-lieu régional, il a attiré une plus grande attention de la part de l’armée congolaise (les FARDC) et ses milices alliées. Ceci aurait pu offrir au groupe régional affilié à l’État islamique une meilleure opportunité pour lancer ses attaques.
« Même si l’on utilise des estimations prudentes du nombre de morts, le premier trimestre 2025 a été le plus meurtrier depuis 2002, lorsque le pays était plongé dans la deuxième guerre du Congo », écrit l’analyste Ladd Serwat dans un rapport du 18 juin pour le projet ACLED (Armed Conflict and Location Event Data).
« Bien que le M23 et les Forces démocratiques alliées aient été tous les deux actifs depuis longtemps dans la province du Nord-Kivu, la violence déployée par chaque groupe s’était précédemment concentrée dans des zones géographiquement distinctes, écrit-il. Lorsque ces zones ont convergé, le résultat a démontré les risques d’intensification de l’insécurité à cause du chevauchement de la violence. »
Initialement créées comme groupe rebelle ougandais en 1994, les Forces démocratiques alliées sont dirigées par Musa Baluku, qui a fait adopter par le groupe son point de vue extrémiste. En 2019, il a rejoint l’État islamique et rebaptisé son groupe État islamique en Afrique centrale (ISCAP).
Dans un rapport publié en janvier, un groupe d’experts des Nations unies a déclaré l’existence de rumeurs persistantes en 2024 concernant des contacts entre le M23 et l’ISCAP, qui se seraient intensifiés lorsque le M23 pénétra dans la zone d’opération de l’ISCAP à Lubero en février 2025.
« De multiples sources confirment que le M23 avait cherché à conclure un accord de non-agression avec les Forces démocratiques alliées, en sollicitant la sécurité de son passage (y compris pour les recrues de l’Ituri à destination du territoire du M23), et avait exhorté les Forces démocratiques alliées à limiter leurs attaques aux soldats des FARDC, selon le rapport. On signale que M. Baluku a refusé, en disant qu’il ne faisait pas confiance au M23 et réaffirmant ses engagements visant à continuer à prendre pour cible les civils “infidèles”. »
Les opérations simultanées du M23 et de l’ISCAP dans le Nord-Kivu au cours des trois premiers mois de 2025 ont forcé le déplacement de plusieurs milliers et conduit à plus de 1.600 morts, selon ACLED.
« Bien que le M23 et [l’ISCAP] ne se soient pas encore affrontés, leurs opérations concomitantes dans des zones géographiquement voisines ont taxé les capacités des FARDC pour lutter contre les deux groupes simultanément, écrit le Dr Serwat. Alors que les FARDC essayaient de contenir l’avancée du M23 au premier trimestre 2025, leur attention a été détournée, ce qui a permis au groupe islamiste d’intensifier son ciblage des civils. »
En réponse à l’avancée du M23 en février, la Force de défense du peuple ougandais a aussi déployé 1.000 soldats de plus dans le cadre de l’opération Shujaa. On signale que le nombre total de soldats participant à cette opération a maintenant atteint 5.000. Depuis le début de l’opération en 2021, l’Ouganda a collaboré avec l’armée congolaise pour lutter contre l’ISCAP dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, à l’Est de la RDC.
En mars, le service de renseignement de l’armée ougandaise a affirmé que l’ISCAP avait noué de nouveaux liens avec une coalition de Lendu militants appelée Coopérative pour le développement du Congo.
Après le massacre de 24 civils dans des attaques de l’ISCAP au mois de mai, Tiu Upangi Musa, chef coutumier du village de Kasenye à Lubero, a déclaré sur le site web d’actualité Congo Quotidien que l’ISCAP « n’est plus tout seul. D’autres groupes armés employant des méthodes similaires sont actifs dans l’ombre ».
En mars, le service Dragonfly de renseignement et d’analyse en matière de sécurité a averti que l’ISCAP avait l’intention d’exploiter le focus de la RDC sur les rebelles du M23.
Le rapport déclare : « Étant donné la hausse de fréquence de ses attaques, il semble déjà agir avec une plus grande liberté depuis que l’armée a réaffecté certaines de ses ressources loin de la zone. »
Le Dr Serwat en convient et avertit que l’ISCAP pourrait intensifier ses attaques meurtrières au deuxième semestre 2025.
« Malgré une accalmie relative de la rébellion du M23, l’effondrement de l’autorité qui en résulte a offert des opportunités abondantes à [l’ISCAP] pour qu’il enracine sa présence dans l’Est de la RDC, en exposant la population civile locale aux effets d’une violence massive », écrit-il.