Le Cameroun et le Nigeria s’efforcent de mieux sécuriser leur frontière commune à la suite des attaques meurtrières perpétrées par Boko Haram et sa branche.
Le 25 mars, Boko Haram a tué douze soldats camerounais et blessé dix dans une attaque qui s’est produite entre minuit et 3 heures du matin contre une base militaire de la localité frontalière de Wulgo dans l’État de Borno au Nord-Est du Nigeria. Selon un reportage de Reuters, la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique (PAOEI), une faction de Boko Haram, était aussi impliquée dans l’assaut.
Le ministère camerounais de la Défense déclare que les groupes terroristes ont utilisé « un armement avancé dont ils disposent de plus en plus ». Les armes incluaient des drones chargés d’explosifs. Les explosions ont déclenché un incendie qui a endommagé un véhicule militaire et des maisons de la localité.
C’était la première fois que des drones équipés d’explosifs prenaient pour cible des soldats camerounais alors que le pays combat Boko Haram et d’autres groupes de l’État islamique. « L’attaque à Wulgo est un signe de la résurgence du pouvoir de ces combattants », écrit le journaliste Franck Foute pour Jeune Afrique.
En réponse, les soldats des deux pays ont lancé des opérations de contre-offensive avec la Force multinationale mixte.
Le 25 mars aussi, les combattants de Boko Haram et de la PAOEI ont frappé une base de l’armée dans la zone de Wajiroko, État de Borno. À Wajiroko, un soldat a déclaré à Reuters que quatre soldats au moins avaient perdu la vie et plusieurs étaient blessés, y compris le commandant de la brigade. Les attaquants ont aussi incendié des véhicules militaires de patrouille.
Le pour et le contre de la réouverture des frontières
Les attaques à la frontière entre le Cameroun et le Nigeria se sont intensifiées à mesure que les postes frontières qui avaient été clôturés à cause des attaques de Boko Haram ont réouverts. Le 27 janvier, les gouverneurs de la région camerounaise de l’Extrême-Nord et de l’État nigérian de Borno ont inauguré un marché de bétail dans la ville frontière de Banki, jadis une plateforme majeure du commerce transfrontalier à environ 3 km du Cameroun. Les biens de cette zone traversent en général les localités camerounaises d’Amchidé, de Fotokol et de Limani à destination de la République centrafricaine. La réouverture des frontières a permis à ces trois localités de restaurer le commerce, créer des emplois et accroître les revenus fiscaux que les autorités locales peuvent utiliser pour des initiatives de développement, selon l’Institut pour les études de sécurité.
« Alors que la réouverture des frontières a ravivé l’économie régionale, elle a aussi bénéficié aux insurgés, en leur permettant de se regrouper et prendre pour cible les commerçants et les communautés locales », écrit le chercheur Célestin Delanga de l’institut.
Les attaques contre les commerçants et les transports routiers, ainsi que les descentes nocturnes sur les localités du Cameroun et du Nigeria, se produisent fréquemment aujourd’hui. Les attaquants dérobent en général le contenu des camions, qu’ils incendient ensuite. Ils enlèvent fréquemment ou assassinent les conducteurs.
Selon l’institut, il y a eu au moins 29 attaques contre des véhicules transporteurs depuis Amchidé ou Banki entre septembre et novembre 2024. Les attaques terroristes à Amchidé, Banki, Fotokol et Limani sont principalement perpétrées par des factions de Boko Haram : la PAOEI active dans les environs de Fotokol et le Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’Awati Wal-Jihad ou JAS actif dans les monts Mandara.
Les menaces terroristes dans le Sud du Cameroun
La menace terroriste au Cameroun n’est pas limitée aux zones du Nord à la frontière du Nigeria. Pendant la première semaine de janvier, l’armée camerounaise a dit qu’elle avait perdu cinq soldats sur une période de deux jours dans des attaques terroristes à la frontière Sud avec l’État nigérian de Taraba. Des villageois dans le district d’Akwaya ont déclaré que plusieurs centaines d’hommes étaient entrés au Cameroun sur la rivière Moon.
Aka Martin Tyoga, législateur et député d’Akwaya à l’Assemblée nationale du Cameroun, a accusé les groupes militants nigérians qui veulent saisir cette région du pays.
Il déclare à Voice of America : « Nous avons demandé aux gens de partir de la zone frontalière vers le centre, où les forces armées sont arrivées depuis lors. Nous supplions le gouvernement d’envoyer plus de forces [militaires] parce que ces gens [les hommes armés] viennent en nombre. Ils étaient 300. Leur façon de faire est comparable à Boko Haram. Ils entrent dans la commune et commencent simplement à tuer les gens, à incendier les maisons. »
M. Delanga demande au Cameroun et au Nigeria de renforcer la sécurité sur la frontière et de stimuler la recherche des renseignements pour détecter et perturber les cellules terroristes.
« Une stratégie proactive empêcherait la propagation des cellules de Boko Haram sur les frontières et les routes commerciales principales, comme ce fut le cas avec les efforts militaires antérieurs », écrit-il.
En 2015 et 2016, les opérations de l’Armée camerounaise, soutenues par les soldats camerounais et nigérians de la force multinationale, ont démantelé les repaires de Boko Haram et leurs bases d’entraînement dans l’État de Borno.
M. Delanga dit que les opérations en cours devraient inclure un soutien de l’Armée de l’air et de l’opération Hadin Kai, conduite par l’Armée nigériane, pour détruire les cellules de Boko Haram qui ciblent les commerçants transfrontaliers, leurs véhicules et leurs communautés locales. Il fait aussi appel à un système d’escorte militaire pour protéger les échanges commerciaux.