La piste d’envol de l’aéroport international de Goma en République démocratique du Congo est toujours jonchée de véhicules militaires abandonnés et autre matériel. Comme l’aéroport proprement dit, la tour de contrôle demeure inutilisable quelques mois après la conquête de la ville par les rebelles du M23 soutenus par l’armée rwandaise, qui avaient employé une force écrasante en janvier dernier.
Aujourd’hui, l’aéroport malmené est plutôt le symbole de l’échec de la mission de la Communauté de développement d’Afrique australe (CDAA) dans la région Est de la RDC en proie aux conflits. C’est aussi la raison précise pour laquelle 4.000 soldats de la CDAA sont coincés dans le territoire contrôlé par le M23.
Le 13 mars, les chefs de la CDAA ont mis fin à la mission, appelée SAMIDRC, et annoncé un retrait étagé. Le 28 mars, la CDAA a conclu un accord avec le M23 qui permettrait à la CDAA de retirer tous ses soldats, armes et équipement après avoir aidé à restaurer l’aéroport.
« Je crois qu’il est étonnant que la SANDF (Force de défense nationale sud-africaine), après avoir été martelée et ciblée par le M23 et le Rwanda et avoir subi une grande quantité de victimes, après avoir été essentiellement humiliée par le M23 et le Rwanda, après avoir été menacée depuis son déploiement, se plie maintenant en quatre et accepte de payer pour reconstruire l’aéroport », déclare Stéphanie Wolters, de l’Institut sud-africain des affaires internationales basé à Johannesbourg, au quotidien sud-africain Daily Maverick.
« Selon moi, la seule explication possible, c’est que le M23 refuse de le faire et donc la CDAA (et l’Afrique du Sud) n’ont pas le choix si elles souhaitent que leurs soldats reviennent. Cela démontre le fiasco complet qui s’est produit. »
Mme Wolters est l’un des nombreux experts africains en matière de sécurité qui pensent que l’effondrement de la mission révèle des problèmes plus graves concernant la capacité militaire limitée de la CDAA, la dynamique politique régionale et le manque de ressources et d’engagement de la part de l’armée congolaise (FARDC).
Elle écrit dans un éditorial pour le Daily Maverick le 18 mars : « Alors même que le M23 avançait vers le quartier général de SAMIDRC et vers Goma, de nombreux soldats des FARDC se sont tout simplement enfuis. La CDAA et l’Afrique du Sud, qui sont sur ce terrain depuis treize ans, devraient avoir pris connaissance des défis importants liés au travail conjoint avec l’armée congolaise. Les analystes sud-africains de la défense avaient déjà commencé à avertir que la SANDF ne pourrait pas soutenir un tel déploiement et que le manque d’entraînement, de préparation et de matériel faisait courir des risques aux soldats sud-africains. »
Paul-Simon Handy de l’Institut d’études de sécurité de Pretoria déclare que la mission de la CDAA n’était pas axée autour d’un processus politique et souffrait d’une « ambiguïté stratégique ».
Le Dr Handy écrit dans un article du 20 mars pour l’Institut : « Malgré sa description de mission de maintien de la paix par les responsables sud-africains et le secrétariat de la CDAA, SAMIDRC ne satisfaisait pas à la définition standard du maintien de la paix. Son mandat était focalisé sur la contre-insurrection et visait à “l’assistance au gouvernement de la RDC pour restaurer la paix et la sécurité dans la région Est”. Ceci équivaut à une mission de combat au lieu d’une opération de maintien de la paix. »
« En recommandant le déploiement de SAMIDRC, il semblerait que l’Afrique du Sud était principalement motivée par des facteurs économiques et par le souhait de préserver son prestige régional, malgré l’insuffisance des capacités militaires requises. »
Étant donné l’échec du bloc en RDC et le retrait prématuré d’une force de contre-insurrection régionale similaire au Mozambique, le Dr Handy met en question la viabilité du Pacte de défense mutuelle de la CDAA, qui exige que l’organisation prenne la défense d’un état membre s’il est attaqué.
« Quelle que soit l’importance de la RDC, elle ne constitue pas un intérêt fondamental pour l’Afrique du Sud. En revanche, l’Ouganda et le Rwanda considèrent vital l’Est de la RDC du fait de leur proximité géographique, leurs préoccupations en matière de sécurité et leurs intérêts économiques. »
Darren Olivier, directeur du site web African Defence Review, déclare qu’en fin de compte SAMIDRC était une force mal financée, mal équipée et mal positionnée qui était déployée par la CDAA sans avoir de plan B.
Il a déclaré au site d’actualité de sécurité sud-africain defenceWeb : « Une fois que ce sera terminé, de sérieuses questions devront toujours être posées sur le processus de prise de décision. Des réformes sont nécessaires. »