PERSONNEL D’ADF
Les membres du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), une organisation fragmentée, continuent à se chamailler sur un grand nombre de sujets au milieu de crises de sécurité tourbillonnantes au Nord de l’Éthiopie.
Deux ans après la signature d’un accord de paix pour mettre fin à la guerre civile, les groupes armés continuent à être actifs dans le Tigré, tandis que les réseaux de traite humaine et d’extraction aurifère illégale déstabilisent encore plus la région.
Debretsion Gebremichael, chef de faction, a annoncé à la fin décembre 2024 que son groupe lancerait une « lutte pacifique », à l’occasion d’une réunion avec des responsables de haut rang à Mekele, mais il n’a pas donné de détail sur ce que cela signifiait.
L’annonce a été faite alors qu’un groupe FLPT dirigé par Getachew Reda avait allégué que la faction de M. Debretsion recrutait et armait de jeunes combattants, peut-être pour se préparer à une autre guerre. M. Getachew est aussi le président de l’administration intérimaire du Tigré.
La semaine précédente, M. Debretsion avait accusé le groupe de M. Getachew d’avoir trahi les intérêts du peuple et avait déclaré qu’ils « s’étaient séparés du FLPT », selon un reportage de BBC Amharic.
Le groupe de M. Debretsion a déclaré : « Le groupe coupable de trahison nationale a diffamé la réputation du FLPT en trahissant les intérêts nationaux du Tigré et présentant des demandes au gouvernement éthiopien. » M. Debretsion a aussi impliqué que le groupe de M. Getachew était la cause du désarmement des forces de sécurité du Tigré.
En novembre 2022, le gouvernement éthiopien et le FLPT ont conclu l’Accord de Pretoria pour mettre fin à la guerre du Tigré, qui avait duré deux ans. Le maréchal Berhanu Jula, chef d’état-major éthiopien de la Défense, a reconnu en septembre 2024 que les combattants du FLPT n’avaient pas déposé leurs armes conformément au processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR). Il a lié le blocage du processus DDR à des problèmes de financement que le gouvernement, selon lui, s’efforçait de corriger.
Le maréchal Berhanu a déclaré à Lualawi Media qu’il n’existait pas d’échéancier pour le désarmement complet des combattants du FLPT, dont le nombre est estimé entre 75.000 et 100.000.
M. Debretsion s’est aussi opposé à une proposition visant à fusionner l’armée du Tigré avec l’armée éthiopienne, et à la demande selon laquelle l’armée soit sous le contrôle de l’administration intérimaire du Tigré jusqu’à la complétion du processus DDR », selon le reportage de BBC Amharic.
Cela a provoqué le mécontentement du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed lorsque les deux factions se sont réunies avec des responsables gouvernementaux au début décembre lors d’une tentative de médiation.
Le Premier ministre a déclaré dans le reportage de BBC Amharic : « Vous causez de la confusion chez les gens lorsque vous dites que “l’armée du Tigré” est de notre côté, aussi l’administration intérimaire ne peut pas effectuer son travail. ».
Les deux parties ont échangé des accusations pendant toute la réunion qui a duré un jour. M. Debretsion a demandé que M. Getachew soit démis de ses fonctions de président de l’administration intérimaire du Tigré, demande que le Premier ministre a rejetée.
Les deux factions souhaitent le soutien des forces de sécurité du Tigré, lesquelles sont restées généralement neutres.
Les chercheurs de l’Institut d’études de sécurité écrivent : « En ce moment, toute action de soutien de l’une ou l’autre faction par les forces de sécurité du Tigré replongerait la région dans la violence. Les deux côtés ont un soutien populaire et les jeunes demandent des changements réels du panorama politique. La plupart des membres des forces de sécurité du Tigré sont jeunes ; donc tout faux pas de la part de leurs chefs pourrait les conduire à la violence, qui serait difficile à contrôler. »
Eferem Kidanu, coordinateur de projet de l’Association des jeunes du Tigré (TYA), déclare que la lutte actuelle entre les factions du FLPT et le gouvernement fédéral a permis aux réseaux criminels d’être actifs sans impunité.
Il dit au journal éthiopien The Reporter : « En plus des dommages dus au conflit, les difficultés économiques affrontées par la société, les taux élevés de chômage et l’instabilité politique actuelle sont certains des facteurs principaux de la hausse de la traite humaine et de la migration illégale au Tigré. Le factionnalisme des partis du Tigré a aussi conduit à l’augmentation de l’insécurité et de l’incertitude, en incitant de nombreux jeunes à chercher des opportunités ailleurs. »
L’extraction aurifère illégale augmente aussi au milieu des tensions politiques. Des dizaines de Tigréens ont été tués lors d’affrontements concernant l’or entre avril et juillet 2024 selon The Reporter. Des groupes armés et des ressortissants étrangers, surtout chinois, participent à ces conflits.
En plus de la crise du Tigré, les Forces de défense nationale éthiopiennes font face à des défis sécuritaires dans l’Amhara, région en bordure du Tigré, et l’Oromia, région en bordure de l’Amhara.
Depuis 2018, des centaines de milliers de civils ont été tués, surtout dans ces régions, et 4,5 millions ont été déplacés, selon le Centre mondial pour la responsabilité de protéger. À cause des conflits et des facteurs climatiques, 21,4 millions de personnes nécessitent une assistance.