La junte de Guinée réprime ses critiques et l’opposition, ce qui suscite des tensions
PERSONNEL D’ADF
Trois membres du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) de Guinée organisaient une manifestation contre la junte militaire du pays lorsque des soldats habillés en civil sont arrivés dans des véhicules blindés et les ont arrêtés le 9 juillet.
Les jeunes hommes, Mamadou Billo Bah, Mohammed Cissé et Oumar Sylla, ont été mis en prison sur l’île de Kassa.
« Il y avait un gendarme qui m’a donné une claque et un autre qui m’a donné un coup de pied violent », a déclaré M. Cissé sur la chaîne FNDC TV de Guinée.
Il a dit que les soldats l’avaient frappé au visage avec des barreaux métalliques et lui avaient demandé qui finançait leurs opérations. L’un des soldats lui a dit qu’il regretterait d’inciter les gens contre la junte, dirigée par le général Mamady Doumbouya, et l’a menacé d’arracher toutes ses dents.
M. Cissé a été relâché le jour suivant son arrestation mais MM. Bah et Sylla, ce dernier connu aussi sous le nom de Foniké Menguè, n’ont pas été revu depuis lors. De telles arrestation arbitraires, ou « enlèvements forcés », comme l’affirme le FNDC, des activistes politiques et l’absence d’un échéancier électoral transparent alimentent les tensions en Guinée. Peu après ces arrestations, des avocats guinéens ont commencé le mardi une grève de deux semaines pour protester contre les arrestations arbitraires.
Après avoir saisi le pouvoir en 2021, le général Doumbouya avait annoncé qu’un gouvernement civil serait élu avant la fin de cette années.
Fodé Baldé, un chef de l’opposition et membre de l’Union des forces républicaines, a déclaré dans un reportage sur africanews.com : « Étant donné ce qu’on nous avait présenté le 5 septembre 2021 et ce que nous subissons aujourd’hui, il est clair que les promesses n’ont pas été tenues, en particulier concernant le respect des droits de l’homme et l’engagement de restaurer l’ordre constitutionnel. Nous pouvons conclure que les promesses n’ont pas été honorées. »
Dans un accord avec la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest, la junte du général Doumbouya avait promis de respecter une carte de route en dix étapes, mais elle n’a pas pris de mesures vers la transition. La junte insiste que le plan de transition commencera avec un recensement de la population. Selon le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (CESA), il est improbable qu’il se produise avant août 2025.
Alix Boucher écrit pour le CESA : « Au rythme de la junte, le reste de la transition pourrait être reporté à plusieurs années. »
M. Baldé déclare qu’il existe aujourd’hui « un sentiment tangible de peur à Conakry », capitale du pays, et à Kaloum, sous-préfecture urbaine de Conakry, en présence des mesures de sécurité en hausse et de l’acquisition par l’armée de nouveaux chars d’assaut.
Il dit dans le reportage sur africanews.com : « On espère que ces actions visent à riposter aux menaces terroristes. Néanmoins, il existe des indications claires de troubles. Pendant le défilé de l’indépendance de Guinée le 2 octobre, la seule unité armée présente était les forces spéciales. »
Le gouvernement du général Doumbouya a interdit les manifestations publiques et ceux qui manifestent sont réprimés violemment. Selon Amnesty International, 47 personnes au moins ont été tuées pendant des manifestations entre juin 2022 et mars 2024. Plus de 75 % des victimes avaient moins de 25 ans et 40 % avaient moins de 18 ans. Un grand nombre de blessés dans ces manifestations étaient des enfants.
Elhadj Bailo Diallo, âgé de 16 ans, a perdu l’usage de son œil droit après avoir été frappé par une grenade lacrymogène tirée par les forces de défense et de sécurité. Thierno Madiou Diallo, âgé de 16 ans lui aussi, a été pris pour cible et l’une de ses jambes a dû être amputée. La plus jeune blessée est une fillette de 9 ans, frappée d’une balle perdue alors qu’elle était chez elle. Mamadou Sadjo Baldé, jeune manifestant, a déclaré que les forces de sécurité l’avaient forcé à entrer rapidement dans un véhicule et l’avaient battu. « Après m’avoir frappé, ils sont sortis du véhicule, ils m’ont donné deux fois des coups de pied, puis ils sont remontés dans le véhicule et sont partis », a dit M. Baldé à Amnesty International.
Les forces guinéennes sont aussi accusées de laisser derrière elle des victimes gravement blessées au lieu de leur prêter assistance. Certaines victimes ont été arrêtées et détenues sans soins médicaux, parfois pendant plusieurs jours. Les forces armées et les forces de sécurité guinéennes sont rarement condamnées pour un usage illégal de la force.
« Les autorités guinéennes doivent garantir les droits de liberté d’expression et de réunion pacifique, respecter strictement les principes du droit international sur l’usage de la force et des armes à feu pour mettre en application les lois, et assurer que tout blessé pendant une manifestation soit traité promptement par les services médicaux, sans demande de paiement à l’avance des frais médicaux », a déclaré Samira Daoud, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique occidentale et l’Afrique centrale, sur le site web de l’organisation.
L’espace médiatique de la Guinée est aussi en déclin au milieu des troubles, avec peu d’information entrant ou sortant du pays. La junte a limité l’accès à l’Internet, coupé les émissions de radio et télévision, et réprimé les chaînes médiatiques indépendantes.
En décembre 2021, la junte a établi une Cour de répression des infractions économiques. Toutefois, selon Mme Boucher, la cour a seulement investigué, poursuivi et condamné des anciens membres du gouvernement et des membres de l’opposition.
« En saisissant le pouvoir, la junte de Doumbouya … a l’air de vouloir affirmer le droit de gouverner que les forces armées guinéennes pensent détenir », écrit-elle.
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