Un exercice commun de Shared Accord 13 renforce deux infanteries
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Avant le lever du jour, un convoi de véhicules composé de Humvee américaines et de véhicules blindés sud-africains, appelés Casspirs et Mambas, dévalait une piste pleine d’ornières et de termitières, dans la brousse sud-africaine. Par une température de 6 degrés Celsius et un vent cinglant, les fantassins de la force de défense nationale sud-africaine (South African National Defence Force ou SANDF) avaient mis des gants et portaient des bonnets de laine sous leur casque en Kevlar.
La manœuvre du matin (l’une des premières dans le cadre d’un un exercice bilatéral de deux semaines appelé Shared Accord) portait le nom de « bouger pour frapper », ce qui signifiait que le convoi devait emprunter une route prédéterminée et riposter aux attaques. « Nous nous attendions à des obus, des obus et encore des obus, a déclaré l’officier spécialiste de l’armée américaine Christopher Cronin. L’essentiel est de savoir avec quelle rapidité nous pouvons descendre du véhicule, affronter l’ennemi et remonter pour poursuivre notre objectif. »
La première manœuvre a démontré qu’il y avait beaucoup à faire. Les ennuis ont commencé quand des véhicules à l’arrière du convoi ont perdu le contact radio et ont été incapables de rejoindre le convoi dans l’obscurité. Peu après, les tirs de mortier ont commencé. C’était une embuscade. Les soldats se sont jetés des regards furtifs et ont chargé leurs armes. « Descendez ! », a crié le caporal Ashraf Plaatjies du 9e bataillon d’infanterie de l’armée sud-africaine, alors qu’il ouvrait la porte arrière du véhicule.
Les hommes ont bondi hors des véhicules et se sont dispersés sur la colline en dévalant la pente, puis se sont couchés à plat ventre. Une fois en place, les tireurs d’obus ont lancé des bombes de fumée verte qui devaient simuler un tir d’obus de 60 mm. À mesure que les Sud-africains s’approchaient de la ravine où était caché l’ennemi, leurs partenaires américains avançaient sur le côté, à un angle de 90 degrés. Toutefois, à cause d’une panne du système de communication, aucun côté n’a dévié le tir. Pendant un court instant, on ne savait plus quelle était l’équipe de soutien et quelle était l’équipe d’assaut. Dans la confusion générale, l’assaut a commencé à dégénérer.
Les soldats ennemis, appelés OPFOR pour l’exercice, ont alors tiré parti du chaos. Ils ont émergé de la ravine et ont commencé à tirer. Tous les soldats portaient des détecteurs sensoriels, appelés Système d’engagement à lasers intégrés multiples (Multiple Integrated Laser Engagement System ou MILES). Ces derniers sonnent si la personne est touchée par une balle à blanc. La coalition des soldats américains et sud-africains aurait subi des pertes considérables dans une situation réelle. Un son creux électronique résonnait dans les collines, alors que les soldats posaient des garrots et simulaient d’autres soins aux blessés.
« Le commandement et la conduite des opérations étaient mauvais, l’espacement était mauvais, a déclaré Ashraf Plaatjies. Je ne sais pas comment nous avons fait, mais nous avons tué nos propres hommes. »
Après un retour cahotant et silencieux à la base, les fantassins se sont rassemblés devant leurs tentes pour écouter le compte rendu détaillé de la mission du lieutenant-colonel Robert E. Lee Magee, commandant du 1er bataillon, 18e régiment d’infanterie, basé à Fort Riley, au Kansas. Selon le colonel Magee, la communication laissait à désirer. Il fallait améliorer le contact radio ainsi que les signaux indiquant où finit une unité et où commence l’autre. Il a conseillé aux soldats de bien s’assurer de dévier les tirs lorsqu’un élément s’avance pour attaquer une position.
« Nous devons trouver un moyen de nous déplacer ensemble, a déclaré le colonel Magee. Un dialogue croisé entre vos hommes est absolument vital, pour éviter de vous entretuer. »
Après une longue énumération de suggestions pour la manœuvre suivante, le colonel Magee a terminé sur des mots d’encouragement. « Au final, vous vous en tirez bien. Il va y avoir beaucoup de frustrations, mais nous devons continuer à collaborer comme une équipe. »
Les exercices d’entraînement de l’infanterie, qui ont eu lieu de fin juillet à début août près de Grahamstown, en Afrique du Sud, ne représentaient qu’une partie de Shared Accord 13, un exercice bisannuel, qui s’est étendu dans toute la province du Cap oriental de Port Elizabeth à East London. Environ 3.000 membres des personnels américains et sud-africains ont participé à des événements qui incluaient des parachutages de nuit, un débarquement amphibie et une opération d’aide humanitaire de grande envergure.
Après le déjeuner, à la base de Grahamstown, les soldats ont élaboré une stratégie pour améliorer leur performance. Le capitaine de l’armée américaine, John P. Young, commandant de la 18e compagnie B a décidé de se joindre à une section de la SANDF pour assurer la communication avec les équipes américaines. Christopher Cronin, qui était incorporé dans la SANDF depuis plusieurs jours, a proposé de porter sur son dos l’équipement radio des sud-africains et de transmettre les messages. Il avait bricolé l’équipement et estimait qu’il pouvait surmonter certains problèmes d’interopérabilité entre les appareils de fabrication américaine et russe.
Les transmissions sur le champ de bataille doivent être permanentes. « Tout ce que nous faisons, nous devons le transmettre en haut lieu, a expliqué Ashraf Plaatjies. De cette manière ils peuvent suivre tous nos mouvements. S’ils doivent envoyer un tir de mortier ou un appui aérien, ils connaissent exactement notre position. Les transmissions sont l’essence de toute mission de combat. »
Plus tôt, Shared Accord avait révélé des différences dans les styles de combat des deux armées. L’infanterie sud-africaine avait tendance à attaquer une cible en formation de combat linéaire, avançant rapidement en une ligne régulièrement espacée, puis encerclant véritablement la cible. À l’inverse, les américains avaient plutôt tendance à combattre en escouade, avec cinq ou six hommes en action, appuyés par un tir de base, a expliqué John P. Young. Aucune des deux stratégies n’est en soi meilleure que l’autre.
« C’est une armée professionnelle, qui a livré de nombreux combats, a dit John P. Young de ses homologues de la SANDF. Il y a une raison pour laquelle ils procèdent comme ils le font. Maintenant que j’ai opéré dans leur environnement, je comprends pourquoi leur style de manœuvre fonctionne, compte tenu des conditions dans lesquelles ils interviennent. »
Les hommes de la SANDF, dont beaucoup d’entre eux ont été déployés pour des missions de maintien de la paix dans des régions sensibles comme le Soudan, le Burundi et la République démocratique du Congo, avaient quelques suggestions à offrir aux forces américaines pour les entraînements en Afrique. En ce qui concerne les uniformes, les treillis américains gris et beige ressortent au milieu des collines vertes d’Afrique du Sud. « Ils sont faciles à repérer », a ricané le capitaine Benjamin Robinson, du 9e bataillon d’infanterie sud-africain.
De plus, les collines escarpées, parsemées de grès, demandent un type de mouvement spécial auquel les soldats américains n’étaient pas habitués. « Nous leur avons donné des tas de tuyaux, surtout sur la manière de se déplacer, a poursuivi Benjamin Robinson. Ce type de terrain est épuisant. Si vous vous déplacez lentement sur ce terrain, vous allez vous fatiguer. Si vous êtes rapide et atteignez votre objectif le plus rapidement possible, ce sera plus facile. »
« Pour nous, ce terrain est plus favorable, parce que nous nous sommes entraînés ici ; c’est notre pays, nous pouvons nous battre n’importe où dans le pays », a affirmé Benjamin Robinson.
Benjamin Robinson a décrit la manière unique dont la SANDF positionne ses hommes dans des véhicules tactiques légers moyens, pour un maximum de rapidité et d’efficacité, dès qu’ils posent le pied à terre. Les soldats de la SANDF ont impressionné leurs collègues américains en organisant un « exercice d’intégration » : au cours d’un combat, un élément arrière passe devant pour relever une unité sur le front, prend ses munitions et fonce en avant à une vitesse maximum. À leur tour, pendant les semaines d’entraînement, les marines américains ont fait une démonstration de leurs tactiques anti-émeutes non létales et d’autres méthodes. Un participant a comparé les échanges animés de tactiques entre les deux forces de combat à « de l’acier aiguisant de l’acier », pour la manière dont ils ont amélioré les performances des deux armées.
« Les Sud-africains apprennent nos tactiques, nos techniques et nos procédures, et nous apprenons les leurs », a déclaré le major Paul Lawrence, de l’armée américaine. « Ensemble, nous parviendrons à trouver un meilleur moyen de procéder. »
S’étant mieux compris mutuellement sur les techniques de déplacement de chacun et sur les transmissions plus cohérentes, la deuxième manœuvre de la journée a eu plus de succès. Dans l’après-midi, après avoir gravi a une colline, le convoi s’est arrêté devant un groupe de maisons en contre-plaqué et de tentes. Des soldats de la SANDF sont descendus de leur véhicule pour examiner les lieux. Même si le camp était vide, ils ont décidé de continuer à pied pour prendre position sur une hauteur, au-dessus de deux véhicules suspects dont le moteur tournait au ralenti. L’espacement entre les soldats était visiblement plus régulier et les chefs d’escouade dirigeaient activement leurs hommes par gestes ou sifflements. La communication entre les forces américaines et sud-africaines était cohérente. Les membres de la SANDF ont signalé qu’ils allaient tenir la ligne sur la crête surplombant les véhicules pendant que leurs partenaires se préparaient à neutraliser l’OPFOR.
À la suite d’un court échange de tirs, 14 OPFOR ont été tués ou faits prisonniers. Alors que les forces américaines se préparaient à inspecter les deux véhicules, l’équipe de mortier leur a signalé, par radio, de ne pas avancer. Il leur restait encore quelques obus qu’ils ont préconisé de lancer sur les véhicules avant que leurs homologues ne s’en approchent de trop près. L’équipe a lancé deux bombes fumigènes sur l’objectif. « Ils ont décidé de neutraliser les deux véhicules, a expliqué Ashraf Plaatjies. Ces derniers avaient déjà été immobilisés, mais ils craignaient qu’ils aient été piégés. »
Leur intuition était la bonne. En effet, les deux véhicules suburbains étaient piégés avec des engins explosifs improvisés. À l’issue de l’exercice, John P. Young a rassemblé l’équipe et a distribué des « médailles commémoratives » à l’équipe de mortier de la SANDF, en reconnaissance de leur présence d’esprit. « Cela a sauvé la vie du soldat qui serait allé inspecter ce véhicule », a-t-il expliqué.
À mesure que la semaine s’écoulait, le partenariat s’est visiblement renforcé. Les soldats ont passé de longues journées ensemble. Ils ont mangé côte à côte et dormi dans des dortoirs. Des soldats américains ont sorti des cartes pour indiquer où se trouvait leur base de Fort Riley, au Kansas, aux États-Unis, et les soldats sud-africains n’ont été que trop heureux de leur apprendre quelques mots de xhosa et de zulu.
« L’expérience a été positive, parce qu’une relation s’est établie entre deux armées différentes, avec chacune sa culture et sa manière d’opérer. Nous comprenons nos personnalités réciproques, a confié Benjamin Robinson. Comment font-ils les choses ? Qu’est-ce qu’ils aiment ou pas ? C’est le genre de choses que vous devez respecter chez les uns et les autres. »
Le dernier jour, le partenariat a été manifeste lors d’un exercice à tir réel. Parmi les observateurs, le général David Rodriguez, commandant de l’état-major des États-Unis pour l’Afrique, le lieutenant-général Derick Mgwebi, chef des opérations conjointes de la SANDF, et le major général Patrick Donahue, commandant de l’armée américaine pour l’Afrique, ont assisté à la simulation de l’assaut d’un camp ennemi par les forces d’infanterie. Des équipes de mortier postées sur la colline tiraient des obus sur l’ennemi, alors qu’une unité d’infanterie descendait de son véhicule et se précipitait pour frapper avec des armes de petit calibre.
Alors que les hommes approchaient à pied, ils ont lancé des grenades fumigènes vertes pour indiquer aux équipes de mortier qu’ils devaient dévier le tir. Ayant attaqué le premier objectif, les troupes à pied ont commencé à assaillir un deuxième objectif 100 mètres plus loin. Après avoir fait appel au tir de mortier, elles ont finalement lancé une grenade fumigène rouge pour indiquer à toutes les forces de cesser le feu. La communication et la coordination tactique entre les deux armées ont été parfaites. Elles avaient fait du chemin depuis les premiers jours.
« Ils n’ont commis quasiment aucune erreur. C’était pratiquement parfait », a déclaré le colonel Magee après l’exercice. « Les progrès réalisés [cette semaine] ne sont pas uniquement les leurs : ce sont aussi les nôtres. Il faut collaborer. C’est un véritable travail d’équipe. Nous leur apprenons tout autant qu’ils nous apprennent et nous comprenons nos capacités réciproques. Je serais donc heureux de travailler à nouveau avec la défense nationale sud-africaine, n’importe où, n’importe quand et même le dimanche. »