Jean Bakomito Gambu, gouverneur de la province du Haut-Uele dans le Nord-Est de la République démocratique du Congo (RDC), s’est rendu cette année dans un site d’extraction aurifère après la dévastation de la région provoquée par les mines illégales des sociétés chinoises.
Il était près de la mine lorsqu’il a déclaré : « Comme vous le voyez, cette rivière est pratiquement détruite. L’eau ne peut plus couler normalement et les avantages économiques de ce développement sont nuls pour la province. »
Dans de nombreuses régions africaines, un réseau de sociétés chinoises est engagé dans l’extraction aurifère illégale qui dévaste les communautés locales, détruit les forêts et empoisonne les sources d’eau. Comme dans les régions orientales de la RDC, l’extraction aurifère chinoise touche fortement les pays d’Afrique de l’Ouest, en particulier au Ghana où la Chine pratique l’extraction illégale de petite échelle appelée galamsey.
« Les opérateurs chinois des mines illégales convertissent souvent les terres arables, les forêts et les rivières en sites d’extraction, parfois de force ou par le biais de la collusion avec le gouvernement, les chefs traditionnels et les propriétaires fonciers privés, en érodant les moyens de subsistance de longue date axés sur l’agriculture et la pêche », a récemment déclaré une équipe de chercheurs dirigée par Abosede Omowumi Babatunde de l’université d’Ilorin (Nigeria) pour l’Atlantic Council.
« La perte des terres employées pour la culture des bananes, du riz, des pommes de terre et autres denrées traditionnelles sape la sécurité alimentaire, alimente les tensions sociales et incite les conflits entre les communautés locales et les mineurs chinois », ont ajouté les chercheurs.
La flambée des cours de l’or provoque l’augmentation du nombre de mines sur le continent. Toutefois, l’extraction illégale est devenue un problème, en grande mesure à cause de l’application laxiste des lois, de la corruption des autorités de réglementation et de la participation des organisations criminelles transnationales, selon les chercheurs.
Bien que les mines officielles de grande échelle existent en Afrique, ce sont les opérations de petite échelle qui causent les plus gros problèmes : elles brouillent la démarcation entre l’extraction artisanale par les individus et l’extraction soi-disant « semi-industrielle » par les sociétés chinoises utilisant des excavatrices ou autres équipements lourds et des produits chimiques pour extraire l’or de la terre. Dans les deux cas, la réglementation écologique est souvent ignorée.
Selon un rapport de l’Atlantic Council, « la déforestation et l’érosion des sols se produisent couramment sur les sites miniers d’Afrique de l’Ouest, et la pollution des océans et des eaux douces ont lieu à plusieurs étapes de l’exploration minière. L’extraction aurifère à petite échelle provoque une dégradation étendue des terres et nuit à la qualité de l’eau. »
Les mines semi-industrielles chinoises chassent les mineurs artisanaux des sites d’orpaillage. L’extraction aurifère artisanale fait partie de la vie profonde des communautés locales et joue un rôle crucial dans l’économie locale, selon un rapport de PAX, groupe néerlandais de défense de la paix.
Dans ce rapport récent, des images satellitaires de la localité de Moku dans l’Est de la RDC montrent des rivières et des cours d’eau détruits ou endommagés sur 77 km par les mines d’or semi-industrielles. Ces dommages font partie d’une vaste destruction des fleuves et ruisseaux du Haut-Uele sur plus de 250 km, qui s’est produite entre septembre 2020 et septembre 2024.
À partir d’août 2024, le gouverneur Gambu a commencé à obliger tous les opérateurs étrangers ou coopératives actifs dans le secteur de l’extraction aurifère semi-industrielle du Haut-Uele de s’enregistrer auprès du gouvernement provincial. Peu après s’être rendu au site minier de Watsa en janvier, il a ordonné la clôture de l’opération.
Comme d’autres mines chinoises illégales, l’opération de Watsa est gérée par des employés chinois travaillant sous l’égide d’une coopérative soi-disant contrôlée par des Congolais, a déclaré le gouverneur.
« Les Congolais font demande d’un permis d’exploitation pour une coopérative, ils reçoivent les autorisations mais, en fin de compte, ce sont des étrangers qui assument la gérance par le biais des coopératives. ».
Pour combattre l’extraction illégale, les chercheurs de l’Atlantic Council recommandent que les communautés locales travaillent avec les agences de l’État et les organismes sans but lucratif pour surveiller les mines et identifier les opérateurs illégaux.
« Ces groupes exposeraient la collusion entre les entités chinoises, les acteurs locaux et les réseaux criminels transnationaux », écrivent-ils.
