Depuis sa création en 2002, Boko Haram est devenu la deuxième organisation terroriste la plus meurtrière d’Afrique, juste derrière les Chebabs. Le groupe a exploité adroitement les bandes de terroristes et leurs familles, ainsi qu’un sentiment communautaire fort, pour prospérer et conserver une influence importante. Ces bandes servent de bases robustes de soutien pour les militants.
Boko Haram, dont l’agenda est soutenu par Al-Qaïda, est allé au-delà de la rhétorique : il s’est engagé dans les enlèvements et les attaques afin d’imposer fermement ses demandes pour un état islamique exclusif régi par une interprétation stricte des lois islamiques.
Boko Haram répond constamment à l’approche de contre-insurrection cinétique du gouvernement en déclarant être une « voix marginalisée » dans une société laïque qui a failli à ses devoirs envers les citoyens. Il présente sa lutte comme un combat entre la civilisation islamique du Nord et la civilisation occidentale, en mentionnant le djihad d’Ousmane dan Fodio (1804-1808) pour affirmer que l’éducation occidentale sape les valeurs islamiques.
En se disant marginalisé, Boko Haram exploite les chaînes médiatiques pour présenter le gouvernement comme le véritable oppresseur. Entre-temps, d’innombrables résidents de la région du lac Tchad et des pays tels que le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad sont paralysés par la peur, et leur voix est essentiellement ignorée.
Depuis sa désignation d’organisation terroriste internationale en novembre 2013, Boko Haram dénonce sans répit les gouvernements occidentaux et accuse le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad de complicité et de soumission aux pressions de l’Ouest. Dans ses vidéos de propagande, il défie avec audace la légitimité de la démocratie, l’utilisation de la technologie moderne et l’État de droit. Il attribue fermement la corruption des valeurs islamiques à l’éducation occidentale et ses influences néfastes, par exemple la musique profane.
Boko Haram considère le gouvernement comme un agresseur qui harcèle, arrête et massacre ses membres et leur famille depuis ses débuts. Les militants ciblent et exécutent les responsables du gouvernement tout en attaquant les institutions publiques. Ils emploient aussi des tactiques fondées sur la peur, en publiant stratégiquement des vidéos et des menaces sur les réseaux sociaux pour amplifier leur message.
De concert avec d’autres groupes dissidents tels que la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique et Ansaru, et en compagnie de nouveaux acteurs tels que Lukarawa et le groupe Mahmuda, ces militants ciblent implacablement l’État nigérian en provoquant continuellement la violence, en percevant des impôts auprès des cultivateurs et en enlevant les gens. Ils se présentent comme des victimes et représentent le gouvernement, y compris l’exécutif, le judiciaire, le législatif et les forces armées, comme des malfaiteurs.
Malgré la prétention de marginalisation des membres de Boko Haram, on trouve au cœur de la dynamique complexe autour de l’insurrection plus de 8 millions de déplacés internes, chiffre le plus élevé d’Afrique de l’Ouest selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Ils ont été transformés en statistiques silencieuses, ignorées et marginalisées.
Les communautés locales, qui se sentent de plus en plus isolées du reste de la société, critiquent ouvertement les insurgés pour leurs actions haineuses, notamment le déplacement généralisé des familles, l’assassinat des civils innocents et l’enlèvement des écoliers.
La différence flagrante entre les agresseurs et ceux qui souffrent sous leur régime de terreur souligne le besoin urgent de se concentrer sur les expériences et les luttes vécues par les déplacés.
Étant donné la fluidité de la dynamique de l’identité communautaire parmi les gouvernements, les populations locales et les groupes d’insurgés, il est crucial de traiter les problèmes prédominants de la marginalisation. L’adoption des principes de l’afrocentrisme (manifestation de la vérité, coopération communautaire et dialogue constructif) est essentielle. Ces idéaux sont des outils vitaux pour atténuer la hausse des tensions et des conflits dans la région.
Le gouvernement du Nigeria, tout comme ses citoyens, ses résidents et les organes de gouvernement de la région du lac Tchad, devraient s’efforcer de créer leurs propres groupements interconnectés d’engagement communautaire. Ce faisant, ils pourraient amplifier les voix souvent éclipsées des civils et des agences de sécurité chargées des opérations de contre-terrorisme. Cette approche inclusive peut améliorer les communications et encourager la compréhension mutuelle, qui est essentielle pour une réponse cohérente aux conflits en cours.
Au sujet de l’auteur : Justine John Dyikuk est un doctorant, chercheur en journalisme, médias et communication à l’université Strathclyde de Glasgow (Écosse), et maître de conférence à l’université de Jos (Nigeria). Il est associé principal pour la politique de liberté religieuse au Religious Freedom Institute de Washington, D.C. Ses recherches se concentrent sur les messages de Boko Haram et les efforts de contre-insurrection du gouvernement du Nigeria.
