Des terroristes liés à Al-Qaïda ont extorqué une rançon substantielle pour un cheikh émirien afin de financer leurs efforts visant à paralyser le gouvernement du Mali et imposer leur interprétation stricte des lois islamiques.
Les Émirats arabes unis (EAU) ont versé plus de 20 millions de dollars pour libérer un prince émirien enlevé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), organisme d’Afrique de l’Ouest affilié à Al-Qaïda, selon des reportages de presse. Certains organes de presse avaient estimé précédemment que la rançon s’élevait à plus de 50 millions de dollars.
Les ravisseurs ont saisi la victime, membre de la famille régnante de Dubaï et âgé de 78 ans, lors d’une attaque contre sa ferme au Sud de Bamako, selon des responsables occidentaux et des chefs communautaires maliens. Le GSIM a affiché une vidéo montrant l’attaque des militants contre un hangar où la victime entreposait son aéronef privé et des deltaplanes, selon un reportage du quotidien Wall Street Journal (WSJ). Les représentants occidentaux déclarent que la victime est engagée dans le commerce des métaux précieux en provenance du Mali.
La rançon a aussi inclus la libération de plusieurs dizaines de terroristes emprisonnés au Mali, selon WSJ. L’incident fait partie d’un effort récemment accru des terroristes pour renverser le gouvernement malien. Ils ont aussi imposé un embargo de carburant visant la capitale de Bamako, qui provoque la paralysie économique dans cette ville.
Justyna Gudzowska, directrice exécutive du groupe de surveillance des droits de l’homme The Sentry, a déclaré selon WSJ : « La rançon stupéfiante versée par Abou Dabi … au GSIM se produit au pire moment possible. Une telle injection de ressources est une énorme aubaine pour le groupe et soutiendra ses ambitions extrémistes sur le continent. »
Depuis près de 25 ans, les enlèvements contre rançon sont une source majeure de revenu pour les groupes terroristes actifs au Sahel, selon l’Institut pour les études de sécurité. Au début des années 2000, le total des rançons était estimé à près de 90 millions de dollars, rien que pour Al-Qaïda au Maghreb islamique. Selon certains rapports de l’époque, les enlèvements représentaient la majeure source de financement pour les affiliés sahéliens d’Al-Qaïda ; cet argent aidait les insurgés à se propager et consolider leurs activités dans la région.
Le Global Terrorism Index (GTI) estimait en 2017 que les rançons représentaient environ 40 % des revenus annuels du GSIM. Bien que les rançons ne soient pas toujours la motivation principale des enlèvements au Sahel, ils restent un élément crucial du financement des terroristes.
« Les enlèvements sont aussi employés à des fins stratégiques, lorsque les individus sont capturés pour des raisons politiques ou pour gagner des avantages ou des renseignements stratégiques », selon le rapport du GTI.
Cette année, le nombre d’enlèvements a augmenté spectaculairement. Entre mai et octobre 2025, le projet ACLED (Armed Conflict Location and Event Data) signale que les terroristes du Mali ont enlevé 22 à 26 ressortissants étrangers, le chiffre le plus élevé jamais recensé au Mali pour une durée comparable. Les kidnappés incluent des ressortissants de Chine, des EAU, d’Égypte, d’Inde et d’Iran. L’Agence France-Presse (AFP) a aussi précisé que certaines victimes étaient originaires de Bosnie, Croatie et Serbie.
Les chercheurs déclarent que les enlèvements contre rançon au Mali sont des crimes hautement rentables que les terroristes emploient pour acheter des armes, payer les combattants et financer les opérations logistiques. Les enlèvements attirent aussi l’attention et peuvent être utilisés pour faire pression sur les gouvernements, les investisseurs étrangers et les sociétés étrangères actives au Mali. Ils aident à saper l’autorité locale, propager la peur et imposer le contrôle par l’intimidation, selon les chercheurs.
Le GSIM a augmenté discrètement ses effectifs et ses armements l’an passé, et il est aujourd’hui « la force militante la mieux armée d’Afrique de l’Ouest, et l’une des plus puissantes du monde », selon un reportage du journal Washington Post. Les responsables régionaux et occidentaux ont signalé en juin dernier que l’organisation terroriste avait peut-être 6.000 combattants.
Le chercheur Héni Nsaibia du projet ACLED a déclaré selon le reportage du Washington Post : « Ils créent un proto-état qui s’étend comme une bande de territoire depuis l’Ouest du Mali jusqu’aux zones frontalières du Bénin. C’est une expansion substantielle, même exponentielle. »
En plus de l’embargo de carburant à Bamako, les enlèvements exercent une nouvelle pression focalisée sur le gouvernement malien, qui est préoccupé par les carences alimentaires, les fermetures des écoles et des hôpitaux, et une crise sécuritaire. Les terroristes ont attaqué et incendié les camions citernes originaires du Sénégal et de la Côte d’Ivoire.
Rida Lyammouri, chercheur au Policy Center for the New South, déclare à l’AFP que ces rançons permettent au GSIM de « maintenir son niveau actuel d’engagement militaire, y compris le blocus économique de Bamako, pendant une période prolongée ».
« Une telle aubaine ne servira qu’à renforcer les ambitions du GSIM pour se propager et établir une présence durable au Sahel et dans les états du littoral africain. »
