La colère concernant la pêche en Gambie a atteint son paroxysme. Maintenant, les résidents locaux luttent contre les chalutiers industriels étrangers dans les eaux du pays.
Le gouvernement gambien oblige les navires étrangers actifs au large des côtes d’avoir un certain pourcentage de membres d’équipage du pays, mais certains ont été blessés lorsque les pêcheurs gambiens ont attaqué les chalutiers étrangers qui pêchaient près du rivage. La loi gambienne exige que les navires étrangers pêchent à une distance d’au moins 9 milles marins de la côte.
Kawsu Leigh est l’un des deux marins gambiens qui ont été gravement brûlés lorsque des résidents locaux mécontents ont attaqué l’an dernier avec des pierres incandescentes le chalutier battant pavillon égyptien sur lequel ils travaillaient. Alors qu’un pêcheur local fait l’objet de poursuites judiciaires liées à l’attaque, M. Leigh a des difficultés pour rebâtir sa vie. Il déclare que la plupart de son argent est utilisée pour acheter des médicaments afin de traiter ses blessures.
Il déclare à l’Associated Press (AP) : « Je suis venu ici. Je me démène pour ma famille. J’ai cet accident. Ouais, je crois que ma vie est finie. Le travail du marin est comme une prison, mais nous l’appelons prison civilisée. Pour ce travail il n’y a pas de respect. Nous allons risquer notre vie. J’ai deux frères, deux sœurs. Si je ne fais rien, ils n’auront rien. »
L’Association des marins gambiens fournit des membres d’équipage gambiens aux chalutiers étrangers. Le secrétaire général de l’association Abdou Sanyang a condamné l’attaque.
De telles confrontations sont « très dangereuses », dit-il à l’AP. « Donc, toutes ces choses se produisent. C’est une guerre marine. »
À cause de la montée de violence, M. Sanyang demande l’établissement d’une règle qui limitera les lieux où les pêcheurs locaux peuvent pêcher.
Il dit : « Si vous parlez de ces choses, certains diront que cet homme est fou. Mais c’est la seule solution pour avoir la paix, pour ne pas nous perdre ensemble. »
Omar Gaye, responsable des relations publiques à l’agence de développement des pêches artisanales de Gambie, défend les droits des pêcheurs locaux. Il déclare que l’idée de M. Sanyang ne devrait pas être mise en œuvre s’il n’existe pas de limites plus strictes imposées aux chalutiers industriels, qui pillent les eaux du pays depuis des dizaines d’années en menaçant les moyens de subsistance de ceux qui travaillent dans le secteur local de la pêche, dont le nombre est estimé à 200.000. Les communautés gambiennes du littoral comptent sur la pêche depuis des générations pour leur nourriture et leurs revenus.
« Vous ne pouvez pas stopper ces petits bateaux de pêche, qui gagnent leur subsistance chaque jour, comme vous le savez bien, et ce sont eux qui amènent le poisson au marché, dit-il à l’AP. Vous ne pouvez donc pas stopper les gens ou les réglementer alors que ces [chalutiers étrangers] font ce qu’ils veulent. »
Une vidéo obtenue par l’AP montre un chalutier industriel étranger en train de chasser une pirogue artisanale de pêche beaucoup plus petite, alors que quelqu’un à bord du chalutier lui lance des pierres. Bien que le gouvernement gambien ne suive pas ces incidents, l’AP a observé plus de vingt clips vidéo montrant des confrontations entre les bateaux locaux et les chalutiers étrangers depuis 2023. Au moins onze pêcheurs locaux ont été tués dans des confrontations en mer au cours des quinze dernières années.
« S’ils continuent à nous assassiner, il va y avoir un très gros problème, pas quelque chose de mineur, déclare M. Gaye à l’AP. Ils ne peuvent pas nous empêcher de pêcher. Ils ne le peuvent pas. »
De nombreux vaisseaux de pêche étrangers en Gambie et en Afrique de l’Ouest sont chinois. La Chine est le pire contrevenant mondial de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), selon l’indice de risque de pêche INN. La présence de Pékin en Gambie est depuis longtemps sujette à controverse. En 2021, des manifestants ont incendié l’usine de farine de poisson Nessim Fishing and Fish Processing Co. appartenant à la Chine. Cette usine avait été accusée de polluer l’environnement à Sanyang.
Les résidents locaux déclarent que les vaisseaux étrangers ont l’habitude de couper les filets des pêcheurs artisanaux, de pêcher dans les zones interdites et de suivre des pratiques destructrices telles que le chalut de fond, où un énorme filet est traîné sur le fond marin et ramasse sans discrimination toutes les espèces marines. Cette pratique massacre les poissons juvéniles, décime les stocks de poisson et détruit les écosystèmes qui sont cruciaux pour la survie de la vie aquatique. Cela provoque la forte diminution des stocks de poisson, l’insécurité alimentaire et l’outrage des résidents locaux.
Lamin Jassey, président de l’association Gunjur des conservationnistes et de l’écotourisme, déclare à l’AP : « La situation de la pêche en Gambie est extrêmement fragile, et en très mauvaise condition. C’est notre économie, notre moyen de subsistance et notre droit. Nous avons le droit de pêcher, nous avons le droit à la nourriture. La majorité des Gambiens, 99 %, dépendent du poisson parce qu’il est moins cher. »