En septembre 2024, le colonel Assimi Goïta, chef de la junte du Mali, s’est rendu à Pékin pour conduire une visite de Norinco, société de fabrication d’armes. Le Mali et Norinco ont conclu un accord qui fournira à Bamako le matériel militaire, ainsi qu’une formation et une technologie de défense.
Selon l’Agence Anadolu, la livraison a été faite vers la fin d’un embargo imposé par la Communauté économique des états d’Afrique de l’Ouest. Le ministre malien de la Défense Sadio Camara a exprimé ses remerciements : « Nous n’oublierons pas cette action. »
Les analystes déclarent que Pékin s’efforce de devenir un acteur principal dans le domaine de la sécurité africaine : ceci se reflète dans ses efforts visant à accroître globalement son influence diplomatique et sa puissance douce. Alors que l’assistance de la Chine dans le secteur de la sécurité est conçue pour aider le Mali à affronter le terrorisme, le chercheur Paa Kwesi Wolseley Prah, associé postdoctoral de l’université de la ville de Dublin, pense qu’elle pourrait avoir des conséquences.
Selon lui, le recours excessif aux solutions militaires pour les défis de sécurité risque d’envenimer les conflits et ne traite pas les causes fondamentales des conflits, telles que la cohésion sociale ou la gouvernance locale. La confiance forte envers la Chine expose le Mali à des perturbations potentielles d’approvisionnement, une réduction de son pouvoir de négociation et une limitation de sa polyvalence stratégique.
Le Dr Prah écrit dans The Conversation : « Elle suscite aussi des inquiétudes concernant l’influence potentielle de la Chine sur les politiques de défense et les processus de prise de décision du Mali. En conséquence, ceci pourrait enraciner la position du gouvernement militaire malien. La Chine suit une approche non interventionniste sur les structures de gouvernance des pays avec lesquels elle s’engage. Les espoirs de démocratisation pourraient être affectés dans le pays. »
Depuis sa saisie du pouvoir en août 2020, le colonel Goïta n’a pas honoré sa parole de retourner à un régime démocratique. Les chefs militaires du Mali ont récemment accordé au colonel un mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable « autant de fois que nécessaire », sans nécessité d’élection.
Le Mali est le quatrième producteur d’or du continent et la Chine a aussi fortement investi dans son secteur minier. Toutefois, ceci s’accompagne de risques car les groupes terroristes, notamment le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’État islamique, attaquent les sites d’extraction aurifère et menacent les mineurs.
Le 12 mai, un groupe armé a tué trois personnes et enlevé deux autres lors d’une attaque contre un site aurifère artisanal à Naréna, à environ 100 km au Sud-Ouest de Bamako.
Mamadou Kanté, adjoint au maire de Naréna, a déclaré à l’Associated Press : « Tôt le lundi matin, les terroristes ont conduit deux attaques dans la commune de Naréna. Ils ont d’abord attaqué un magasin appartenant à des ressortissants chinois. Ils ont enlevé deux ressortissants chinois et incendié des équipements lourds utilisés dans l’extraction aurifère. »
M. Kanté a dit que les combattants ont ensuite attaqué un site d’orpaillage artisanal voisin en tuant un Malien et deux Ghanéens. Aucun groupe n’a revendiqué la responsabilité de l’attaque mais elle ressemble à celles conduites par le GSIM, affilié à Al-Qaïda.
Pékin participe à un projet de mine de lithium et d’uranium de 130 millions de dollars dans la localité de Kidal et la commune de Faléa. La Chine a aussi investi dans l’infrastructure du Mali, notamment un projet ferroviaire de 2,7 milliards de dollars qui relie Bamako à Dakar (Sénégal). Selon le Dr Prah, l’endettement du Mali à l’égard de la Chine pourrait aujourd’hui atteindre au moins 13 milliards de dollars.
« Ceci a souvent été critiqué en tant que “diplomatie par le piège de l’endettement”, ce qui accroît la dépendance des pays récipiendaires à l’égard de Pékin, écrit le Dr Prah. Au Mali, je pense que ceci risque d’enraciner la vulnérabilité économique et de donner à la Chine un avantage géopolitique. »
Il déclare que le Mali devrait publier régulièrement des rapports sur l’assistance au secteur de la sécurité, collaborer avec la Chine pour fusionner cette assistance avec les approches à la sécurité conduites par les civils et diversifier ses partenariats sécuritaires et économiques.
« La promotion de l’intégration économique régionale et des liens avec les puissances mondiales renforcera la résilience économique du Mali », écrit le Dr Prah.