Mustafa Ibrahim se trouvait dans un embarras financier. Les affaires de ce soudeur de 48 ans vivant dans un faubourg de Lagos (Nigeria) tournaient au ralenti. Une nuit d’avril 2024, après être rentré chez lui et avoir accédé à l’Internet, il vit sur WhatsApp la vidéo d’un vieil ami qui demandait à l’auditoire de le rejoindre au Burkina Faso.
Dans le clip, son ami parlait en toute connaissance de cause des villes du Faso et louait le capitaine Ibrahim Traoré, chef de la junte du pays. M. Ibrahim a été impressionné par les connaissances de son ami et lui a envoyé un message au sujet des emplois au Burkina Faso.
« Trois jours plus tard, il m’a dit que j’avais besoin de 1,15 million de nairas [1.775 dollars] pour procéder au voyage », dit-il à l’Africa Report.
Son ami le mit en rapport avec une agence d’emploi de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso. M. Ibrahim vendit ses outils et emprunta de l’argent auprès de ses amis pour financer son voyage, qui le conduisit au bureau de l’agence à Bobo-Dioulasso, près de la frontière avec la Côte d’Ivoire et le Mali. Il vit là-bas des dizaines d’autres demandeurs d’emploi.
Il déclare à l’Africa Report : « L’emploi supposé n’avait pas de description ni d’exigences claires. Mais j’avais l’espoir d’améliorer ma vie. »
M. Ibrahim et les autres hommes ont dû visualiser des vidéos de propagande vantant M. Traoré et présentant le Burkina Faso comme un pays économiquement progressif. Pendant onze jours, ils ont suivi des présentations sur les villes du Faso, les chefs militaires et d’autres sujets. Ils n’ont pas été autorisés à utiliser leur téléphone. Un officiel a dit à M. Ibrahim que son ami sur la vidéo de WhatsApp avait été transféré dans une société aurifère.
Il a passé plus de deux semaines dans la maison commune. Finalement, on lui a demandé d’enregistrer une vidéo sur les réseaux sociaux en se faisant passer pour un représentant de l’agence d’emploi. On lui a dit ce dont il devait parler.
Il déclare à l’Africa Report : « C’était presque identique à ce que mon vieil ami avait affiché sur WhatsApp concernant les emplois qui payaient des salaires en dollars et qui m’avaient intéressé. » Il réalisa qu’il avait été probablement attrapé dans un montage de traite humaine. Cette nuit-même, il récupéra l’argent de sa valise, brisa une vitre et s’échappa. ».
L’Africa Report s’est entretenu avec quinze personnes du Ghana, du Mali, du Nigeria et du Togo qui avaient été attirées de la même façon par les trafiquants. Certains sont toujours pris au piège au Burkina Faso.
Osei Kojo, 26 ans, a dit qu’il avait échappé aux trafiquants de Bobo-Dioulasso mais qu’il ne pouvait pas rentrer dans son village au centre Sud du Ghana parce qu’il avait vendu la terre de son père défunt pour financer son voyage.
« C’est irréel, a dit M. Kojo au magazine. Ils vous donnent de fausses assurances d’un emploi lucratif, de grandes quantités d’or et la sécurité, mais lorsque vous les rencontrez ils vous soumettent d’abord à des espoirs irréalistes, puis à un contrôle inhumain. Aujourd’hui, je me sens vide et j’ai trop honte pour rentrer chez moi. »
Ali Seydou, vendeur de thé de 47 ans vivant à Bobo-Dioulasso, déclare qu’il comprenait mal le nombre croissant de migrants africains en détresse qui avaient des emplois subalternes dans la ville.
Il dit à l’Africa Report : « J’ai parlé à quelques migrants et la plupart pensaient qu’il y avait beaucoup d’argent ici. Mais à mesure que leur nombre augmente, je me demande si ceux qui viennent ici savent que les choses dans mon pays sont probablement pareilles à celles de leur pays. Pourquoi continuent-ils à venir ? Pourquoi ici ? »
Les trafiquants des villes du Faso utilisent les mêmes médias pro-russes et la même propagande pro-junte qui font les louanges du capitaine Traoré et des autres chefs des juntes sahéliennes pour attirer les Africains avec de fausses promesses d’emplois bien rémunérés.