Le Ghana continue à lutter contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, ce fléau qui fait perdre au pays entre 14,4 et 23,7 millions de dollars par an. La Commission des pêches du Ghana et le ministère des Pêches et de l’Aquaculture ont suspendu en avril les permis de pêche de quatre chalutiers chinois pendant un an à cause d’une série d’infractions.
Les navires Meng Xin10, Florence 2, Long Xiang 607 et Long Xiang 608 battent tous le pavillon ghanéen mais leurs propriétaires bénéficiaires sont trois sociétés chinoises, selon un reportage du Ghana Business News. Les chalutiers chinois sont bien connus pour employer cette pratique, appelée « emprunt de pavillon », selon laquelle ils abusent les règles locales pour affecter le pavillon d’un vaisseau de pêche détenu et géré par une entité étrangère dans un registre africain afin qu’il puisse pêcher dans des eaux locales. L’emprunt de pavillon est une indication fréquente que ces vaisseaux pratiquent la pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN).
90 % au moins des chalutiers industriels actifs au Ghana appartiennent à des sociétés chinoises, selon l’Environmental Justice Foundation.
Les officiels ont suspendu les quatre vaisseaux pour les infractions suivantes : transbordement non autorisé du poisson en mer, pratique appelée aussi « saiko » ; déversement du poisson indésirable ; pêche dans les zones réglementées ; récolte du poisson juvénile. Toutes ces pratiques conduisent au déclin des stocks de poissons et détruisent les écosystèmes cruciaux pour la survie de la faune aquatique. Elles accroissent aussi l’insécurité alimentaire et menacent les moyens de subsistance de plus de 2 millions de personnes employées dans les entreprises de pêche de petite échelle du Ghana.
Le saiko a fait mettre au bord de l’effondrement les stocks des petites espèces pélagiques du Ghana telles que la sardinelle. Les poissons pélagiques sont plus faciles à pêcher que les espèces qui vivent dans les eaux plus profondes.
Steve Trent, directeur exécutif de la fondation, déclare dans un rapport de Dialogue Earth : « Le saiko précipite l’effondrement des stocks de poissons de base au Ghana et, ce faisant, il provoque la pauvreté et la famine de la population. Les chalutiers chinois gagnent des millions de dollars en pratiquant un commerce illégal qui représente plus de la moitié des poissons attrapés par les navires industriels au Ghana. »
Seuls les pêcheurs artisanaux ont le droit d’attraper les poissons pélagiques au Ghana mais les grandes flottes commerciales continuent à les pêcher, ce qui prive de revenu les communautés de pêche locales. Le salaire annuel moyen au Ghana pour plus de 100.000 pêcheurs artisanaux a plongé jusqu’à 40 % par pirogue au cours des 15 dernières années environ, selon la fondation.
Les vaisseaux industriels nuisent aussi aux populations de poissons en utilisant des filets illégaux pour attraper les poissons juvéniles, en pêchant avec des lampes puissantes pendant la nuit et en pêchant aux explosifs. « Ceci aggrave la détresse des pêcheurs artisanaux et frustre les efforts visant à riposter aux illégalités dans le secteur artisanal », déclare Nana Kweigyah, pêcheur artisanal ghanéen, à l’organisation internationale Oceana engagée dans la conservation.
La Chine régit la flotte de pêche en eaux distantes la plus vaste du monde et elle est de loin le pire contrevenant mondial de la pêche illégale, selon l’Indice de risque de pêche INN. Parmi les dix premières sociétés mondiales engagées dans la pêche illégale, huit sont chinoises.
Les chalutiers chinois sont bien connus pour pratiquer le chalut de fond, en traînant un énorme filet sur le sol océanique et ramassant sans discrimination toute sorte de faune aquatique. Cette pratique tue les poissons juvéniles, ce qui conduit au déclin des stocks de poissons, et détruit les écosystèmes critiques pour la survie de la faune marine.
La flotte Meng Xin, appartenant à la Dalian Mengxin Ocean Fishery Company, est liée à la disparition en 2019 d’Emmanuel Essien, observateur des pêches ghanéen. Il a disparu du chalutier Meng Xin 15 après avoir filmé l’équipage rejeter illégalement le poisson en mer et rédigé un rapport auprès de la Commission des pêches du pays. M. Essien n’a pas été retrouvé.
Les observateurs des pêches ghanéens interviewés par la BBC plusieurs années après la disparition de M. Essien déclarent que les travailleurs touchent des salaires faibles à bord des chalutiers étrangers et qu’ils doivent parfois attendre jusqu’à cinq mois pour être payés, ce qui signifie que des dessous-de-table versés aux gérants des équipages chinois et ghanéens sont nécessaires pour assurer la nourriture des familles.
« Si vous refusez le pot-de-vin, vous aurez faim lorsque vous rentrerez chez vous », déclare un observateur à la BBC.
Emelia Arthur, nouvelle ministre de l’Aquaculture et du Développement des pêches du Ghana, a promis une plus grande transparence dans le secteur de la pêche. En avril, le Ghana a rejoint le Cameroun et la Corée du Sud pour avaliser officiellement la Charte mondiale pour la transparence de la pêche. L’objet de la charte est d’assurer que les informations concernant les vaisseaux et la pêche soient généralement disponibles pour promouvoir la gestion responsable des pêches, éliminer les pratiques illégales et protéger les droits de l’homme en mer.
Mme Arthur a déclaré dans une annonce de presse d’Oceana : « Je me déclare ici pleinement en accord avec la Charte mondiale pour la pêche, qui est pour moi conforme à une structure de prise de responsabilité. Non seulement parce que c’est important de le faire, mais aussi parce qu’elle reflète les lois et les objectifs de la pêche du Ghana et dresse une bonne carte routière pour les réformes. »