Les drones sont devenus une composante majeure des campagnes militaires africaines au cours des dernières années. Bien qu’ils aient permis certaines victoires cruciales par les forces de sécurité, leur utilisation en hausse a eu des conséquences pour les civils.
Drone Wars UK est une organisation non gouvernementale britannique qui recherche l’utilisation des drones armés et autre technologie. Elle a publié un nouveau rapport selon lequel près de 1.000 civils ont été tués par des drones au cours de 50 incidents depuis la fin 2021.
Au Soudan par exemple, les Forces armées soudanaises (FAS) ont récemment déclaré avoir abattu 100 drones au cours de 100 jours pendant les combats en cours avec leur rival, les Forces de soutien rapide (FSR). Les deux belligérants les emploient régulièrement : les FAS utilisent des drones fabriqués en Iran et en Turquie, et les FSR des drones des Émirats arabes unis (EAU). Les deux parties du conflit au Soudan ont utilisé des drones dans les zones urbaines fortement peuplées, notamment dans la région de la capitale de Khartoum. Les FAS ont attaqué des marchés fréquentés par les combattants FSR. Les FSR ont utilisé des drones pour attaquer le dernier hôpital ouvert du Darfour du Nord.
La conséquence de l’emploi des drones par les deux belligérants est le grand nombre de décès parmi les non-combattants.
Un récit similaire existe en Éthiopie, où le gouvernement a déployé des drones contre les rebelles du Tigré entre 2020 et 2022. L’Éthiopie continue à les employer contre les rebelles des régions d’Oromia et Amhara.
« Si nous découvrons des groupes d’extrémistes, nous les attaquerons », a déclaré le maréchal Birhanu Jula, chef d’état-major de l’Armée éthiopienne, à une chaîne de diffusion éthiopienne d’état à la fin 2023. Il a ajouté que l’armée ne prend pas les civils pour cible avec ses drones.
Les forces armées éthiopiennes ont utilisé des drones fabriqués par la Turquie lors d’attaques qui ont frappé des hôpitaux, des écoles, et des transports en commun au Tigré, en tuant ainsi des centaines de civils. L’Éthiopie a utilisé maintes fois des drones pour attaquer des groupes de civils sous prétexte de cibler les insurgés, selon Drone Wars UK.
L’une de ces attaques contre un village d’Oromia en 2023 a fait 86 tués parmi les civils.
« Le cas de l’Éthiopie révèle une tendance préoccupante qui émerge sur le continent », a récemment écrit l’analyste Zecharias Zelalem pour le Conseil européen pour les relations internationales.
Les drones à coût modéré provenant de Chine, de Turquie et des EAU permettent aux forces armées de frapper les cibles tout en subissant moins de pertes sur le terrain. Ils sont aussi disponibles à une fraction du coût des hélicoptères d’assaut ou des avions chasseurs.
« Ces deux ressources peuvent accroître la confiance des gouvernements dans une victoire militaire et les rendre moins désireux de s’asseoir à la table des négociations », écrit M. Zelalem.
En Éthiopie, les attaques par drone ont provoqué à elles seules près de la moitié des 943 décès liés aux drones en Afrique et enregistrés par Drone Wars UK. Dans son étude récente intitulée « Mort à la livraison », l’ONG confirme l’emploi des drones au Burkina Faso, en Éthiopie, au Mali, au Nigeria, en Somalie et au Soudan. L’étude se concentre sur les drones d’altitude moyenne et de grande autonomie, tels que le Bayraktar TB-2 turc, qui est devenu populaire chez les forces armées africaines.
Selon Drone Wars UK, la Turquie a vendu des drones à neuf pays africains depuis 2022. Les plus récents destinataires sont le Kenya et le Rwanda en 2024. D’autres pays africains, notamment l’Algérie, l’Égypte, l’Éthiopie et le Maroc, ont réceptionné des drones chinois.
Le Burkina Faso utilise des drones turcs pour cibler des marchés civils pour essayer de contrôler les terroristes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda. En août 2023, l’armée a attaqué le marché aux bestiaux de Bouro, village contrôlé par le GSIM. L’attaque a fait 28 morts parmi les civils.
Les forces armées du Mali ont tué plus de douze civils lors d’attaques par drone contre des postes de terroristes présumés dans la commune d’Amasrakad, dans la région Est de Gao. Le gouvernement a caractérisé l’attaque de frappe chirurgicale mais des rapports sur les réseaux sociaux ont plus tard montré que l’attaque avait frappé le véhicule d’un centre de santé pour civils et une maison où des gens se mettaient à l’abri.
L’utilisation en hausse et sans discrimination des drones par les armées africaines continuera probablement à tuer les civils si une attention plus grande n’est pas prêtée à la façon dont la technologie est employée, selon les chercheurs.
Les chercheurs de Drone Wars UK écrivent : « Il existe de plus en plus de preuves que l’emploi de leurs [drones] a provoqué un nombre important de victimes parmi les civils. À mesure que les drones continuent à évoluer et à se propager, il est probable que cela nuira encore plus aux civils. »