Depuis des années, Farai Maguwu recueille des récits et des témoignages au Zimbabwe. Certains sont poignants, d’autres troublants ; chacun s’accompagne d’un appel à l’action. Le thème commun concerne les opérations d’extraction minière chinoises et leurs effets destructeurs sur les communautés locales et l’environnement.
Il est fondateur et directeur exécutif du Centre pour la gouvernance des ressources naturelles, organisation basée à Harare qui cherche à défendre, protéger et soutenir les communautés affectées par les mines. Dans un rapport de septembre 2024 intitulé « Investissements ou pillage : une analyse des investissements chinois dans le secteur de l’extraction au Zimbabwe », le Centre résume ainsi la situation :
« Les entreprises minières chinoises ont conduit à la détérioration écologique généralisée, au mépris des droits culturels des communautés hôtes et, dans bien des cas, aux violations des lois du travail du pays, souvent avec une apparente impunité. »
Les plaintes s’intensifient au Zimbabwe, où les sociétés minières chinoises ont des antécédents bien documentés d’abus du droit du travail, de l’environnement et des droits de l’homme. Il en est de même dans le reste du continent, où la Chine est accusée d’utiliser son initiative de la Nouvelle Route de la soie pour exploiter les vastes réserves de cobalt, cuivre, or, lithium et autres minerais.
Aujourd’hui, plus de pays africains attirent l’attention sur l’impact négatif de l’extraction minière chinoise, abusive et illégale, ainsi que sur les problèmes écologiques et socio-économiques et la monté du militantisme local et de la violence qui les accompagnent.
« En considérant ce qui se passe sur le terrain en Afrique en ce moment, nous constatons l’impérialisme de la Chine, nous constatons les risques élevés auxquels les droits de l’homme et l’environnement sont sujets, et nous constatons la corruption endémique et le manque de bonne gouvernance », écrit en janvier Amani Matabaro Tom, associé du Centre Carr pour la politique des droits de l’homme à la Harvard Kennedy School.
Les sociétés appartenant aux Chinois représentent une part de l’industrie minière du Zimbabwe estimée à 90 %, selon M. Maguwu. Plusieurs d’entre elles ont été accusées d’abus du droit du travail et des droits de l’homme, de déplacement des communautés locales et d’abus de l’environnement, notamment la pollution de l’eau et du sol et la perte d’habitat.
« Seulement en 2023, les investissements [chinois] dans le secteur minier du Zimbabwe ont impliqué 121 investisseurs qui ont contribué la somme stupéfiante de 2,79 milliards de dollars », déclare M. Maguwu.
Une série de confrontations violentes en janvier, qui avaient inclus deux incidents dans lesquels des ressortissants chinois avaient fait feu sur des employés zimbabwéens, ont suscité de fortes réprimandes de la part des syndicats locaux. Justice Chinhema, secrétaire général du Syndicat zimbabwéen des ouvriers du diamant et des minerais associés, déclare que les ouvriers travaillant dans les mines gérées par les Chinois sont frustrés par les « salaires de misère » alors qu’ils sont forcés de travailler jusqu’à 14 heures par jour.
Il dit au journal kényan The East African : « Au moins 95 % de ces ouvriers des mines chinoises travaillent en vertu de contrats fixes à court terme, sans assurance santé, pension ni autre bénéfice qu’ils nécessiteront lorsqu’ils prendront leur retraite. Ce qui est pire, c’est qu’ils sont intimidés et victimisés pour participer à des activités syndicales ou rejoindre les syndicats, ce qui rend difficile d’utiliser la négociation collective pour obtenir de meilleures conditions. »
La violence récente fait aussi rappeler une vidéo virale de 2024 filmée dans la mine Makanga de Bindura qui montre deux ressortissants chinois qui ont suspendu par les mains deux employés locaux de la mine sur le godet d’une chargeuse frontale avant de le soulever. Les autorités du Zimbabwe agirent rapidement pour déporter les deux hommes.
Maguwu déclare que les disputes concernant les salaires et les épisodes violents sont fréquentes.
Il déclare à l’East African : « Au cœur de la hausse de tension entre les ressortissants chinois et les ouvriers zimbabwéens se trouvent les mauvaises pratiques de travail, notamment les bas salaires, l’absence de contrats et les abus flagrants des droits de l’homme. Il va sans dire qu’il s’agit d’un non-respect des lois jamais constaté auparavant dans le secteur minier du Zimbabwe depuis l’indépendance du pays en 1980. »