La Somalie demande aux commerçants et aux particuliers de ne pas verser de l’argent aux chebabs, car le gouvernement essaie de saper le système employé par le groupe terroriste pour financer ses opérations.
Les experts estiment que les chebabs nécessitent 100 millions de dollars par an pour armer et rémunérer ses combattants, fabriquer des bombes et effectuer des attaques à Mogadiscio et ailleurs. À titre de comparaison, le budget national de la Somalie s’élève à 250 millions de dollars.
L’affilié d’Al-Qaïda accumule cette énorme somme d’argent grâce à une toile complexe de crimes, notamment l’extorsion des importations dans les ports du pays, l’établissement des points de contrôle sur les routes principales, le blocage des routes pour forcer les voyageurs à traverser les communautés contrôlées par les chebabs, et les paiements exigés auprès des commerçants et des résidents sous forme de « taxe » sur les biens, appelée zakât.
« Les chebabs ont établi une entreprise criminelle sophistiquée comportant plusieurs niveaux de gouvernance et obligeant une vaste variété d’entreprises et de communautés à s’y conformer », écrit l’analyste Wendy Williams dans un essai pour le Centre d’études stratégiques de l’Afrique.
Les chebabs exercent une dominance dans 10 des 18 états fédéraux de Somalie ; ils ont des listes de citoyens et de leurs biens afin de percevoir une taxe de 2,5 %. Les victimes qui refusent de payer pourraient être tuées.
« La combinaison des informations et de la menace de violence permet aux chebabs de bénéficier des importations et des transactions foncières bien qu’ils n’aient pas de contrôle physique des centres commerciaux tels que Mogadiscio et Bosaso », écrit Mme Williams.
Les responsables somaliens ont annoncé des actions judiciaires contre toute entreprise qui verse de l’argent aux chebabs ou collabore avec le groupe terroriste. Ces actions pourraient inclure la révocation des permis émis par le gouvernement et nécessaires pour la conduite des affaires.
« Ne permettez pas à votre prospérité de détruire votre vie, parce que les forces de sécurité sont prêtes à agir contre toute personne essayant de collaborer avec ces groupes », a déclaré le ministre somalien de la Sécurité intérieure Abdullahi Sheikh Ismail lors d’une annonce publique avec l’avocat général Sulayman Mohamed Mohamoud et le ministre des Affaires religieuses Mukhtar Ali Robow.
Cette annonce récente fait écho à une annonce similaire des autorités somaliennes en 2022.
À l’époque, le ministère somalien du Commerce et de l’Industrie avait menacé de confisquer les biens de toute société faisant des affaires avec les chebabs.
« Tout marchand qui obéit aux instructions des terroristes et leur verse de l’argent ne sera jamais autorisé à nouveau à faire des affaires en Somalie », avait annoncé le ministère.
En 2023, le gouvernement somalien a clôturé 250 comptes bancaires et 70 comptes d’argent mobile appartenant aux militants chebabs.
Le gouvernement continue à traquer les sources de financement des chebabs, selon le ministre adjoint de l’Information Abdirahman Yusuf al-Adala.
Malgré les efforts du gouvernement pour les détruire financièrement, les chebabs survivent en maintenant des liens financiers hors de la Somalie. Le groupe utilise des sociétés au Kenya, en Ouganda et aux Émirats arabes unis pour transférer de l’argent, souvent à l’aide du réseau informel d’agents de change appelé hawala pour éviter les sanctions financières et la réglementation bancaire internationale.
Les responsables somaliens affirment que le versement d’argent aux chebabs par les commerçants et les citoyens somaliens nuit directement à leurs compatriotes.
Selon Moalim Mahdi, commandant de la police pour la région de Banadir, chaque bombe des chebabs explosant à Mogadiscio peut coûter jusqu’à 80.000 dollars. Cet argent est payé par les commerçants.
« Amener ces explosifs dans la ville nécessite un soutien financier important », déclare M. Mahdi à VOA.
Les autorités somaliennes espèrent paralyser la capacité des chebabs pour conduire des attaques en sapant leurs finances.
Lors de son intervention récente avec les autres responsables somaliens, M. Robow, ex-combattant des chebabs, a déclaré que le versement d’argent aux chebabs ne saurait être justifié parce qu’il nuit activement aux autres Somaliens.
« Ceux qui essaient de justifier leur soutien au terrorisme ne trouveront pas de refuge », a-t-il dit.