PERSONNEL D’ADF
Les forces armées du Nigeria ont lancé une campagne contre les membres de Lakurawa, groupe terroriste affilié à l’État islamique qui attaque les communautés du Nord-Ouest du pays près de la frontière avec le Niger.
Lakurawa est constitué d’éleveurs engagés en 2016 par les chefs locaux de l’État de Sokoto pour aider les résidents des localités rurales distantes à combattre les bandits.
« Lorsqu’ils sont venus, la communauté les a considérés comme des sauveurs », a déclaré récemment l’analyste John Sunday Ojo à la BBC.
Toutefois, après avoir éliminé les bandits en 2017, Lakurawa les a rapidement remplacés, en se tournant contre les localités que le groupe avait été engagé à protéger. Le groupe a aussi offert d’importantes primes d’enrôlement aux jeunes des localités pour les recruter sous son égide.
Murtala Ahmed Rufa’i, professeur associé à l’université Usman dan Fodio de Sokoto, écrit dans un article documentant la montée du groupe : « Toutefois, alors même que Lakurawa réduisait la menace du banditisme armé, il devenait lui-même une menace de sécurité en intimidant les résidents locaux et propageant une idéologie islamique extrémiste radicale contrairement aux souhaits d’un grand nombre d’habitants et des autorités. »
Selon l’analyste Aliyu Dahiru, le but était de faire de Lakurawa la seule source d’autorité dans une région qui est dépourvue de confort moderne et reçoit peu d’attention du gouvernement fédéral.
« En mélangeant les encouragements économiques et la mise en application de l’idéologie, Lakurawa a mis en œuvre la loi de la charia dans les territoires qu’il occupe, souvent sous prétexte de fournir une protection », a récemment écrit Aliyu Dahiru pour HumAngle.
Les analystes John Sunday Ojo et Ezenwa E. Olumba déclarent que la croissance de Lakurawa résulte de l’incapacité gouvernementale d’offrir la sécurité dans la région.
Lakurawa, dont les membres parlent la langue des éleveurs peuls, a été établi au Mali il y a 25 ans. Après leur arrivée dans la région frontalière avec le Niger et le Nigeria, les membres ont établi des liens matrimoniaux avec les communautés locales, écrit le professeur Rufa’i.
La tentative d’imposer les croyances de Lakurawa aux résidents de l’État de Sokoto fait face à une résistance.
Basiru Isiya, résident de la localité de Tsauna, déclare à Al Jazeera : « Ils ont essayé de nous convaincre de rejoindre leur secte religieuse, ce qui nous a semblé étrange. Nous avons refusé. »
Lorsque les habitants des localités frontalières ont commencé à accuser les combattants Lakurawa de voler leurs troupeaux (ce que le groupe avait initialement empêché d’autres de faire), les combattants ont battu en retraire de l’autre côté de la frontière. Depuis lors, ils font des descentes occasionnelles au Nigeria. En novembre 2024, un groupe d’hommes armés supposé être Lakurawa ont tué quinze personne dans la localité de Mera, État de Kebbi, dans le Nord-Ouest du pays. Vers la même époque, des terroristes Lakurawa ont aussi attaqué des localités voisines dans le district nigérien de Dosso. L’armée nigériane a répondu à l’attaque de Mera en lançant des assauts terrestres et aériens contre les camps Lakurawa dans les états de Kebbi et Sokoto. Les combattants Lakurawa ont battu en retraite vers Borgu près de la frontière béninoise.
En décembre, le général Christopher Musa, chef d’état-major de la Défense du Nigeria, a annoncé une mission des opérations spéciales dans les états de Kebbi et Sokoto pour en expulser les combattants Lakurawa. Les forces de sécurité signalent qu’elles ont détruit 22 camps de Lakurawa dans l’État de Sokoto.
Entre-temps, les experts de la sécurité de Zagazola Makama signalent que les combattants Lakurawa essaient de recruter des bandits dans l’État de Zamfara en vue de créer un état islamique dans le Nord-Ouest du Nigeria.
« Le conflit frémissant entre les chefs notoires du banditisme et un groupe formidable de militants menace de plonger plus profondément la région dans le chaos », écrivent les analystes de la sécurité de Zagazola Makama.
Le Dr Ojo et M. Olumba écrivent que l’approche du gouvernement nigérian face aux activités de Lakurawa ne sera pas suffisante pour le contrôler. Ils exhortent les autorités nigérianes à mieux travailler avec leurs homologues du Niger de l’autre côté de la frontière, mais aussi à transférer certains pouvoir policiers au niveau de l’état afin de fournir aux communautés une réponse plus rapide et plus efficace aux crimes.
Ils écrivent : « La dépendance de ces localités sur des groupes tels que Lakurawa pour leur protection permet à une bande d’éleveurs armés du Mali de devenir un groupe terroriste puissant au Nigeria. »