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Les enlèvements dans les régions éthiopiennes d’Amhara et d’Oromia suscitent des craintes

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PERSONNEL D’ADF

Aynalem est une étudiante en ingénierie biomédicale âgée de 21 ans. Elle voyageait dans un autobus entre la région Amhara et Addis-Abeba (Éthiopie) à la fin août lorsque le véhicule a fait l’objet d’une embuscade par les militants de l’Armée de libération oromo (ALO), qui affirme mener une lutte pour l’auto-détermination des Oromos.

Elle déclare que les attaquants étaient jeunes et possédaient des fusils d’assaut. Ils sont montés dans l’autobus et ont ordonné au chauffeur de conduire pendant plusieurs heures. Lorsqu’il s’est arrêté, Aynalem a été forcée d’appeler ses parents : ses ravisseurs demandaient une rançon de 500.000 birr (environ 4.400 dollars).

Elle a passé plusieurs journées atroces.

Aynalem, qui utilise un nom d’emprunt, déclare à l’Agence France-Presse en commençant à pleurer : « Ils nous ont fait dormir sur l’herbe, nous avions seulement de l’eau sale et une miche de pain. J’ai subi des choses horribles. J’ai été assaillie sexuellement. »

La mère d’Aynalem déclare que la famille a dû « s’endetter beaucoup » pour la libérer.

La milice a tué les 34 autres passagers dont la famille ne pouvait pas payer la rançon.

Les enlèvements, poussés par l’instabilité politique et les conflits turbulents, notamment les tensions ethniques, représentent une préoccupation croissante en Éthiopie, en particulier dans les vastes régions rétives d’Amhara et d’Oromia, où les forces du pays sont dispersées. Dans l’Amhara, l’armée éthiopienne lutte contre les milices régionales Fano depuis plus d’un an. En Oromia, région qui entoure la capitale nationale d’Addis-Abeba, l’armée est aux prises avec l’ALO.

Les étudiants, les fonctionnaires, les cultivateurs et les travailleurs de plusieurs industries, notamment ceux qui travaillent dans des entreprises étrangères, étaient initialement les victimes les plus ciblées. Mais aujourd’hui, tout le monde peut être victime car les enlèvements se sont propagés vers de nouvelles zones, pour un certain nombre de raisons.

Après plus de cinq ans d’insurrection, l’ALO ne contrôle aucun centre urbain. Ses menaces selon lesquelles ils saisiraient le contrôle de la capitale n’ont pas abouti, et on pense que le financement provenant de ses sympathisants à l’étranger s’est tari, selon un reportage de The Economist. Ceci a permis aux groupes dissidents de proliférer et d’avoir recours aux enlèvements et autres crimes pour se maintenir.

Le gouvernement a aussi perdu son monopole de la force dans de vastes sections du pays, en laissant des vides sécuritaires. On sait que les officiels et les rebelles concluent des accords, ce qui sape la confiance du public. Comme le signale The Economist, les victimes des enlèvements accusent souvent les officiels et les forces de sécurité d’y participer, en ignorant les crimes ou en recevant une partie du paiement des rançons.

Ces paiements ne garantissent pas non plus que les victimes des enlèvements seront épargnées. À la fin août, des miliciens ont enlevé Nolawit Zegeye, âgée de 2 ans, dans la ville Amhara de Gondar. Cinq jours plus tard, son cadavre a été retrouvé dans une cour. Son père, qui travaille comme chauffeur pour une société privée, et sa mère, qui travaille chez un coiffeur, avaient payé une rançon de 200.000 birr (1.654 dollars), selon le reportage du journal éthiopien Addis Standard.

La mort de l’enfant a conduit à des manifestations publiques qui sont devenues létales lorsque les forces de sécurité ont fait feu sur les gens qui rentraient chez eux, ont déclaré des témoins au journal. Quatre personnes sont décédées, y compris une femme et deux chauffeurs de pousse-pousse. Les officiels décrivent l’assaut comme une tentative de maintien de l’ordre, mais les témoins les contredisent.

« Aucun manifestant n’a essayé de saisir une arme des mains des forces de l’ordre ni d’entreprendre toute autre attaque », a déclaré un témoin à BBC Amharic.

La tendance des enlèvements en Éthiopie s’est manifestée en novembre 2019 lorsque 17 étudiants ont été enlevés à l’université Dembidollo dans l’Oromia. Un tollé général a suivi sur la perception du manque de transparence du gouvernement concernant les enlèvements. Un reportage de Deutsche Welle note que le manque d’investigation exhaustive entrave souvent le suivi et la réponse à ce fléau existant de la part des autorités, malgré la hausse des inquiétudes du public.

Un habitant d’Oromia a payé 100.000 birr (827 dollars) pour la libération de son frère, qui avait été enlevé dans un autobus traversant la zone de Mirab Shewa en juin 2023. Il déclare au Guardian : « C’est une pandémie. Les enlèvements ont lieu de partout. Les rebelles en ont fait un mode de vie parce que c’est de l’argent facile pour eux. »

Cette tendance ne donne aucun signe de déclin. Au moins 100 personnes ont été enlevées contre rançon en Amhara et Oromia au cours d’une seule semaine de juin 2024. L’ambassadeur des États-Unis Ervin Massinga écrit sur la plateforme de réseaux sociaux X : « Les enlèvements récents et fréquents dans les régions d’Oromia et d’Amhara montrent comment les conflits prolongés encouragent les criminels et affaiblissent l’état de droit. »

En septembre, six employés de la société Ethiopian Electric Power ont été enlevés à leur travail dans un site de projet géothermique de l’Oromia. Les ravisseurs ont exigé 10 millions ETB (presque 83.000 dollars) pour leur libération.

« La société fait de son mieux pour assurer leurs libération pacifique », déclare Moges Mekonnen, porte-parole d’Ethiopian Electric Power, à Deutsche Welle.

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