PERSONNEL D’ADF
Presque deux ans après la signature de l’accord de Pretoria qui était conçu pour mettre un terme à la guerre en Éthiopie, les combattants du Tigré restent armés et la menace de violence est présente.
On estime que 75.000 à 100.000 combattants du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) sont armés avec des mortiers lourds, des pièces d’artillerie et des mitrailleuses, selon un reportage de l’Amhara News Service. Dans une interview avec Lualawi Media, le maréchal Berhanu Jula, chef d’état-major de la Défense d’Éthiopie, a admis qu’il n’existait pas d’échéancier pour leur désarmement total.
« C’est préoccupant, mais que peut faire [le gouvernement] ? », déclare-t-il.
Beaucoup de ces combattants armés occupent des écoles, utilisées comme campements militaires. Environ 550 écoles tigréennes restent fermées à cause de la présence des combattants, selon un reportage de l’Agence Anadolou.
Le maréchal Berhanu insiste que le FLPT n’a pas d’armement lourd mécanisé et « n’est plus à-même de renverser le gouvernement par la force ». Toutefois, il demande une assistance internationale pour le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), en déclarant : « Aucun pays au monde » ne pourrait mener à bien le processus sans assistance externe.
« Le DDR nécessite de l’argent, dit-il. Aussi, le gouvernement éthiopien ne peut pas le faire. C’est quelque chose que vous devez savoir. Si nous disons que le DDR ne devrait pas être facilité par des fonds provenant de l’extérieur, le gouvernement éthiopien n’en a pas les moyens. Il ne peut pas le faire. Pas même le budget annuel de la défense ne serait suffisant. »
Lors d’une visite du pays en septembre, l’envoyé américain Mike Hammer a souligné l’urgence du lancement du programme DDR dans une conversation avec Temesgen Tilahun, chef de la Commission de réhabilitation nationale d’Éthiopie, qui supervise le processus.
« Ces forces devraient être complètement démobilisées, ces combattants doivent reprendre leur vie quotidienne, et ils souhaitent reprendre leur vie quotidienne », a-t-il dit aux journalistes lors d’une réunion de table ronde avec la presse à Addis-Abeba.
Hammer a aussi précisé que le programme de développement de l’ONU recueillait des fonds pour lancer le processus. Les donateurs incluent le Canada, l’Union européenne, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis. « Nous savons qu’un financement existe pour la première tranche, qui démobiliserait environ 75.000 combattants tigréens ; faisons-le donc, assurons-nous que nous ayons des résultats qui garantiront une paix durable au Tigré. Il n’existe pas de raison ni d’explication qui pourrait être fournie pour le retour à la violence. »
Le processus DDR est estimé à un coût total de 849 millions de dollars sur quatre ou cinq ans. Le gouvernement éthiopien versera 15 % du coût du programme et on anticipe que les donateurs financeront le reste.
L’accord de Pretoria prévoyait que les combattants du FLPT seraient désarmés dans un délai de 30 jours. L’accord demandait aussi que les combattants érythréens et amharas quittent la région. Les observateurs déclarent que cela ne s’est pas produit et que la présence continue des combattants étrangers donne au FLPT une raison de conserver ses armes.
Fred Harter écrit pour Genocide Watch : « Aves les miliciens amharas toujours présents dans l’Ouest et le Sud du Tigré, et les soldats érythréens toujours présents dans le pays, cette condition n’a pas été satisfaite. Les chefs du Tigré sont peu désireux de dissoudre leur force de combat, au cas où un nouveau conflit éclaterait. »
Le coût humanitaire est énorme. Le Tigré héberge environ 950.000 déplacés internes. Les perturbations du secteur agricole et la sécheresse ont conduit à une insécurité alimentaire généralisée. L’ONU estime qu’il coûterait 3,2 milliards de dollars pour nourrir les gens dans le besoin en Éthiopie en 2024. De nombreux jeunes hommes ne peuvent pas trouver de travail et la colère monte.
Harter écrit : « L’absence d’un dividende de paix perceptible alimente la désillusion parmi les jeunes Tigréens, en particulier ceux qui se sont battus pendant la guerre. Les tueries ont pris fin mais la région est toujours en ruine. Avec ses responsables engagés dans des disputes politiques, certains observateurs craignent que les tambours de guerre ne recommencent bientôt à retentir. »