Les enlèvements « terrifiants » montent en flèche en Éthiopie au milieu des luttes politiques et économiques
Les combattants du groupe rebelle Armée de libération oromo (ALO) ont enlevé de son foyer une femme appelée Alemetu dans la région d’Oromia, en Éthiopie, alors qu’elle essayait de dormir.Elle a été emmenée dans une école abandonnée où vivaient 40 combattants de l’ALO et a été retenue en otage pendant quatre semaines. Durant sa captivité, elle a été battue avec une cravache et laissée suspendue à un arbre sens dessus dessous pendant plusieurs heures alors qu’elle était enceinte.
Elle a été libérée seulement lorsque sa famille a versé une rançon de 110.000 birrs (un peu plus de 1.900 dollars), somme énorme dans les zones rurales de l’Éthiopie. L’ALO a incendié sa maison après sa libération ; l’organisation prétend lutter pour l’auto-détermination des Oromos, mais le gouvernement la qualifie de groupe terroriste.
À l’époque, la famille de l’otage essayait aussi de verser une rançon de 90.000 birrs (près de 1.555 dollars) pour libérer son oncle, cultivateur local aussi pris en otage. Aujourd’hui, la famille est dans le dénuement.
Alemetu a déclaré au Guardian : « Il est très rare de trouver une famille dans notre région qui n’ait pas été affectée par les enlèvements. Le gouvernement n’exerce aucun contrôle. »
Elle pense qu’elle a été enlevée parce que son mari avait accepté un emploi dans un bureau du gouvernement local.
« Même si vous ne faites que payer vos impôts, les combattants vous attaqueront », dit-elle.
Tout le monde peut être ciblé
Les histoires comme celles d’Alemetu sont de plus en plus fréquentes dans toute l’Éthiopie. En date de la mi-juillet, plus de 100 personnes, des étudiants pour la plupart, étaient retenues par des ravisseurs contre paiement d’une rançon, selon le magazine The Week.
La plupart des enlèvements ont lieu en Oromia, bien que les ravisseurs soient aussi actifs dans les régions d’Amhara et du Tigré. On a aussi enregistré dans plusieurs régions du pays des enlèvements transfrontaliers commis par des groupes indépendants de l’ALO.
En mars dernier, des ravisseurs ont capturé une lycéenne de 16 ans au Tigré, en demandant que ses parents versent une rançon de 3 millions de birrs (plus de 51.800 dollars). L’enlèvement a été signalé à la police mais le cadavre de la lycéenne a été découvert au mois de juin, provoquant un tollé général.
Jusqu’à récemment, les enlèvements étaient rares hors des bastions de l’ALO dans l’Ouest de l’Oromia. En général, les attaques prenaient pour cible des policiers, des fonctionnaires et leur famille, dans un but plus politique que financier, par exemple pour aggraver l’instabilité ou pour démontrer leur présence dans une zone donnée.
Selon un reportage du Guardian, les enlèvements contre rançon sont aujourd’hui fréquents. Et ils se produisent près de la capitale nationale d’Addis-Abeba, alors que l’insurrection de l’ALO se propage dans de nouvelles régions. Aujourd’hui, tout le monde peut être ciblé.
Le chercheur indépendant Jonah Wedekind déclare que les bandits motivés simplement par des gains monétaires pourraient aussi pratiquer les enlèvements contre rançon.
Il déclare au Guardian : « Certains acteurs armés constatent que l’ALO obtient des revenus de façon efficace grâce à leurs attaques, et ils pourraient l’imiter. Et le tout fait partie d’un problème plus vaste : un conflit qui reflète les perturbations économiques. Les gens n’ont pas d’emploi et ils ont donc recours à cela. »
On note des allégations selon lesquelles les établissements financier auraient révélé les soldes de compte des gens aux ravisseurs, avant ou pendant les enlèvements. Ceci a été confirmé par plusieurs sources policières qui ont parlé anonymement à l’ENACT (projet de crime organisé).
Un journaliste resté anonyme a déclaré à l’ENACT que l’argent comptant versé en rançon retourne dans les établissements financiers éthiopiens, et ceux des pays voisins du Kenya et du Soudan, où il est considéré comme le produit de transactions légitimes.
On soupçonne que cet argent alimente les conflits et facilite les crimes transnationaux organisés tels que le trafic d’armes et les délits financiers.
« Nous ne faisons que pleurer et prier »
Le 3 juillet, des hommes armés ont attaqué trois autobus et enlevé des dizaines d’étudiants de l’université éthiopienne de Debark, qui se rendaient à Addis-Abeba. Les autobus ont été détenus près de Garba Guracha, une petite ville d’Oromia.
Un étudiant en science animale se présentant sous le nom de Mehret a déclaré à la BBC : « Il y a eu des coups de feu et j’ai entendu plusieurs commandes selon lesquelles nous devions courir. Je ne savais même pas ce que nous faisions. »
C’est l’un des rares étudiants à s’être échappé.
Un étudiant en droit se présentant sous le nom de Petros a déclaré : « Ils ont dit à tout le monde de descendre [de l’autobus]. Ils ont commencé à nous battre tous [avec des bâtons] et ils nous ont forcé à courir dans les bois qui étaient proches. C’était terrifiant. »
Certaines familles de victimes ont accusé les autorités de ne pas accorder à l’incident une attention suffisante.
Un homme se présentant sous le nom de Dalke, dont la fille est une victime, a déclaré à la BBC : « C’est déconcertant que les autorités négligent ce problème alors que nos enfants ont été enlevés. »
Un autre homme déclare simplement qu’il veut que ses proches retournent.
« Nous n’avons pas d’argent à offrir [aux ravisseurs]. J’ai sacrifié beaucoup pour envoyer mes enfants à l’école. Maintenant, nous ne faisons que pleurer et prier. »
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