PERSONNEL D’ADF
Les prêts chinois aux pays africains se sont considérablement ralentis au cours des années immédiatement avant et après la pandémie de Covid-19. Mais bien qu’un grand nombre de pays aient toujours des difficultés à cause de leur endettement énorme, la Chine semble prête à lancer de nouveaux projets en Afrique, avec un focus sur l’extraction minière.
On estime que les pays en développement doivent à la Chine une somme cumulative de 1,1 billion de dollars, et que plus de 80 % des prêts chinois à ces pays sont sujets à une détresse financière, selon le laboratoire de recherche AidData du Collège de William et Mary. Malgré cela, la Chine accepte rarement l’annulation des prêts ou la réduction du principal, en préférant négocier des plans de remboursement à plus longue échéance, un cas après l’autre.
Brad Parks, directeur exécutif d’AidData, déclare à CNN : « Au cours des dix dernières années environ, la Chine est devenue le plus grand créancier officiel du monde et nous sommes aujourd’hui arrivés à un tournant où [la Chine] est réellement le plus grand agent officiel mondial de recouvrement des créances. »
Les emprunts africains auprès de la Chine ont atteint un point culminant en 2016 à hauteur de 28,4 milliards de dollars avant de chuter à moins d’un milliard en 2022. L’an dernier, les nouveaux investissements chinois en Afrique ont augmenté de 114 % et la construction a augmenté de 47 %, selon l’université Griffith d’Australie. Mais ces projets semblent différents. Après l’époque de la pandémie, la Chine s’est éloignée des prêts souverains et projette de se concentrer sur les partenariats publics/privés dans lesquels le développeur chinois construit une infrastructure telle qu’une route, un pont ou un port, puis la gère en échange d’une redevance.
« Les décideurs politiques de Pékin ont… exhorté les sociétés chinoises à prendre une participation en capital et gérer l’infrastructure qu’elles construisent pour les gouvernements étrangers, selon un reportage de Reuters. Le but, selon les analystes de la Chine, consiste à aider les sociétés avec des contrats de grande valeur et, en leur donnant un intérêt propre, à assurer que ces projets restent économiquement viables. »
En outre, malgré les promesses du commerce bilatéral, les exportateurs africains ont peu accès aux marchés chinois pour vendre leurs produits. La plupart des importations chinoises du continent concernent le pétrole, le gaz et les minéraux.
« Le résultat est une relation plutôt à sens unique, contrairement aux désirs exprimés par la Chine. Une relation qui est dominée par l’importation des matières brutes africaines ; certains analystes affirment que la situation fait écho aux relations économiques entre l’Europe et le continent à l’époque coloniale. »
Avec le FOCAC (forum sur la coopération sino-africaine) annuel prévu pour septembre, on s’attend à ce que la Chine annonce de nouveaux projets en Afrique. Mais ses pratiques d’emprunt vont être examinées de près. Plusieurs pays débiteurs se retrouvent forcés de réduire dramatiquement leurs projets nationaux ou d’augmenter les impôts afin de rembourser leurs prêts. Le Kenya par exemple dépense environ 60 % de ses revenus pour rembourser ses dettes, et environ le tiers de cet argent est destiné au paiement des intérêts sur les prêts, selon Vox.
La Chine est le plus gros prêteur bilatéral du Kenya avec plus de 6 milliards de dollars de prêts, y compris 1,2 milliard payable en juin 2025.
Cet été, alors que le Kenya fait face à d’énormes manifestations de rue concernant une augmentation des impôts et des mesures d’austérité proposées, la Chine a plusieurs fois refusé d’offrir un allègement quelconque de sa dette.
En s’exprimant au sujet de la Chine sur l’Africa Podcast, Christian Géraud Neema Byamungu a déclaré : “Pour des raisons que nous ne comprenons pas, la Banque d’exportation et d’importation de Chine semble vraiment inflexible pour refuser d’accorder au Kenya une certaine latitude, de lui donner un peu de répit. Un report de cinq ans ne coûterait pas les yeux de la tête à la Chine, ce ne serait pas coûteux mais, pour une certaine raison, elle ne le fait tout simplement pas. »
Alors que le cours du shilling kényan a baissé récemment, le coût d’entretien de la dette a augmenté. Au premier trimestre 2023, ce coût a augmenté de 160 millions de dollars, à cause de la perte de valeur de la devise. Face aux manifestations, le président kényan William Ruto a fait marche arrière concernant ses plans de hausse des impôts, mais cela nécessitera probablement des réductions des services gouvernementaux.
Les analystes pensent que la Chine pourrait aider le Kenya à éviter les pires réductions, mais jusqu’à présent elle a refusé de le faire.
Eric Olander du China Global South Project déclare sur le podcast China in Africa : « Reporter la dette, l’étaler sur 20 ans, et Ruto l’a demandé maintes fois et, chaque fois, cela lui a été refusé. Pensez à un milliard de dollars entre aujourd’hui et juin prochain, qui pourrait être utilisé de façon tout à fait urgente pour d’autres choses. »