Selon un rapport, le Kremlin cherche à utiliser la Libye comme base pour propager le « colonialisme russe »
PERSONNEL D’ADF
La Russie exploite les divisions politiques et les ressources naturelles abondantes de la Libye pour accroître son influence sur le continent, en particulier dans la région du Sahel, selon un rapport récent.
Les efforts du Kremlin seront gérés par l’Africa Corps, ex-groupe Wagner, qui sera basé en Libye. Le groupe prévoit de propager une nouvelle forme de « colonialisme russe », selon le rapport récent du Royal United Services Institute.
Ce rapport déclare : « Le programme russe est remarquablement cohérent depuis des décennies. L’approche d’ensemble consiste à utiliser des opérations d’information et des mesures actives pour polariser la population ciblée, mobiliser les factions pour soutenir les élites alliées et paralyser le soutien aux éléments opposés au leadership d’un pays. »
En Libye, la Russie continue à soutenir le Field Marshal Khalifa Haftar, chef de l’Armée nationale libyenne basée à Benghazi. Il s’est engagé à saisir Tripoli et renverser le gouvernement d’entente nationale de Libye, qui est internationalement reconnu.
Tim Eaton, chercheur associé principal de la Chatham House de Londres, déclare à Deutsche Welle : « Les objectifs de la Wagner en Libye ont consisté principalement à gagner un accès aux revenus pétroliers, plus ou moins indirectement, en soutenant les forces armées de Haftar, mais aussi à s’assurer de pouvoir accéder au continent africain au sens large. Dans cette perspective, la Libye a joué le rôle de tête de pont. »
Vers la mi-avril, les combattants de l’Africa Corps et 6.000 tonnes de matériel militaire ont commencé à arriver par avion-cargo à Birak, au Sud de la Libye, et par navire-cargo à Tobrouk. La Russie prévoit aussi de construire une base navale à Tobrouk, où ses agents pourraient influencer le trafic méditerranéen, accroître la contrebande et peut-être perturber le transport maritime.
Les mercenaires soutiennent aussi les Forces de soutien rapide (RSF) dans la guerre civile prolongée du Soudan. Ils ont transporté des missiles sol-air portables, des munitions, du carburant et autre cargo entre la Libye et les RSF, selon l’Institut allemand pour les études mondiales et régionales.
« Bien que l’Africa Corps semble être le fer de lance de la stratégie sécuritaire de la Russie dans la région turbulente du Sahel, son objectif à long terme consistera très certainement à accroître son influence dans toute l’Afrique », écrit le chercheur Nicodemus Minde de l’Institut d’études de sécurité.
Après s’être réuni avec le général Haftar l’an dernier, le général Andreï Averianov, chef de l’Africa Corps, s’est rendu au Burkina Faso, au Mali, au Niger et en République centrafricaine pour offrir la sécurité en échange de l’accès aux ressources naturelles abondantes de la région. La Russie a extrait l’or africain à hauteur de 2,5 milliards de dollars au cours des deux dernières années, ce qui aide probablement à financer sa guerre en Ukraine, selon le Blood Gold Report.
En février dernier, les mercenaires ont pris le contrôle de la mine d’or Intahaka du Mali, près de la frontière avec le Burkina Faso. Depuis des années, divers groupes armés se disputaient cette mine artisanale, la plus grande dans le Nord du Mali. Les autorités ont récemment écrit une nouvelle version du code des mines du Mali pour donner à la junte au pouvoir un plus grand contrôle sur les ressources naturelles.
« Au Niger, les Russes s’efforcent d’obtenir des concessions similaires qui élimineraient l’accès de la France aux mines d’uranium du pays », a déclaré à la BBC Jack Watling, spécialiste de la guerre terrestre au Royal United Services Institute et principal auteur du rapport.
La présence militaire russe fournit des avantages évidents aux pays dominés par une junte, selon l’analyste de politique africaine Edwige Sorgho-Depagne chez Amber Advisers. Initialement, les juntes étaient transitionnelles et censées organiser des élections « et assurer le retour des institutions démocratiques », déclare-t-elle à la BBC. « Mais maintenant les paramilitaires russes sont amenés pour protéger la junte militaire et lui permettre de rester au pouvoir aussi longtemps qu’elle le désire. »
L’Africa Corps n’est pas seulement actif dans les états dirigés par des juntes. En République centrafricaine, les mercenaires russes priorisent depuis des années le contrôle du marché des diamants dans le pays, en pillant et passant en contrebande ces pierres précieuses tout en éliminant ceux qui se mettent en travers de leur chemin.
Sous le général Averianov, deux sociétés de Centrafrique (Mining Industries et Logistique économique étrangère) sont aujourd’hui accusées d’avoir facilité les opérations de sécurité et les activités d’extraction illégales du groupe.
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