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La fausse monnaie de la RDC finance le terrorisme et la traite humaine

PERSONNEL D’ADF

Au début 2023, les responsables ougandais ont arrêté un homme de 24 ans en provenance de la République démocratique du Congo, qui était entré illégalement dans le pays avec de faux documents. Dans ses bagages, ils ont trouvé de la fausse monnaie d’une valeur de 500.000 dollars.

Deux ans auparavant, les autorités ougandaises avaient stoppé un groupe de dix personnes provenant de la RDC avec 2,4 millions de dollars en faux billets, apparemment pour les distribuer dans l’Ouganda et les pays voisins.

Des études récentes montrent que la RDC est devenue un centre majeur de fabrication et de distribution de fausse monnaie en Afrique. Dans certains cas, la fausse monnaie est fabriquée en RDC mais dans d’autres cas, les gens impriment l’argent dans les pays voisins et le passe en contrebande en RDC pour le distribuer de là-bas.

L’an dernier, les autorités rwandaises ont arrêté deux hommes qui fabriquaient de faux billets de 100 dollars dans la région du Bugesera. Au moment de leur arrestation, ils avaient imprimé de la fausse monnaie à hauteur de 100.000 dollars. L’un des suspects a déclaré à la police qu’il avait acheté le papier pour les faux billets en RDC deux ans auparavant.

La contrefaçon est seulement un aspect de la criminalité qui sévit en RDC. Ce pays est en première place du classement de la criminalité parmi les 54 pays africains sur l’Indice africain du crime organisé ENACT.

Les bandes criminelles basées en RDC disséminent la fausse monnaie dans l’économie informelle de l’Ouganda, de la RDC et du Rwanda, où les marchands pourraient être incapables de détecter les faux billets. Cet argent est souvent utilisé pour acheter des armes, soutenir la traite humaine et financer les activités terroristes, le tout en sapant l’économie des pays où il circule.

« La fausse monnaie réduit la valeur de la monnaie authentique, ce qui affecte négativement la stabilité financière d’ensemble du pays. Elle conduit aussi à l’inflation », a récemment écrit pour ENACT l’analyste Oluwole Ojewale, coordinateur de l’observatoire régional du crime organisé d’ENACT pour l’Afrique centrale.

La cible primaire des contrefacteurs est le dollar des États-Unis, qui est devenu la devise principale en RDC lorsque les habitants ont essentiellement abandonné le franc congolais du fait de sa forte dévaluation. Le franc est passé de 2.001 francs par dollar en 2022 à 2.800 francs par dollar en 2023, soit une chute de 35 %.

Les contrefacteurs tirent profit de la forte demande pour le dollar en RDC, où la plupart des biens de consommation sont importés.

L’économiste Al Kitenge a déclaré à DW : « À mesure que les produits sont importés, les gens ont besoin de devises étrangères pour les importer. Mais lorsqu’ils se rendent au marché pour obtenir des devises étrangères, la demande est si forte que le franc congolais perd de la valeur parce que les gens sont prêts à payer davantage pour obtenir ces devises étrangères et pour les importer. »

Comme le démontrent les arrestations au Rwanda et en Ouganda, les frontières poreuses de la RDC nécessitent souvent que ce soit les pays menacés par les contrefacteurs qui se chargent des contrôles de police.

La corruption publique et la faiblesse de la mise en application des lois ont essentiellement paralysé la capacité de réponse de la RDC face à la contrefaçon, selon les observateurs. De ce fait, la RDC n’a pas saisi l’opportunité de combattre les fondations financières des terroristes plutôt que de les affronter sur le champ de bataille, selon les analystes du Groupe d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique centrale (GABAC).

« Les autorités chargées des poursuites judiciaires ne semblent pas considérer les aspects financiers dans les enquêtes sur le terrorisme, signalent les analystes du GABAC. Les autorités de la RDC semblent se concentrer uniquement sur l’aspect sécuritaire des menaces terroristes tout en ignorant le risque potentiel du financement du terrorisme. »

La RDC a des lois qui pourraient réprimer la contrefaçon mais elles sont mal appliquées. Officiellement, le pays a enregistré seulement deux cas de contrefaçon l’an dernier. L’évidence suggère que cette situation est très éloignée de la réalité, selon Oluwole Ojewale.

« Ceci représente seulement une goutte d’eau dans l’océan de la criminalité de la fausse monnaie dans le pays », écrit-il pour ENACT.

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