Africa Defense Forum

Le Nigeria a des difficultés pour garder les ex-combattants de Boko Haram dans le programme DDR

PERSONNEL D’ADF

Depuis sa création en 2016, le programme DDR (désarmement, démobilisation et réintégration) du Nigeria cherche à réhabiliter les ex-combattants de Boko Haram et les réintégrer dans la société.

Toutefois, le manque d’argent et de capacité provoque facilement le retour des anciens militants vers la forêt et l’extrémisme.

Zagazola Makama, analyste de la sécurité dans l’État de Borno, déclare que la famine est devenue un problème majeur dans la capitale de Maiduguri, où les anciens insurgés et leur famille vivent ensemble dans des camps pour déplacés internes (IDP).

« Beaucoup de ceux qui se sont repentis se plaignent des difficultés, des mauvaises conditions de vie et du manque d’attention par ceux qui gèrent le programme [DDR], dit-il à ADF. Il y a des rapports sur ceux qui sont retournés dans la forêt après avoir suivi un programme de réhabilitation : ils ont repris les armes contre le gouvernement. Beaucoup se plaignent que le gouvernement n’a pas tenu les promesses qu’il avait faites au moment où ils s’étaient rendus. »

Malgré les efforts militaires du Nigeria et de la région, l’insurrection a atteint sa quinzième année sans indication qu’elle va prendre fin. Les redditions en masse au cours des dernières années permettaient d’espérer et encourageaient l’élan des forces de sécurité, mais aujourd’hui le programme DDR devient hypertrophié.

Le gouverneur Babagana Zulum déclare que l’État de Borno a accueilli plus de 162.000 ex-militants et leur famille au cours des deux dernières années. Entre-temps, il existe environ 1,7 million de personnes déplacées dans l’État de Borno, selon les estimations des Nations unies.

Le gouvernement de l’État de Borno offre de l’argent aux ex-militants au lieu de les nourrir directement.

« Ils leur donnent de l’argent comptant pour acheter ce dont ils ont besoin, déclare M. Makama, mais la plupart du temps ils dépensent leur argent pour acheter autre chose et sont sujets à la famine. »

En février, certains participants au programme DDR et leur famille ont manifesté à l’extérieur du camp Dikwa de Borno, en disant qu’ils n’avaient pas reçu leur paiement. Il y a eu au moins trois manifestations de ce type depuis août 2023.

Le gouvernement fédéral du Nigeria a promis une formation pour développer les aptitudes et de l’argent pour financer des commerces pour les ex-combattants de Boko Haram qui se rendent, mais on signale que peu d’entre eux en ont bénéficié.

Le professeur Lawal Jafar Tahir, analyste politique de l’université Damaturu de l’État de Yobe, est concerné pour la sécurité du Nigeria si ces ex-combattants retournent dans la brousse.

« Aujourd’hui, ils sont plus ou moins une bombe à retardement pour la société, déclare-t-il à Deutsche Welle. Ils ont maintenant recueilli des informations et des opportunités raisonnables pour attaquer les gens, les civils. Lorsqu’ils se révolteront, le gouvernement aura beaucoup de difficulté pour les contrôler. »

Le gouverneur Zulum, s’exprimant devant un groupe de diplomates, partenaires de développement et responsables humanitaires à Maiduguri le 7 mars, a lié les deux sujets du DDR et des IDP.

Selon des reportages locaux, il a déclaré au groupe : « Au [camp de] Mafa il y a quelques jours, j’ai vu un groupe de 200 femmes qui ont dit qu’elles voulaient retourner dans la brousse. Elles ont dit qu’elles vivent dans le camp mais n’obtiennent rien. Nous sommes allés les calmer. Ceci souligne aussi le fait que les camps des IDP sont sujets à la famine. Nous devons leur fournir des moyens de subsistance durables et soutenables. Nous devons nous éloigner des solutions immédiates et passer aux solutions durables à moyen et long terme, parce que si nous ne faisons pas attention aux IDP, nous risquerons de les voir retourner dans la forêt vers les combattants. »

Le gouverneur dit que son gouvernement engagera 15 % de son budget annuel pour relocaliser les IDP. Il a dit au groupe qu’une solution durable coûterait 2,7 milliards de dollars.

« Je me suis engagé à relocaliser notre peuple dans des maisons décentes situées dans des lieux sécurisés, à les soutenir pour qu’ils se réintègrent dans nos communautés ou qu’ils se réinstallent dans un autre lieu s’ils le souhaitent, en respectant leur choix et leur dignité. La mise en œuvre de solutions durables pour les IDP réduira aussi considérablement le recrutement des jeunes hommes sans travail par Boko Haram, qui représente une menace pour la sécurité nationale et internationale. »

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